A Atrokpocodji (commune d’Abomey-Calavi), les enfants du quartier ont pour friandises préférées les gâteux de dame Amounatou Adétola. La trentaine, cette mère de famille concrétise l’un de ses plus beaux rêves qu’est la pâtisserie en dépit de son handicap visuel.
Dans la spacieuse cuisine qui lui sert de cadre de travail, les effluves montent et annoncent les goûts des friandises qui ne tardent d’ailleurs pas à passer au four. L’essentiel du travail est assuré par Amounatou Adétola. Handicapée visuelle, elle étonne par son agilité à mélanger les ingrédients, fondre le beurre, casser les œufs et les ajouter au mélange. C’est avec la même facilité qu’elle alterne l’ajout d’ingrédients secs et humides pour finir par verser la pâte dans les moules et la faire passer au four.
Pour préparer un gâteau, elle connait les différentes étapes du bout des doigts. Seule difficulté, la prise des mesures et le pesage. Pour cette étape, elle a besoin d’un coup de main. Mais le reste, elle l’assure avec doigté, malgré son handicap. Sans doute parce que depuis toujours, elle a rêvé de ce métier. Amounatou s’est toujours voulue et sentie pâtissière. Un rêve d’enfance que son handicap visuel a contribué à éloigner. Mais ce n’est pas pour autant qu’elle a cessé d’y croire. C’est finalement à l’âge adulte que la Providence choisit de réaliser son rêve.
Le projet « Amélioration de l’accès à l’emploi des jeunes en situation de handicap » de Handicap International venait d’être lancé pour améliorer l’insertion économique et professionnelle des personnes handicapées au Bénin. Il était question de promouvoir l’emploi décent des jeunes en situation de handicap par l’accompagnement et le renforcement des acteurs publics, des services de l’insertion professionnelle et aussi des entreprises. Grâce à cette initiative, plus de 800 personnes handicapées ont été sensibilisées. 538 ont été enregistrées. 497 ont fait l’objet d’un bilan en termes d’aptitude au niveau professionnel et de coaching. Sur cet effectif, 151 personnes ont été formées et 69 ont bénéficié de kits d’installation. Au nombre de ces dernières, la désormais pâtissière d’Atrokpocodji.
Concrétiser un vieux rêve
« J’ai suivi une formation de six mois dans un centre de formation professionnelle aux frais du projet », explique-t-elle souriante. Au terme de cette formation, elle a été dotée d’équipements. Plus rien ne peut donc entraver désormais la concrétisation du vieux rêve. Commence alors un parcours riche et ambitieux qui tend vers un objectif clair : la pâtisserie. Amounatou, s’est alors mise à fond sur sa nouvelle activité. Les gâteaux et les friandises, elle en fabrique à foison et ça coule. « Je n’ai pas encore des clients fidèles parce que c’est une nouvelle activité. Mais je ne me plains pas parce que j’arrive à écouler mes produits. Ce que je gagne me suffit largement », témoigne-t-elle.
Activité nouvelle certes, mais cela ne manque pas de curiosité. Pour qui connaissait la jeune dame, son nouveau métier épate. « Mon entourage est parfois étonné et se demande comment j’arrive à fabriquer des gâteaux, des friands et autres friandises alors que je ne vois pas… Mais ceux qui me connaissaient avant ne sont pas surpris », explique Amounatou, toute concentrée sur sa préparation. « Les gens sont sidérés de me voir à l’œuvre parce que je ne vois pas. Je ne vois que des silhouettes. J’ai une canne blanche pour me déplacer », assure-t-elle.
Elle étonne !
Artisane, elle l’est aussi. Avant de se mettre à la pâtisserie, elle était connue pour la fabrication des sacs macramés. Une autre activité qui nécessite une bonne vision, mais dans laquelle elle excelle sans aucune difficulté et sans le moindre coup de main. Son ambition, c’est d’élargir son activité. Dans les mois à venir, elle compte rejoindre un nouvel emplacement à Zinvié, pour donner corps à son projet de boulangerie-pâtisserie. Cette initiative bénéficie de l’attention de son époux qui a déjà acquis un domaine à cet effet.
Mais l’appui du conjoint va bien au-delà. « Mon mari m’apporte son soutien sur tous les plans. Il m’aide souvent à placer les appareils, à fouetter quelque chose quand il n’est pas occupé, ou alors il s’occupe de notre petite fille pendant que je travaille », se félicite celle qui se fait aussi affectueusement appeler « Maman gâteau ». S’il est convenu que le handicap ne saurait être une fatalité, Amounatou Adétola veut davantage l’illustrer par sa détermination et sa motivation quotidiennes. « Je voudrais demander aux personnes handicapées qui n’ont pas encore un travail de redoubler d’efforts et de croire en leurs rêves, car cela finit par se concrétiser. Travailler et être soigné font disparaitre l’image du handicap. Cela rend indépendant et autonome…Nous devons nous soustraire aux besoins pour donner la preuve en tant que personne handicapée qu’on peut être aussi indépendante et bien gagner sa vie », conseille-t-elle?