Le 12 juillet 2005, le territoire béninois s’est juridiquement élargi à neuf localités situées dans la partie septentrionale, par effet de l’arrêt de la Cour internationale de Justice relatif au différend frontalier Bénin-Niger. Suite aux travaux conjoints avec la partie nigérienne, le gouvernement béninois est prêt à signer l’accord marquant la mise en œuvre effective de cet arrêt afin de s’occuper convenablement des localités rétrocédées.
Le Bénin veut marquer davantage sa présence dans les localités rétrocédées suite au règlement par la Cour internationale de justice, du différend frontalier entre lui et le Niger. Ce sont notamment neuf îles situées au Nord-Ouest du Bénin. Le sujet a été abordé lors de la réunion hebdomadaire de l’Exécutif, ce mercredi 25 janvier, sous l’angle de la prise d’instrument juridique pour la mise en œuvre effective de l’arrêt rendu par la Cour internationale de justice.
En effet, les points de délimitation fixés dans l’arrêt rendu le 12 juillet 2005, ont pour corolaire l’élargissement de la souveraineté du Bénin sur les neuf îles situées entre la frontière désormais définie et la rive sud du fleuve Niger, soit 1100 km2 au Nord-Ouest. Suite au verdict de la Cour, des travaux conjoints de démarcation de la frontière ont démarré en août 2008 entre les experts des deux pays et se sont poursuivis jusqu’en 2022 avec la finalisation d’un avant-projet d’instrument juridique consacrant la mise en œuvre effective de l’arrêt. En sa séance d’hier, le Conseil des ministres a approuvé le texte du projet d’accord qui sera transmis à l’Assemblée nationale en vue de l’autorisation de sa ratification. C’est un dossier auquel l’Etat attache beaucoup d’intérêt au regard non seulement de la longue bataille juridique qui a prévalu mais aussi des réalités géopolitiques contemporaines. Faut-il le rappeler, le développement des zones frontalières est devenu un enjeu sécuritaire et le Bénin a opté pour la viabilisation des zones frontalières afin de ne laisser aucune localité de côté, et par ricochet, protéger les populations frontalières des assauts des groupes extrémistes. C’est pourquoi, « en concertation avec les autorités nigériennes, des dispositions nécessaires à la viabilisation et à la sécurisation des localités situées le long de la frontière seront prises», précise le compte-rendu du Conseil des ministres en date de ce mercredi 25 janvier. En outre, l’Exécutif annonce la réalisation d’infrastructures sociocommunautaires et de sécurité pour marquer la présence de l’État sur les îles rétrocédées au Bénin ainsi que dans les localités environnantes.
Une bataille juridique concluante entre pays frères
Le parlement va se pencher dans les prochains jours sur le projet d’accord à ratifier par le gouvernement pour la mise en œuvre de l’arrêt du 12 juillet 2005 de la Cour internationale de Justice relatif à l’affaire du différend frontalier Bénin-Niger. Mais pour en venir à ce stade, le parcours a été long. La procédure devant la Cour internationale de justice remonte au 3 mai 2002, où le Bénin et le Niger, par notification conjointe d’un compromis signé le 15 juin 2001 à Cotonou et entré en vigueur le 11 avril 2002, ont saisi la Cour d’un différend dont l’objet est la délimitation définitive de l’ensemble de leurs frontières. Aux termes de l’article premier de ce compromis, les deux parties ont convenu de soumettre leur différend frontalier à une chambre de la Cour, constituée en application du paragraphe 2 de l’article 26 du Statut ; et de procéder chacune à la désignation d’un juge ad hoc. La Cour, par une ordonnance du 27 novembre 2002, a décidé, à l’unanimité, d’accéder à la demande des deux parties tendant à former une chambre spéciale de cinq juges pour connaître de l’affaire. Après avoir tenu des audiences publiques en mars 2005, la Chambre a rendu son arrêt le 12 juillet 2005.
Dans son arrêt, la Cour a rappelé brièvement le cadre géographique et le contexte historique du différend entre ces deux anciennes colonies qui relevaient de l’Afrique occidentale française jusqu’à leur accession à l’indépendance en août 1960. Examinant la question du droit applicable au différend, la Cour a indiqué qu’il comprenait le principe de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation, ou principe de l’uti possidetis juris, qui vise, avant tout, à assurer le respect des limites territoriales au moment de l’accession à l’indépendance. La Chambre a estimé que, en application de ce principe, elle devait déterminer en l’affaire la frontière héritée de l’administration française; le Bénin et le Niger se sont accordés pour dire que les dates à prendre en considération à cet effet sont celles auxquelles ils ont respectivement accédé à l’indépendance, respectivement le 1er août 1960 et le 3 août 1960. Au terme de son examen, la Chambre a conclu que « la frontière entre le Bénin et le Niger dans ce secteur suit le chenal navigable principal du fleuve Niger tel qu’il existait à la date des indépendances, étant entendu que, au niveau des trois îles situées en face de Gaya, la frontière passe à gauche desdites îles. Il en résulte que le Bénin a un titre sur les îles situées entre la frontière ainsi définie et la rive droite du fleuve, et le Niger sur les îles situées entre cette frontière et la rive gauche du fleuve ». S’agissant du tracé occidental de la frontière entre le Bénin et le Niger, dans le secteur de la rivière Mékrou, la Chambre a conclu que, dans le secteur de la rivière Mékrou, la frontière entre le Bénin et le Niger est constituée par la ligne médiane de cette rivière.