La décision du gouvernement interdisant les tontines illégales dont « adogbè » est utile à plusieurs égards. Elle permet d’anticiper sur des réalités connues dans un passé récent et qui ont laissé sur le carreau plusieurs victimes inconsolables.
En larmes, l’image de cette vieille dame qui a circulé sur les réseaux sociaux, début janvier dernier, fait froid dans le dos. Elle venait de perdre dans une tontine « adogbè », une bonne partie de ses économies sur laquelle elle comptait pour passer de bonnes fêtes de fin d’année. Ainsi, les victimes anonymes de cette forme de tontine qui consiste à verser des cotisations périodiques pour recevoir en retour des biens en nature vers la fin du mois de décembre sont nombreuses.
En interdisant la pratique du « adogbè » et de toutes autres formes de tontines ne respectant pas la règlementation en vigueur, le gouvernement ne fait que renvoyer les concernés au respect de la loi 2012 – 14 du 21 mars 2012 portant règlementation des systèmes financiers décentralisés en République du Bénin. Cette loi, en son article 7, précise que « les systèmes financiers décentralisés doivent, préalablement à l’exercice de leur activité, être agréés par le ministère ». Au cours d’une rencontre qu’ils ont eue avec certains responsables de l’Agence nationale de surveillance des systèmes financiers décentralisés (Anssfd), des gestionnaires de tontines « adogbè» ont compris qu’ils évoluaient en marge de la législation. Ils ont surtout saisi qu’ils devraient se constituer en système financier décentralisé avant de poursuivre les activités. « Ce que nous venons d’écouter à l’Anssfd nous a vraiment surpris. Il revient à chacun de nous de prendre la décision qui lui convient », rapporte A.M, responsable d’une tontine «adogbè» depuis plus de 15 ans dans le 7e arrondissement de Cotonou. «Nous avons reçu un document, en l’occurrence l’instruction 005 – 06 – 2010 déterminant les éléments constitutifs du dossier de demande d’agrément de systèmes financiers décentralisés dans les Etats de l’Union monétaire ouest-africaine. C’est une affaire d’argent et de temps», précise-t-il.
Selon la loi, la création d’un système financier décentralisé passe par plusieurs étapes. D’abord, un dossier est adressé à la structure du ministère des Finances qui en a les compétences. Au Bénin, c’est l’Anssfd qui s’en charge. «Après réception du dossier, la structure ministérielle de suivi dispose de trois mois pour l’instruire et le transmettre à la banque centrale avec ses observations et sa proposition de suite à donner à la demande d’agrément. La banque centrale dispose d’un délai de deux mois pour examiner le dossier et communiquer son avis à la structure ministérielle de suivi », stipulent deux alinéas de l’article 8. La banque centrale pourrait solliciter un complément de dossier afin de donner son quitus. Il revient au ministre de délivrer l’agrément à travers un arrêté. Mais si six mois après le dépôt du dossier, le postulant n’obtient aucune suite, il en déduit le rejet de sa demande.
Ce sont ces étapes que les tenanciers de tontines « adogbè » sont invités à suivre. C’est le seul moyen d’éviter une hécatombe.