Aurélie Adam Soulé Zoumarou, ministre du Numérique et de la Digitalisation, a pris part à l’élaboration du rapport du groupe de travail du secrétaire général des Nations Unies sur le financement digital des Objectifs de développement durable (Odd). Dans cette interview, elle expose les grandes lignes de cette étude intitulée «L’argent des citoyens: exploiter la digitalisation pour financer un avenir durable» et évoque les actions du gouvernement du président Patrice Talon dans le secteur du numérique qui concourt à l’accélération de l’atteinte des Objectifs de développement durable (Odd).
Madame la ministre, vous avez participé à l’élaboration du rapport du groupe de travail du secrétaire général des Nations Unies sur le financement digital des Objectifs de développement durable (Odd). Quelles sont les grandes lignes de ce rapport ?
Ce rapport du groupe de travail intitulé : «L’argent du peuple: exploiter la digitalisation pour financer un avenir durable », s’est articulé autour de la mission du groupe de travail de recommander et de catalyser des moyens d’exploiter la numérisation pour accélérer le financement des Odd. Il résume les conclusions et recommandations élaborées et approuvées par le groupe de travail depuis sa création en novembre 2018. Le premier message est lié à notre conviction que le numérique ou la digitalisation peut contribuer à accélérer l’atteinte des Objectifs de développement durable (Odd). Aujourd’hui, nous notons une croissance de plus en plus forte des usagers du numérique. Beaucoup de personnes se connectent ou viennent en ligne pour faire des transactions financières. Du coup, les services financiers se développent dans le monde et surtout en Afrique. Si je prends le cas de notre pays, en 2019, le Bénin comptait plus de 3 500 000 abonnés actifs aux services financiers mobiles qu’on appelle Mobile money. C’est une grande proportion de la population. La crise sanitaire mondiale du coronavirus a encore montré davantage l’importance de la digitalisation et des services financiers numériques. Car, c’est à travers les canaux digitaux que les transactions financières se font de nos jours pendant la majeure partie du temps. Au regard des opportunités qu’offre le numérique, nous sommes convaincus que les pays ou les communautés qui embrassent la digitalisation en s’investissant dans les innovations numériques ont plus de chance d’accélérer l’atteinte des Objectifs de développement durable (Odd). Le second message est lié à la mise en place des infrastructures pour permettre à tous d’avoir accès aux services numériques. A ce niveau, le groupe de travail a examiné la manière dont la numérisation pourrait amener le système financier à répondre aux priorités des personnes qu’il vise à servir, en leur donnant plus d’influence en tant qu’épargnants, prêteurs, emprunteurs, investisseurs et contribuables. Pour le groupe, il faudrait que la numérisation ait un effet transformateur en renforçant les systèmes financiers au lieu de constituer un obstacle pour leur développement.
Nous avons pensé à comment la numérisation peut être exploitée pour venir en aide aux plus vulnérables, réduire les inégalités, soutenir les moyens de subsistance et renforcer la solidarité. Les inégalités peuvent être comblées par le numérique si dans les politiques publiques des Etats, on fait en sorte d’amener toutes les populations vers l’usage du numérique. Il faut outiller les communautés pour qu’elles soient en mesure d’accéder aux infrastructures, d’avoir les compétences numériques et d’utiliser les services numériques. Il faut bâtir autour de la digitalisation toutes les normes possibles afin que les systèmes financiers soient aussi forts qu’ils le sont dans le monde physique. Le troisième message est la synergie d’actions entre l’ensemble des composantes de la société, y compris l’Organisation des Nations Unies qui a commandé ce travail pour concourir à l’atteinte des Odd.
Quelle a été la contribution du Bénin à travers votre personne dans ce groupe de travail?
La diversité des acteurs de ce groupe de travail composé aussi bien des personnes du secteur public que du privé, des cadres à l’échelle internationale et des entrepreneurs, a permis d’aboutir à des recommandations contenues dans ce rapport sommaire qui doit concourir à l’atteinte des Odd. Nous avons eu le privilège en tant que ministre du Numérique et de la Digitalisation du Bénin d’apporter notre regard sur l’importance de la digitalisation à l’échelle d’un pays. Au cours des échanges avec des acteurs à différents niveaux, nous avons partagé notre expérience et enrichi nos connaissances.
Quelles sont les dispositions que le gouvernement aura à prendre pour la mise en œuvre du programme d’action du groupe de travail ?
