Une publication en date du 19 octobre 2022 annonce qu’il est possible de gagner 20 millions de Fcfa en quatre mois pour un hectare de chou produit. Plusieurs insuffisances ont été notées dans cette démonstration qui est loin de la réalité.
20 millions à l’hectare en seulement 4 mois. La production de chou semble bien rentable si on s’en tient à une publication faite sur la page Facebook Agro semence business le 19 octobre 2022. « Sur un hectare, on peut planter 72 900 choux. Avec un espacement de 30 cm entre les plantes et un mètre entre chaque groupe de ligne », détaille la publication qui a enregistré plus de 700 réactions en moins de 24 heures, et partagé 90 fois.
« Si un chou coûte 300 francs, alors 300 * 72 900 choux = 21 870 000 francs à l’hectare », explique la publication. La théorie suscite de l’engouement sur la toile. « Vraiment, ça fait rêver », commente un internaute. D’autres, la majorité, sont dubitatifs. « La théorie a toujours été belle et flatteuse », commente Pascal Zouri. « J’ai fait ça sur ¼ d’hectare l’an passé, mais ce n’est pas le cas », fait savoir Mohamed Bazame. Joint par l’équipe de Fact Checking, l’administrateur de la page n’a pas répondu.
Mauvais calcul
Pour vérifier, les fact-checkeurs de La Nation sont allés à la rencontre de maraîchers et de spécialistes en production végétale. Tanguy Gnikobou, co-fondateur des « Jardins de l’espoir », un réseau de fermes agro écologiques au Bénin, note également des limites. « C’est trop facile de parler ainsi. Si l’espacement est trop serré, il lui faudra beaucoup d’intrants, beaucoup de composts. Il faut qu’il renseigne plus les éléments techniques, l’espacement, l’association ou non de cultures qui vont aider à lutter contre les ravageurs », remarque l’agrobiologiste. Hubert Glin, spécialiste en production biologique, dévoile des erreurs de calcul. Avec 30 cm entre deux plants sur une et 1 mètre d’intervalle entre les lignes, la densité ne peut dépasser 33 400 plants sur un hectare. Si nous prenons une parcelle de d’un hectare, soit 100 m × 100 m, sur un côté, nous aurons 333,33 que nous pourrons arrondir à 334 plants et sur le second côté, nous aurons 100 lignes de production », souligne-t-il.
« C’est inconcevable »
Il faudra aussi tenir compte des difficultés à produire le chou. « C’est inconcevable de ne pas diviser cet espace de production en deux au moins pour faciliter les traitements à moins que ce soit une machine à pulvérisation ou drone qui serait utilisée. Et tout ça, sans considérer le taux de perte qui avoisine déjà 5 % de la production », ajoute Hubert Glin, spécialiste en production biologique qui avertit les internautes. « C’est à cause de ces genres de publications que beaucoup se laissent mordre à l’arnaque agricole ». Tanguy Gnikobou trouve illusionniste le mode de calcul. « Il n’a pas tenu compte des charges, des instants, des semences, les produits de traitements, la main d’œuvre, l’amortissement des différents équipements. C’est une théorie à prendre avec des pincettes », ajoute-t-il.
Une illusion !
Plusieurs études ont été réalisées sur les éléments techniques et économiques de production de chou dans la sous-région. « Une production moyenne de 2500 m2 permet de générer des revenus de 275.000 F.CFA pour 77.000 Fcfa de charges opérationnelles et donc une marge brute de 198.000 Fcfa et un ratio (produits/charges opérationnelles) supérieur à 2 », dévoile une fiche produite par la Chambre régionale d’Agriculture de Dosso au Niger en 2017.
Une étude conduite en 2018 par Justin Houeto et Simplice Vodouhè a permis d’analyser la performance économique de production de Chou (Brassica oleracea) biologique à Cotonou et de Sèmè Kpodji au Sud-Bénin. Selon les résultats, la valeur ajoutée ou marge brute créée par hectare était de 9 269 792 Fcfa chez les producteurs de chou biologique et de 6 910 222 Fcfa chez les producteurs de chou conventionnel. Après le paiement des frais de personnel ou de la main d’œuvre salariée, l’excédent brut d’exploitation obtenu par unité de surface cultivée était de 9 195 417 Fcfa dans la production de chou biologique contre 6 819 597 Fcfa dans la production de chou conventionnel.
Après la déduction des charges fixes constituées exclusivement des frais d’amortissement d’outillage utilisé par les producteurs enquêtés un résultat net ou revenu net par hectare a été obtenu et de l’ordre de 8 589 046 FCFA chez les producteurs de chou biologique et de 6 349 009 F CFA chez les producteurs de chou conventionnel.
Verdict
La publication est assez illusoire. Elle ne prend pas en compte les charges de production, et les contraintes qui entrent en ligne de compte. Le calcul de la densité est aussi faux.