Son élection en novembre 2016 avait été ressentie comme un traumatisme majeur par la grande majorité de ses concitoyens. En effet, le vote populaire ne faisait pas de lui le vainqueur de la présidentielle qui l’avait mis en confrontation avec la première femme candidate à la magistrature suprême de son pays dont l’indépendance remonte au 4 juillet 1776.
La grande particularité de la Constitution de ce pays est qu’elle institue, en effet, un système de grands électeurs qui élisent en dernier ressort le président, chaque Etat fédéral disposant d’un nombre de grands électeurs au prorata de son poids – selon des critères assez complexes- dans la Fédération dont la Constitution date de 1787.
Il y a donc quatre (4) ans, le quarante cinquième président (45e) de l’histoire de ce pays est élu, après une campagne qui ne le donnait pas favori. Mais
« dura lex sed lex »- la loi est dure mais c’est la loi- la candidate vainqueur du vote populaire n’a formulé aucune contestation face au résultat du vote des grands électeurs. Et comme le prescrit la Constitution qui encadre rigoureusement tout l’ordonnancement du système électoral et de la passation du pouvoir, le président élu est entré en fonction le 20 janvier 2017, et dès lors tous ses concitoyens ont, pendant les quatre (4) années de son mandat, pu vivre les réalités de son slogan de campagne qui voulait rendre au pays « sa grandeur perdue ».
Mais au rendez-vous électoral de novembre 2020, la majorité des électeurs ont fait comprendre au président, qui sollicitait un second mandat, que la grandeur promise n’a pas été au rendez-vous. Il faut céder la place pour que le pays se repositionne dans le concert des nations avec un autre leader. Et les grands électeurs ont été cette fois en phase avec la majorité des citoyens dans l’expression de leurs votes. Concordance donc parfaite entre le choix de la majorité des électeurs populaires et celui des grands électeurs sur lesquels le président sortant avait fondé de solides espoirs pour l’aider à rempiler, comme le permet la Constitution. Depuis lors, il n’est pas exagéré d’affirmer que tout le monde, dans son pays et à l’extérieur, est sidéré par le comportement et les agissements du président en fin de mandat qui refuse de reconnaitre sa défaite électorale. Avec une obstination sidérante.
Un credo multiséculaire
Pourtant, le système démocratique de ce très grand pays repose sur des bases et des principes gravés dans le marbre de son histoire propre. Mais aussi avec les apports d’autres peuples arrivés d’horizons divers et à divers titres pour contribuer à sa grandeur actuelle. C’est ainsi que dans sa lutte pour se libérer de la domination coloniale anglaise en 1776, des volontaires français sous la conduite d’un certain La Fayette sont arrivés pour prêter main-forte aux insurgés des territoires qui vont constituer le premier noyau de cet Etat dont la ville la plus peuplée est depuis 1945 le siège de l’Organisation des Nations unies (Onu). Avant de devenir ainsi le point de convergence annuelle de la Communauté internationale pour de grandes décisions à prendre en vue de la bonne marche du monde. Ainsi, ce pays a réussi à bâtir sa force et sa prospérité dans un premier temps par le travail de millions d’esclaves arrachés au continent africain, et dans un second temps par l’arrivée d’exilés volontaires d’autres continents à la recherche d’horizons où la liberté d’entreprendre dans tous les domaines est un crédo.
C’est pourquoi, s’il y a un pays où la démocratie signifie en premier lieu le respect des résultats des urnes , c’est bien celui-là où le président sortant, vaincu doublement dans les urnes en novembre et décembre 2020, fait pourtant durer le suspense sur son départ.
Un scénario de mauvais goût
Ainsi, à quelque trois semaines de l’entrée en fonction officielle de son successeur élu dans le respect des dispositions de la Constitution, il ne cesse de multiplier les sorties dont le ton et le contenu sont à la fois provocateurs et insultants, non seulement pour ses concitoyens mais aussi pour tous ceux qui considèrent son pays comme un des modèles très avancés de démocratie dans le monde.
Les prochains jours promettent d’être riches en analyses, décryptages et commentaires sur le comportement de ce personnage dont les décisions pendant toute la durée de son mandat ont juré avec toutes les règles de la diplomatie bilatérale comme multilatérale, en particulier son mépris pour l’ Afrique où il ne trouve que des « pays de merde »
qui auraient souillé ses pieds s’il avait daigné seulement s’y rendre pour quelques heures au cours de son mandat .Pourtant ,sur ce continent, les populations n’ont cessé de se battre, pratiquement pied à pied, pour l’instauration de véritables Etats démocratiques au cours de ces trente dernières années. Pour soutenir cette lutte, le prédécesseur du président battu en novembre dernier s’est donné le temps d’une tournée pour venir plaider en faveur de systèmes démocratiques forts en lieu et place d’hommes forts. Sans jamais penser que, quelques années plus tard, cette invite serait valable, dans une certaine mesure, pour la démocratie confirmée dont il a eu à assumer la gestion.
En tout état de cause, l’homme d’Etat dont il est question n’a laissé aucun peuple indifférent pendant tout son mandat. Et depuis son échec à faire reconduire son mandat, comme son prédécesseur a réussi à le faire, il plonge le monde entier dans un véritable suspense sur ce qu’il va faire dans les derniers jours qu’il va passer au sommet de l’Etat. Tout se passe comme s’il mettait en œuvre un scénario de conservation du pouvoir auquel personne n’a jamais rêvé dans une démocratie vieille de plus de deux cents ans. Quel que soit l’épilogue de ce scénario, le quarante-cinquième président des Etats-Unis d’Amérique, Donald Trump ne mérite-t-il pas d’être désigné « l’homme de l’année » ?
Par Noël ALLAGBADA