Procédure judiciaire : le ministère public, l’œil de la société

Par Anselme Pascal AGUEHOUNDE,

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Les procureurs sont souvent perçus comme des bourreaux, des traqueurs invétérés. Qu’il s’agisse du procureur général, du procureur spécial ou du procureur de la République, l’opinion y voit délibérément le bras opérationnel du Garde des Sceaux et partant, l’instrument juridique du gouvernement pour poursuivre telle ou telle personne. Comprendre les attributions du procureur et ses rapports formels avec le ministre de la Justice évite les interprétations réductrices et tendancieuses.

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Les procureurs et leurs substituts sont les représentants du ministère public, les défenseurs de l’équilibre de la société. Selon l’article premier de la loi 2012-15 du 18 mars 2013 portant Code de procédure pénale en République du Bénin, le ministère public est l’ensemble des magistrats de carrière qui sont chargés, devant certaines juridictions, de requérir l’application de la loi et de veiller aux intérêts généraux de la société. Ils mettent en mouvement et exercent l’action publique qui est une prérogative appartenant à la société, déléguée au ministère public afin de faire déclarer la culpabilité et sanctionner une personne physique ou morale, auteure d’une infraction à la loi pénale. L’article 30 du Code de procédure pénale précise que le ministère public est représenté auprès de chaque juridiction répressive. Il assiste aux débats des juridictions de jugement et toutes les décisions sont prononcées en sa présence. Il assure l’exécution des décisions de justice. Ainsi, le procureur général représente en personne ou par ses avocats généraux et substituts généraux, le ministère public auprès de la Cour d’appel ; le procureur de la République représente en personne ou par ses substituts, le ministère public près le Tribunal de première instance ; et suivant la nouvelle organisation judiciaire en République du Bénin, le procureur spécial représente en personne ou par ses substituts, le ministère public près la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme. Dans ses réquisitions, le ministère public fonde son réquisitoire sur la constitution de l’infraction et les sanctions prévues par le législateur. Assimiler les procureurs à des bourreaux ou des traqueurs ne peut se comprendre que dans le champ de leurs attributions car ils ont vocation à être les bourreaux des bourreaux de la société, les traqueurs des hors-la-loi. Ils n’ont en effet qu’une motivation : faire appliquer la loi et veiller aux intérêts généraux de la société. Il est normal que les personnes directement affectées par l’exercice de leurs compétences les voient d’un bon œil ou d’un mauvais œil selon qu’elles sont des victimes ou des poursuivis.

Rapport légitime entre procureurs et ministre de la Justice

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Le ministre de la Justice peut-il donner des instructions au procureur ? L’article 34 de la loi 2012-15 du 18 mars 2013 portant Code de procédure pénale en République du Bénin renseigne explicitement à propos. « Le ministre de la justice peut dénoncer au procureur général les infractions à la loi pénale dont il a connaissance, lui enjoindre d’engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites qu’il juge opportunes. En tout état de cause, aucune instruction de non poursuite ne peut être donnée. Les instructions ci-dessus spécifiées devront être écrites, motivées et versées au dossier ». C’est donc sans ambages et en toute légitimité que le ministre de la Justice peut enjoindre au procureur d’engager ou de faire engager des poursuites. Il n’y a autour du sujet, aucune équivoque et ce procédé n’a rien d’extraordinaire, de clandestin ou de fourbe. De même, le procureur général a autorité sur tous les magistrats du ministère public du ressort de la Cour d’appel où il exerce sa compétence. A l’égard de ces magistrats, il a les mêmes prérogatives que celles reconnues au ministre de la Justice. Autrement dit, le procureur général peut enjoindre aux procureurs de la République du ressort de la Cour d’appel, suivant instructions écrites, motivées et versées au dossier, d’engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites qu’il juge opportunes. Le fait que l’action publique soit déclenchée suite à une instruction du ministre ou du procureur général, soit par la partie lésée ou par le procureur de la République, n’a aucune incidence sur le verdict qui interviendra au terme de la procédure judiciaire. La procédure peut s’arrêter à l’instruction si le juge instructeur déclare un non-lieu, sous réserve de la faculté du ministère public de faire appel. Il y a déjà eu des cas, dans un passé récent, où l’action publique a été motivée suite à l’instruction du ministre de la Justice mais s’est soldée par un non-lieu. En mettant en œuvre l’action publique suite à une instruction écrite et motivée du ministre de la Justice, le procureur de la République ou le procureur spécial obéit à la loi dont il défend la juste application. En outre, l’article 31 du code de procédure pénale stipule que le ministère public est tenu de prendre des réquisitions écrites conformes aux instructions qui lui sont données. Libre à lui, de développer les observations orales qu’il croit convenables à la bonne administration de la justice. Par ailleurs, toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs.

