Hounnongan Tchêtoula Adodo Dêdédji est le président de l’Association des adeptes Mami-Dan Egblémakou du Bénin et président du Conseil national des cultes endogènes du Littoral. A l’occasion de la fête du Vodoun, ce 10 janvier, qui s’est déroulée de manière particulière dans le Littoral, il a présenté dans cette interview les spécificités de cette édition ainsi que les activités prévues pour communier avec les mânes des ancêtres.
La Nation : Le Bénin célèbre ce 10 janvier la fête du Vodoun, dans un contexte de pandémie du coronavirus. Comment les adeptes ont-ils vécu ce moment ?
Hounnongan Tchêtoula Adodo Dêdédji : L’édition 2021 de la fête du 10 janvier est célébrée dans le contexte sanitaire du coronavirus. Et c’est un peu malheureux, parce que d’habitude, vous nous voyez à la plage Jacquot pour les festivités. Mais pour cette année, le bureau des adeptes Mami-Dan Egblémakou du Bénin a décidé que chaque couvent célèbre chez lui la fête dans une sobriété totale. Vous n’êtes pas sans savoir que le gouvernement, pour préserver la santé de tous, a demandé de respecter les gestes barrières de lutte contre la pandémie. Comme nous ne pouvons pas maîtriser la foule qui se déplace vers la plage Jacquot, nous avons choisi de célébrer dans nos couvents et là on pourra maîtriser les adeptes pour la distanciation sociale, le lavage des mains… C’est la raison pour laquelle nous sommes au couvent chez nous à Agla pour célébrer cette fête.
Chez vous, qu’est-ce qui a été fait pour marquer cette édition ?
Depuis samedi 9 janvier nous avons fait la veillée et ce matin, il y a eu libation en l’honneur de nos divinités. C’est ce qui justifie l’ambiance que vous constatez ici au temple. Dans la soirée, nous allons procéder à la réjouissance. Nous profitons pour remercier les anciens et prier les mânes de nos ancêtres pour qu’il n’en soit pas ainsi prochainement. La pandémie a imposé les restrictions. Ce qui a fait que nous tous, nous prions les dieux pour que cette pandémie soit conjurée, éradiquée pour l’éternité. Au nom des ancêtres, je pense que le Bénin va en sortir gagnant.
D’ordinaire, vous priez à l’occasion de cette fête pour les gouvernants, le pays, et le bien-être de tous les citoyens… Avec cette pandémie, est-ce que cette prière générale a été réitérée?
Les vraies prières se passent au niveau des couvents, surtout la veille du 10 janvier. Cette prière a été faite et elle aura son effet sur toute la population et précisément sur notre cher président Patrice Athanase Guillaume Talon, parce que nous sommes dans le pays et nous voyons tout ce qui se passe. Alors, nous avons prié pour qu’il y ait une continuité, dans cet élan que le président a eu l’amabilité de donner à la nation béninoise. Nous avons prié les divinités pour qu’elles nous assistent et assistent également le premier citoyen et qu’il soit éclairé davantage afin que le développement que nous souhaitons depuis des années soit une réalité au Bénin.
Que diriez-vous de cette expérience de la fête du 10 janvier qui fait son chemin depuis le Renouveau démocratique ?
Depuis l’avènement du Renouveau démocratique avec notre ex-président Nicéphore Dieudonné Soglo, Daagbo Hounon Hounan et feu Sossa Guèdèhounguè, l’idée de cette fête a germé dans l’optique de valoriser nos cultes endogènes. Le président Soglo a validé cette idée de nos aînés et aujourd’hui, nous sommes ici pour célébrer nos divinités grâce à la journée qui leur a été dédiée. Cette reconnaissance a réjoui les dignitaires parce qu’entre-temps, dans ce pays, nos cultes endogènes ont été relégués au second rang, on traitait même les dignitaires comme les adeptes du diable. Ce qui n’est pas le cas. C’était malheureusement une fausse route, parce qu’aucun pays ne se développe sur la culture d’autrui. Dieu se révèle à chaque peuple selon sa culture.
À Danxomè ici, Dieu s’est révélé à nous les Béninois à travers le Vodoun. Je remercie une fois encore le président Patrice Talon pour ses initiatives de valorisation de la culture africaine. Les Occidentaux nous ont dit que l’Afrique est le berceau de l’humanité. Je ne comprends par quelle alchimie le berceau de l’humanité serait dépourvu de Dieu pour qu’on l’importe d’ailleurs. C’est une aberration. Nous savons qu’il y a le suprême qui supplante tout et à travers ce suprême, il faut communiquer avec lui et pour le faire, il faut des entités, des divinités, qui sont là pour recueillir nos doléances et les transmettre au Dieu suprême. Donc, Dieu est chez nous et nous le vénérons, nous reconnaissons son existence à travers nos réalités endogènes.