Le paludisme tue. Cette réalité est connue de tous. La période des pluies est davantage propice au développement du parasite, vecteur de la maladie. A chaque saison des pluies, chaque famille doit donc renforcer les mesures pour se prémunir.
Qu’elles soient abondantes ou peu, les pluies exacerbent souvent la menace du paludisme en Afrique. Le Bénin connaît lui aussi les affres de cette maladie à chaque saison des pluies. La toute dernière vient de faire ses victimes.
Akoko Dorothée Kindé Gazard, ancienne ministre de la Santé et professeur titulaire de parasitologie-mycologie au Centre national hospitalier et universitaire Hubert Koutoukou Maga (Cnhu), décrit le lien entre les différents facteurs et êtres concernés par la maladie.
« Il existe une relation entre le climat et le paludisme notamment la pluie, l’humidité et la température. Le paludisme, met en présence trois êtres vivants : l’homme, le parasite et l’insecte vecteur ou anophèle femelle », précise-t-elle.
L’eau, source de vie est aussi source de maladies et parfois même de mort en temps de pluies. « L’anophèle a besoin d’eau dans laquelle elle pond ses œufs qui vont se transformer en larves puis en moustiques adultes », explique-t-elle.
L’homme en paye souvent le prix fort, au regard de ses relations avec la nature. « Lorsque les moustiques sont infestés par le parasite, ils transmettent la maladie à l’homme. La saison pluvieuse est la période de transmission par excellence du paludisme », poursuit-elle.
Les enfants et femmes enceintes, proies faciles
Premières cibles du paludisme simple ou grave, les enfants de moins de cinq ans y sont doublement exposés. « Il suffit de se rendre dans les services de pédiatrie pour voir les nombreux enfants alités, anémiés ou dans le coma (neuro-paludisme), du fait du paludisme. A cet âge, ils n’ont pas encore développé leur immunité contre la maladie. Immunité qui n’est d’ailleurs pas stable ni définitive. Ils développeront progressivement les anticorps avec l’âge. Donc à chaque période de transmission, ils peuvent faire la maladie », développe le professeur titulaire de parasitologie-mycologie.
Le stress du personnel soignant dans les formations sanitaires, en période de pluie notamment en dit long sur leur peine à sauver la couche infantile en détresse, du fait du paludisme. La pléthore de cas les déboussole. « C’est la course pour trouver du sang, car les enfants sont très anémiés et il faut les transfuser. Ces enfants meurent, faute de sang. Le personnel est déboussolé par ces décès », se désole-t-elle.
Le Littoral et le Borgou figurent parmi les départements fortement touchés. Il ressort que les enfants de moins de cinq ans ont souffert « du paludisme dans des proportions respectives de 75,76 % et 96,5 % dans ces deux départements en 2020, révèle-t-elle, faisant référence à une étude du professeur Ogouyémi Hounto et ses collaborateurs.
Les femmes enceintes n’y sont pas moins vulnérables. « Les risques sont les mêmes surtout pour les populations fragiles ayant une baisse de l’immunité comme la femme enceinte, deuxième cible du paludisme », se désole l’ancienne ministre de la Santé.
Au demeurant, le parasite, vecteur du paludisme, ne fait de cadeau à aucune couche sociale. «Dans tous les cas, tout le monde doit se protéger en cette période et éviter surtout les piqûres de moustiques en dormant sous une moustiquaire imprégnée, en utilisant des répulsifs… », préconise-t-elle.
Toutes les périodes s’y prêtent
A ces consignes, elle ajoute le recours aux soignants en cas de symptômes : « Les populations doivent se présenter dans une formation sanitaire dès l’apparition des signes de la maladie. Nous conseillons surtout la prévention. Il faut dormir sous une moustiquaire imprégnée chaque nuit et toutes les nuits ».
Ces recommandations sont à prendre au sérieux, car toutes les périodes sont propices à la maladie. « Le paludisme peut sévir tout au long de l’année dans une région donnée. C’est ce que nous constatons souvent dans la région du sud. Il peut également sévir sur une partie de l’année (trois à quatre mois), notamment pendant la saison pluvieuse », souligne-t-elle.
Le paludisme représente une grande menace de santé publique en Afrique. Aucune solution définitive n’a pu être encore trouvée à ce jour contre cette endémie. On comprend alors l’alerte du professeur Akoko Dorothée Kindé Gazard, dans une interview accordée à notre journal, lundi 26 avril 2021, à l’occasion de la 21e journée mondiale contre le paludisme. Pour elle, il n’est pas question de baisser la garde, sous prétexte de la Covid-19.
Entre 2006 et 2010, le paludisme était la première cause d’hospitalisation au Bénin. Plus de dix ans après, l’Organisation mondiale de la santé (Oms) assure que l’objectif zéro cas est presque atteint dans le monde. Du chemin a été donc parcouru après une décennie d’engagement contre le fléau à l’échelle internationale. Cette détermination doit rester intacte en vue d’un bilan élogieux à l’échéance des Odd. En la matière, le Bénin a encore beaucoup à faire pour assainir ses zones humides et inondables.