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—————— Des attributions du Pg et du Pr ———————-

Le procureur général (Pg) est chargé de veiller à l’application de la loi pénale sur toute l’étendue du ressort de la Cour d’appel. A cette fin, il lui est adressé, tous les mois, par chaque procureur de la République, un état des affaires de son ressort. Dans l’exercice de ses fonctions, le procureur général a le droit de requérir directement la force publique. Les officiers et agents de la police judiciaire sont placés sous sa surveillance. Il peut les charger de recueillir tous les renseignements qu’il estime utiles à une bonne administration de la justice. Toutefois, il ne peut se substituer au procureur de la République pour directement diligenter des poursuites ou faire accomplir aux officiers ou agents de police judiciaire, des actes de poursuite.
Le procureur de la République (Pr) reçoit les plaintes et les dénonciations et apprécie la suite à leur donner. En cas de classement sans suite, il informe le plaignant et son conseil le cas échéant de son droit de se constituer partie civile. Toutefois, dans tous les cas où il y a des motifs raisonnables de croire qu’un acte de torture a été commis, le procureur de la République a l’obligation de procéder immédiatement à une enquête objective et impartiale même en l’absence de toute plainte de la victime. En toute autre matière, il peut également s’autosaisir et mettre en mouvement l’action publique. Le procureur de la République procède ou fait procéder à tous les actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions à la loi pénale. Il a dans l’exercice de ses fonctions le droit de requérir directement la force publique. Il dirige l’activité des officiers et agents de police judiciaire de son ressort. Il a tous les pouvoirs et prérogatives attachés à la qualité d’officier de police judiciaire. L’article 68 du code de procédure pénale précise d’ailleurs que l’arrivée du procureur de la République sur les lieux de l’infraction dessaisit l’officier de police judiciaire. Le procureur de la République accomplit alors tous les actes de police judiciaire tout comme il peut prescrire à tous les officiers de police judiciaire de poursuivre les opérations. Conformément à l’article 41 du code de procédure pénale, sont compétents, le procureur de la République du lieu de l’infraction, celui de la résidence de l’une des personnes soupçonnées d’avoir participé à l’infraction, celui du lieu d’arrestation ou de détention d’une de ces personnes, même lorsque cette arrestation ou détention a été opérée pour une autre cause. Au cas où aucun de ces liens de rattachement prévus ne serait déterminé, le procureur de la République près le tribunal de première instance de Cotonou est compétent. Toutefois, en matière de contravention (infraction que les lois punissent de peines de police) est seul compétent, le procureur de la République du lieu de l’infraction ; sauf s’il y a connexité avec un crime (infraction que les lois punissent d’une peine afflictive ou infamante) ou un délit (infraction que les lois punissent de peines correctionnelles). En cas d’absence ou d’empêchement du procureur de la République et à défaut de substitut pour le remplacer, le juge d’instruction exerce à titre provisoire cumulativement avec ses propres fonctions, celles du ministère public. Lorsqu’il existe plusieurs juges d’instruction dans le tribunal, le juge le plus ancien dans le grade le plus élevé exerce les fonctions de ministère public.