Sécurité des espaces frontaliers au Bénin : la bataille de l’ombre

Par Fulbert Adjimehossou,

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Sécurité des espaces frontaliers au Bénin

La sécurité se construit, pas seulement avec les armes, mais en complicité avec les hommes à protéger. Et avec la dégradation du contexte sécuritaire au Sahel, le Bénin s’est imposé comme défi d’enrayer a priori un quelconque sentiment d’abandon qu’il pourrait y avoir dans les espaces frontaliers. De lourds investissements ont été consentis dans ces milieux sensibles. Dr Marcel Ayité Baglo, directeur général de l’Agence béninoise de gestion intégrée des espaces frontaliers (Abegief) l’a rappelé récemment, lors de la table ronde virtuelle organisée par Wathi et la fondation Konrad Adenauer. Il a insisté sur le besoin de faire des zones frontalières des espaces de mobilité, de production et d’échanges commerciaux et des zones où la présence de l’État se manifeste auprès des populations par une offre de services publics. « C’est pour éviter que les zones frontalières ne tombent dans les mains de l’extrémisme violent. Toutes les zones qui nous entourent sont en ébullition. Quand vous avez le sentiment d’appartenance à une nation, vous n’êtes pas enclin à accepter les exportateurs de violences pour mettre votre pays en difficulté », a-t-il déclaré.
Ainsi, dans sa politique de développement des espaces frontaliers, le Bénin y a consenti de nombreux investissements. Plusieurs projets et programmes sont par exemple en cours avec l’appui des partenaires financiers dont la Banque mondiale pour créer la cohésion sociale dans les régions défavorisées, prendre en charge les personnes vulnérables et les jeunes en vue de créer l’inclusion. Pour Dr Marcel Ayité Baglo, cela permet, par ailleurs, de développer le renseignement territorial pour sécuriser le territoire. « Le chef de l’Etat est dans cette perspective. Ce n’est pas seulement nous qui devons investir dans les espaces frontaliers, mais toutes les structures. Le gouvernement a instruit certains ministères pour qu’ils investissent une partie de leurs budgets dans ces espaces. Ça permet le développement du renseignement territorial qui est à la base de la lutte contre l’extrémisme violent », défend-il.

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Investir, mais aussi sécuriser

Au-delà du développement des infrastructures, l’enjeu est aussi de garantir une sécurité de proximité. « Aujourd’hui, nous avons des casernes le long des frontières, qui permettent de donner plus confiance aux populations », rassure Dr Marcel Ayité Baglo. Le Général Célestin Guidimey, qui a aussi pris part à cette table ronde virtuelle a insisté également sur les efforts de sécurisation et de dissuasion. Pour le vice-président du comité chargé du contrôle des missions de sécurisation du territoire national, la réforme ayant abouti à la création de la Police Républicaine et à la déconcentration des unités est guidée par la philosophie de la coproduction de la sécurité. A ceci, viennent s’ajouter la mise en place des Unités spécialisées de la sécurité des frontières (Ussf), le redéploiement des forces armées au niveau des zones frontalières sensibles, le renforcement de la marine et la spécialisation des unités de police contre le crime organisé transnational. «Nos services de renseignement aujourd’hui sont montés en puissance », a-t-il souligné.
Mais la population reste après tout au cœur de tout le mécanisme. La collaboration entre les forces de défense et de sécurité et les comités locaux de sécurité a été renforcée. « Il y a quelques problèmes, mais tout ça est en bonne voie aujourd’hui. C’est la diplomatie préventive locale. La coopération décentralisée transfrontalière permet de régler les problèmes, les menaces au plus proche des échelons», a fait savoir le Général Célestin Guidimey. Le défi, c’est d’avoir une coordination de toutes ces capacités pour les rendre plus efficaces. « Il y a eu la création d’un comité de haut niveau rattaché directement au chef de l’Etat », a rassuré Célestin Guidimey.

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Agir en synergie et avec intelligence

Les défis sont grands, et pour Dr Oswald Padonou, de l’Association béninoise d’étude stratégique et de sécurité, il faut optimiser les moyens d’interventions, au niveau des pays. Pour lui, même si le droit de poursuite est possible pour les armées sur le territoire voisin, sur 10 à 20 km, dans l’opérationnel, cela n’apporte pas de grands résultats, à voir le mode opératoire des groupes armés terroristes. Dr Oswald Padonou préconise des échanges d’officiers de liaison entre les armées, aussi bien au niveau central qu’au niveau des unités déployées au niveau des espaces frontaliers. « Au-delà du droit de poursuite, il faut créer des unités mixtes frontaliers au niveau des pays voisins pour une riposte optimisée. Il faut agir avec intelligence, en optimisant les moyens. Nous sommes dans la même barque contre le même ennemi. Cela demande des réponses coordonnées », suggère Oswald Padonou. Ce qui est sûr, le terrorisme est sans frontière. Les bornes érigées entre les pays ne devraient plus continuer à être des obstacles à la synergie des forces.