Le quatrième dossier inscrit au rôle de la première session criminelle de l’année 2022 du Tribunal de première instance d’Abomey-Calavi a également porté sur des faits d’infanticide. Principale accusée, dame Jeanne Adèle Agbétou a pris 10 ans de prison pour avoir jeté son enfant dans un puits. Son coaccusé, Bassam Paul Bodoki initialement accusé de complice, a été acquitté au bénéfice du doute.
Accusé de complicité d’infanticide, Bassam Paul Bodoki peut se réjouir. Il a été acquitté au bénéfice du doute. Mais dame Jeanne Adèle Agbétou n’a pas connu le même sort. Le Tribunal de première instance d’Abomey-Calavi l’a reconnue coupable des faits d’infanticide et l’a condamnée à 10 ans de prison.
Le quatrième dossier a mis à la barre les nommés Jeanne Adèle Agbétou et Paul Bassam Bodoki tous détenus depuis le 25 janvier 2018. Dame Jeanne était en concubinage avec le père de son enfant… Visiblement le couple rencontrait beaucoup de difficultés et dame Jeanne commençait à se lasser de son foyer… Elle a décidé de quitter son concubin pour crécher chez une de ses sœurs. Là-bas, elle retrouve un ancien ami qu’elle avait connu en 2015 et avec qui elle avait déjà eu une idylle… Ayant vu une porte de sortie, dame Jeanne s’est rapprochée de son vieil ami Paul. Celui-ci lui aurait exigé qu’elle fasse disparaître son enfant, seul lien avec son mari, afin qu’ils poursuivent tous deux leur idylle… Mi-janvier 2018, le voeu est exaucé. L’enfant meurt noyé dans un puits. Dame Jeanne avance que l’enfant est tombé de son dos pendant qu’elle puisait mais son ancien patron soutient que la mise en cause lui a avoué qu’elle a volontairement jeté son enfant dans le puits pour poursuivre son idylle avec le nouvel homme de sa vie, le sieur Paul… A la barre, les deux accusés disent n’avoir aucun projet de vie de couple. L’homme dit ne jamais avoir poussé dame Jeanne à pareil crime. Il ajoute même qu’à leurs retrouvailles en décembre 2017, il ne nourrissait plus aucun sentiment pour dame Jeanne… Celle-ci, à la barre, rejette tous les propos qu’elle avait tenus devant son patron et au commissariat… Elle laisse entendre que c’est son patron qui a monté toute une histoire pour la faire condamner puisqu’elle avait une forte dette envers lui. Elle soutient que l’enfant est tombé malencontreusement dans le puits et nie avoir le moindre sentiment à l’égard de son coaccusé Paul. Venu témoigner, l’ancien patron de dame Jeanne est resté constant dans ses anciennes déclarations.
Représenté par Gracia Gnacadja, le ministère public a demandé au tribunal de retenir les deux accusés dans les liens d’infanticide et de complicité d’infanticide. Il évoque les articles 473 et 476 du code pénal qui prévoient l’infanticide et les peines encourues. L’infanticide est défini comme un homicide volontaire commis sur la personne d’un enfant nouveau-né âgé de moins de 18 mois. Dans le cas d’espèce, dame Jeanne a volontairement laissé son enfant, tomber dans le puits, un enfant de 9 mois… Censé être noué au dos, comment l’enfant a-t-il chuté par l’avant sans même avoir effleuré la margelle du puits ? Les éléments légal et matériel étant réunis, le ministère public situe l’élément intentionnel dans le désir pour les coaccusés de refaire leur vie. Le ministère public relève la circonstance aggravante que constitue la préméditation. Pour le conseil de dame Jeanne, le bâtonnier Djikoui, il y a beaucoup d’imprécisions et de procès d’intention dans le dossier. La version selon laquelle l’enfant serait tombé par accident dans le puits n’est pas la plus soutenable mais il faut également reconnaître que rien ne prouve que les deux soi-disant tourtereaux se sont entendus pour éliminer l’enfant. Dans cet imbroglio, il invite le tribunal à prendre en compte les aspects mystiques ou psychiatriques derrière cet acte. Et évoque la possibilité que ce soit une force surnaturelle ou une anomalie psychiatrique qui ait poussé la mère à jeter son enfant de sorte qu’elle est restée inconsciente de son acte. Le conseil du sieur Paul a également soulevé la présence d’un doute dans le dossier. Il relève que jamais son client n’a reconnu les faits et même l’accusée principale n’accuse pas le sieur Paul et c’est le patron de la dame qui parle d’un aveu que la dame continue de nier… Il appelle alors le tribunal à considérer les déclarations constantes qui démontrent que le sieur Paul n’est pas instigateur des faits. Pour lui, en l’absence d’évidences, il ne peut s’agir que d’un homicide involontaire. Me Kponou Vlavonou invite alors le tribunal à reconnaître un homicide involontaire qui ne saurait admettre quelque complicité et donc à relaxer son client au bénéfice du doute.
Après en avoir délibéré, le tribunal de première instance d’Abomey-Calavi siégeant en matière criminelle a reconnu dame Jeanne Agbétou coupable d’infanticide et l’a condamnée à 10 ans de réclusion criminelle. Son coaccusé, le sieur Paul Bodoki a été acquitté au bénéfice du doute.
Résumé des faits
Le lundi 15 janvier 2018, les sapeurs-pompiers ont sorti d’un puits le corps sans vie d’un enfant de neuf mois du nom de Richard Gbaglibo. Sa mère Adèle Agbétou a déclaré qu’elle était en train de puiser de l’eau au puits avec ce dernier au dos quand le pagne qui le maintenait s’est dénoué et l’enfant est tombé par-dessus son épaule pour se retrouver au fond du puits en dépit de ses efforts pour le sauver. Luc Houezo, avocat, employeur de Adèle Agbétou l’a conduite au commissariat de Togba le 16 janvier 2018, sous prétexte qu’elle lui a avoué avoir jeté volontairement son enfant dans le puis sur instruction de son concubin Paul Bassam Bodiki n
Composition du tribunal
Président : Moustapha Islamiath
Assesseurs :
Houdegbe Théodore
Gandonou Médard
Agboton Raoul
Dankoro Salim
Ministère public : Gracia Gnacadja
Greffier : Adjanohoun Yentabou Yézuha