Les violences faites aux femmes (Vff) sont autant dévastatrices que les conflits armés, en ce sens qu’elles portent atteinte à la paix et au développement. C’est ce que soutient Bénédicta Aloakinnou, responsable d’Ong et jeune leader du Bénin, résolument engagée contre le phénomène. Elle exhorte les dirigeants à s’impliquer dans la lutte à travers des actions concretes.
En tant que jeune femme, comment entrevoyez-vous la lutte contre les violences faites aux femmes à l’horizon des Odd?
La lutte contre les violences faites aux femmes passe inéluctablement par la réalisation de l’égalité des sexes. En assurant l’égalité entre les filles et les garçons, nous marquerons un pas vers la suppression de ce phénomène. Si L’Odd 5 parait comme une mesure efficace pour lutter contre ce fléau, notons aussi que l’atteinte de tous les Odd passe par la femme en ce sens qu’elle participe à tous les niveaux de développement. L’Afrique que nous voulons est un continent où chaque femme développe son plein potentiel et contribue véritablement au développement main dans la main avec les hommes sur le champ de bataille.
Les violences faites aux femmes, on en parle presque tous les jours dans notre pays. Le phénomène semble avoir la peau dure…
Les violences faites aux femmes ont peut-être la peau dure mais ells ne sont pas indestructibles. Nous triompherons certainement avec gloire.
N’est-ce pas une campagne de plus cette année, avec ‘’les seize jours d’activisme contre les Vff’’ ?
Chaque nouvelle campagne est un pas vers l’accomplissement d’une prophétie: celle d’un monde où les violences faites aux femmes font désormais partie du passé. Un passé lointain et révolu. La preuve au cours de cette campagne est l’engagement accru des organisations de jeunes autour de la problématique des Vff, de l’intérêt manifeste des hommes à accompagner la lutte, et surtout de l’augmentation du nombre de femmes qui témoignent et qui trouvent assistance. Le silence se brise de plus en plus. A mon sens, cette campagne marque le début d’une belle révolution féminine soutenue par les hommes contre les violences faites aux femmes, notamment le viol.
Que révèlent les statistiques au Bénin en matière de viol?
Le viol est un crime contre la femme, contre la mère de l’humanité. Les chiffres ne traduisent qu’une infime partie de la réalité, car toutes les femmes ne dénoncent pas.
Il est, aux termes de l’article 553 alinéa 1 de la loi 2018-16 portant Code pénal en République du Bénin, ‘’tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui, par violence, contrainte, menaces ou surprise’’. Il faut souligner qu’une exception n’est pas faite au phénomène dans le mariage ou non.
Les chiffres publiés par l’Insae en 2019 révèlent qu’au Bénin, le quart des femmes de 15-49 ans (27 %) ont déclaré avoir subi des violences physiques à un moment quelconque de leur vie depuis l’âge de 15 ans. 12 % des femmes ont subi des actes de violence physique au cours des douze derniers mois. La proportion des femmes ayant subi des actes de violence physique au cours de la même période est la plus élevée dans le département de l’Alibori (22 %).
Une femme sur dix a subi des violences sexuelles à un moment quelconque. 5 % des femmes ont subi des violences sexuelles au cours des douze derniers mois. La violence sexuelle récente est la plus élevée dans le département du Plateau (9 %).
Il se dit au sein de l’opinion que les féministes et les acteurs de la lutte ressassent le même sujet au fil du temps. Pensez-vous que les discours suffisent à lutter efficacement contre les Vff ?
La lutte contre les violences faites aux femmes n’a jamais été une histoire de discours pour nous les défenseurs. Des plaidoyers, des lobbyings, des actions…C’est un travail véritable qui s’effectue à tous les niveaux et sur tous les plans, même s’il n’est pas toujours visible. Lutter efficacement contre ce phénomène passe par la dénonciation et l’égalité des sexes. L’éducation dans nos maisons, dans nos rues, dans nos écoles doit être revue. Il faudrait inculquer dès la base une bonne éducation à la fille et au garçon. Lutter efficacement contre ce fléau passe aussi par la suppression des blagues sexistes qui prennent de plus en plus d’ampleur entre personnes âgées, jeunes et s’étendent à nos relations humaines. Nous devons arrêter de faire passer la femme pour celle qui ‘’vide les poches des hommes’’ en cette période des fêtes de fin d’année et surtout arrêter de la réduire à l’être qui ‘’doit savoir tout faire’’. Tant que ces genres de blagues choquantes qui réduisent la femme à une simple machine à pondre, une paresseuse matérialiste persisteront, les violences continueront. Tant qu’on dira en riant ‘’qu’une femme qui ne sait pas cuisiner mérite un homme qui sait la battre’’, ou encore que les ‘’femmes violées méritent leur sort’’, le phénomène ne cessera pas. Ces blagues incitent à la violence. Cette lutte implique une réelle volonté du législateur et du pouvoir judiciaire quant à l’encadrement juridique réel et efficace des violences faites aux femmes et aux sanctions. Il faudrait aussi que nos gouvernants s’impliquent et s’affichent véritablement dans la lutte par du concret.
L’implication effective et active des hommes vous paraît-elle une démarche aisée?
Sourire! Chose aisée? Non! Mais leur implication est effective cette année. Au cours de cette campagne, me semble-t-il, les hommes l’ont compris et se joignent à la cause. Cette campagne contre les violences à l’égard de la femme interpelle toutes les couches sociales, car la violence généralisée à l’encontre des femmes fait bien d’autres victimes. Elle détruit des familles, des économies et même la paix et la prospérité.
Qu’en est-il réellement de la responsabilité des victimes étant donné qu’elles se résolvent à la loi de l’omerta?
La responsabilité des victimes est grande et s’étend même au-delà du seul fait de briser le silence. Il est clair que les victimes doivent dénoncer, se faire aider et assister. Toutefois, cette décision est difficile à prendre dans une société où l’on a toujours appris à la femme qu’elle est le sexe faible et que l’homme a tous les droits sur elle. La responsabilité des victimes de violences reste dure à réaliser dans une société où l’on conçoit que le mariage est une fin en soi et que la femme doit tout supporter dans son foyer: blessures, injures, humiliations…tout pour ne pas déshonorer sa famille. La responsabilité des victimes est engagée et le dispositif juridique en place protège la femme qui dénonce, mais un travail reste à faire quant à l’éradication des pesanteurs socioculturelles. Ce ne sont pas seulement les violences qui constituent le crime, mais le fait d’en être témoin sans dénoncer aussi l’est. L’autre aspect de la responsabilité des victimes, c’est l’engagement à prendre pour éviter que les prochaines générations subissent ces horreurs. Un homme bien éduqué respecte la femme parce qu’il en connait la valeur.