A l’instar des exportateurs du soja, ceux impliqués dans la commercialisation des noix de cajou et dérivés du Bénin vers l’étranger devront désormais se soumettre à des contrôles aussi bien à la collecte, à l’achat qu’à l’exportation. Towanou Conrad Kanmadozo, directeur des Contrôles de l’Agence béninoise pour la sécurité sanitaire des aliments (Abssa), revient dans cet entretien sur les nouvelles mesures visant à préserver le label Bénin et les modalités d’enregistrement des opérateurs.
La Nation : De nouvelles mesures réglementeront désormais l’exportation des noix de cajou et amandes du Bénin. Qu’est-ce qui justifie l’initiative des nouveaux contrôles des produits ?
Conrad T. Kanmadozo : Dans la filière anacarde, la qualité des noix de cajou et dérivés au niveau des différentes phases de commercialisation continue de diviser les acheteurs et les vendeurs. Le Bénin a l’une des meilleures qualités de noix de cajou au monde. Cependant, les acteurs ne profitent pas de cette qualité qui continue d’être dépréciée chaque année par les acheteurs internationaux ; ce qui contraint les acteurs à la base à vendre leurs produits sans possibilité de contre-expertise.
Cette situation est la conséquence de l’inexistence de certaines mesures règlementant les contrôles. Elle émane de la méconnaissance par les acteurs du dispositif de contrôle officiel existant d’une part, et du manque d’organisation de ce dispositif de contrôle à toutes les phases de la commercialisation des noix de cajou d’autre part.
Dans le cadre de l’amélioration du contrôle de la qualité des noix de cajou et ses dérivés, l’Interprofession de la filière Anacarde du Bénin (Ifa-Bénin) est entrée en partenariat avec l’Agence béninoise de sécurité sanitaire des aliments (Abssa) sur instruction de l’Autorité de tutelle. L’objectif de ce partenariat est de construire une gouvernance cohérente autour du contrôle de la qualité des noix de cajou et ses dérivés pour garantir un meilleur accès aux marchés.
C’est donc au regard de ces constats et dans le souci de réduire les cas de rejet des produits causant d’énormes pertes aux acteurs de la filière que des mesures d’amélioration de l’organisation du contrôle de la qualité des noix de cajou et ses dérivés sont proposées et entreront bientôt en vigueur. Le respect de ces mesures de contrôles par tous les acteurs de la filière anacarde est une condition pour pérenniser les marchés et rétablir la confiance entre acheteurs et vendeurs.
Quels types de contrôles se feront sur les produits avant expédition ?
Le contrôle des noix de cajou est systématique et doit se faire désormais à trois niveaux : le contrôle à la collecte, le contrôle à l’achat et le contrôle à l’exportation.
Le contrôle à la collecte est réalisé par les agents de contrôle des végétaux et produits d’origine végétale des directions départementales de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche (Ddaep). Il porte sur la vérification des critères tels que l’aspect physique, la maturité, le conditionnement dans des sacs de jute, le mélange d’anciennes noix et le marquage (code de traçabilité) des sacs dans les communes d’origine. Ce contrôle est sanctionné par la délivrance d’un Certificat de qualité « C » au véhicule ayant fait le chargement, et qui accompagne le produit jusqu’à destination.
Quant au contrôle à l’achat, il sera réalisé par les inspecteurs de l’Abssa sur tous les sites officiels d’achat en gros retenus par le Conseil national des exportateurs de cajou (Conec-Bénin) et l’Interprofession de la filière Anacarde (Ifa). Donnant également lieu à un Certificat de qualité « B » au vendeur, il prend en compte la vérification du certificat de qualité « C », le conditionnement des noix dans des sacs de jute ainsi que la mesure des paramètres de qualité à savoir taux d’humidité, moisissures, grainage total, noix immatures, noix tachetées, noix brûlées, noix pourries, noix piquées, noix atrophiées, noix vides, taux de défaut, corps étrangers et valeur Kor.