Le programme d’action du groupe de travail est une série de recommandations et d’actions que le groupe de travail propose aux Etats et aux acteurs concernés de mettre en œuvre pour accélérer l’atteinte des Odd grâce à la digitalisation. Le numérique et la digitalisation ont permis au Bénin d’accélérer et d’atteindre certains Odd qui auraient été plus lents et moins évidents si le numérique n’était pas érigé au rang des priorités dans notre pays.
Notre pays n’a pas attendu ce rapport avant de commencer la mise en œuvre d’un certain nombre d’actions. Le reste de ce programme d’action pourra servir de bonnes pratiques pour le Bénin et les autres pays pour la continuité de leur programme. En ce qui concerne le Bénin, nous avons été capable d’apporter notre expérience dans l’élaboration de ce rapport en montrant ce que la digitalisation peut apporter au développement d’un pays. Nous avons mis en avant les bonds que le Bénin a pu faire grâce à l’intégration du numérique. Le gouvernement béninois a été en mesure d’anticiper sur les opportunités du secteur numérique.
Au regard des recommandations, comment le Bénin entend surmonter les obstacles afin de combler l’écart dans le financement des Odd ?
Le Bénin fait beaucoup d’efforts depuis quelques années pour transformer ces obstacles en opportunités. Le président de la République Patrice Talon a très tôt compris en plaçant le numérique au rang des priorités de son gouvernement. A travers la vision du chef de l’Etat qui ambitionne de faire du Bénin la plateforme numérique de la sous-région, le ministère du Numérique et de la Digitalisation est en train de conduire un vaste programme qui prend en compte tous les secteurs. Le gouvernement s’est engagé à relever le défi du numérique et investit massivement dans la mise en place des infrastructures numériques. De plus, nous sommes en train d’utiliser le potentiel du numérique pour optimiser toutes les procédures administratives en plaçant l’usager au cœur de l’administration publique. Toutes ces innovations composent notre programme d’administration intelligente. Nous outillons les populations en développant les compétences numériques. Il est important de rappeler également que le Bénin fait des efforts énormes en matière de la digitalisation des finances publiques. Le ministère des Finances a digitalisé plein de processus au niveau des impôts, de la douane et autres. Ce qui a permis à ce ministère d’éviter les gaspillages et d’améliorer les performances de nos finances publiques avec des résultats élogieux sur le plan international. C’est important de le signaler parce que le groupe de travail a lancé un appel aux Etats à digitaliser leurs finances pour les rendre transparentes. Le gouvernement est donc en phase avec les recommandations et continuera dans ce sens en investissant dans les infrastructures numériques, en encourageant le développement des marchés, en donnant plus de pouvoir aux citoyens et en permettant les innovations nécessaires en matière de gouvernance.
Qu’est-ce qui est fait aujourd’hui pour réduire les inégalités et la fracture numérique ?
Il y a des interventions à plusieurs niveaux. Le premier niveau d’intervention, c’est le secteur de l’éducation. A cette date, nous avons pu impacter tous les ordres d’enseignement maternel et primaire, secondaire, technique et professionnel ainsi que supérieur à travers la mise en place des infrastructures numériques dans les salles de classe afin que les enfants ne deviennent pas les analphabètes du numérique demain. A l’école, on leur apprend à se familiariser avec les outils du numérique. Le numérique s’impose dans les collèges et lycées ainsi qu’à l’université avec le lancement des plateformes au profit des élèves et étudiants. Nous avons des programmes pour permettre à tous les secteurs d’activités d’utiliser le numérique. En termes d’initiatives, nous avons le Bénin digital Tour qui est organisé chaque année et qui a permis de toucher plusieurs catégories socioprofessionnelles. Nous avons les points numériques communautaires et les salles multimédias dans toutes les communes pour permettre à toutes les populations d’avoir accès au numérique dans des salles équipées et connectées qui peuvent les aider à appréhender l’outil numérique.
Votre mot de la fin
Il faut que chacun s’approprie sa parcelle numérique. Comme une maison, la parcelle numérique doit constituer par analogie, pour chaque citoyen, un facteur d’autonomisation et d’accomplissement de soi. Chacun de nous doit réfléchir à ce que le numérique peut apporter dans sa vie. Les Béninois doivent davantage se donner aux métiers du numérique qui sont les métiers d’avenir. J’en appelle à la contribution de tous pour l’éclosion de ce secteur tourné vers les innovations.