En ce qui concerne le contrôle à l’exportation, les noix de cajou sont soumises aux contrôles sanitaire et de qualité par l’Abssa et phytosanitaire par la direction de Production végétale (Dpv). Le contrôle sanitaire est caractérisé par la vérification des conditionnements, le prélèvement des échantillons et l’analyse au laboratoire des paramètres : aflatoxines totales ; di-éthylamine et glyphosate. Le contrôle de qualité est caractérisé par la mesure des paramètres mentionnés dans le contrôle à l’achat. Le contrôle phytosanitaire quant à lui, est caractérisé par la recherche d’organismes nuisibles sur les noix, les sacs de jute et les palettes. Il est appuyé de la fumigation des lots. Le contrôle donne lieu à la délivrance du Certificat sanitaire et du Certificat de qualité « A » par l’Abssa, le Certificat phytosanitaire et l’attestation de fumigation par la Dpv.
Alors, quelles sont les conditions à remplir par un opérateur avant l’exportation ?
Toute exportation de noix de cajou et ses dérivés à partir du Bénin et au départ du port de Cotonou est conditionnée au respect des mesures précédemment énoncées. L’opérateur devra être enregistré auprès de l’Agence béninoise de sécurité sanitaire des Aliments (Abssa) et du Conseil national des exportateurs de cajou (Conec-Bénin). Il devra se soumettre aux trois niveaux de contrôles de qualité physique des noix et des emballages tels que définis et obtenir les certificats requis. Il adressera aux différentes structures de contrôle, quinze jours francs avant l’expédition du lot, une demande d’inspection et d’obtention desdits certificats.
La demande de certificats requis prend en compte la description et la quantité du (des) produit(s), les type et dimensions de l’emballage, le numéro du (des) lot(s), les cachets et labels d’identification y compris les renseignements concernant les conteneurs et le transport, le nom et l’adresse de l’exportateur, le nom et l’adresse du destinataire et pays de destination du (des) produits.
Cette demande doit s’accompagner d’un certain nombre de pièces à savoir Bordereau de livraison du produit (Bl), Bordereau de réservation des conteneurs (Booking), Certificat de poids.
Parlez-nous des modalités d’enregistrement des opérateurs à l’Abssa.
L’enregistrement des entreprises est subordonné au dépôt auprès de l’Autorité compétente unique qu’est l’Abssa d’un dossier. Ce dossier doit comporter comme pièces : une demande d’enregistrement précisant l’activité, un formulaire d’enregistrement des exportateurs de noix et amandes de cajou à retirer à l’Abssa, une copie des statuts de la société, une copie légalisée du registre du commerce, une copie légalisée de la carte professionnelle du commerçant ou carte d’importateur en cours de validité, une copie légalisée de l’attestation ou de la carte Ifu et une quittance des frais d’enregistrement versés au Trésor public d’un montant de 40 000 F Cfa.
L’étude du dossier est faite par l’Abssa dans les 48 heures au plus. Le résultat de l’étude est donné à travers un procès-verbal de dépouillement et un code est attribué à l’entreprise. L’attestation d’enregistrement est délivrée en cas d’avis favorable sur le dossier.
Le processus d’enregistrement des exportateurs de noix et amandes de cajou au cours de l’année 2021 est en cours. Il faut signaler qu’à la date du 15 juin 2021, 13 dossiers d’exportateurs de noix de cajou sont déposés à l’Abssa et sont en cours de traitement.
En résumé, quels sont les documents officiels nécessaires pour l’expédition d’un lot de noix de cajou et de ses dérivés ?
Toute exportation de noix et amandes de cajou à partir du
Bénin est conditionnée à la présentation aux services des Douanes, des documents officiels à savoir le certificat d’origine, le Bordereau de livraison (Bl), le certificat de poids, le certificat sanitaire, le certificat de qualité « A », le certificat phytosanitaire et l’attestation de fumigation.
Un mot pour clore cet entretien
L’exportateur est responsable de la qualité du produit qu’il exporte. Mais les contrôles officiels sont nécessaires pour protéger l’image et l’économie du pays. Le respect des mesures de contrôles mises en place pour l’exportation des noix de cajou et ses dérivés, est une aubaine pour pérenniser les marchés. Une collaboration entre tous les acteurs de cette filière est donc nécessaire pour sa réussite à divers niveaux.
Propos recueillis par Claude Urbain PLAGBETO