Le faible taux de participation des Béninois aux élections ne date pas d’aujourd’hui. Plusieurs raisons peuvent l’expliquer, selon Joël Atayi Guèdègbé, acteur de la société civile, qui souligne que toutes les parties prenantes de la République sont condamnées à réinventer les modalités de participation des citoyens à la chose publique.
La Nation : Il est observé depuis quelques années, un faible taux de participation des Béninois aux élections. Quelles sont les raisons qui justifient cela ?
Ce n’est pas la première fois que nous avons un taux aussi bas depuis le début du renouveau démocratique. Lors des législatives de 2003, nous avons déjà enregistré le taux le plus faible de la série des élections de ce moment dont 53 %. C’est que dans un premier temps, la baisse du taux de participation vient d’une lassitude électorale des électeurs. Quand on a des élections rapprochées, il est généralement prévisible que le taux baisse parce que les électeurs ne comprennent pas toujours pourquoi on les sollicite à échéance aussi rapprochée. Si les enjeux en présence ne sont pas identifiables par les électeurs, il ne faut pas s’attendre à ce qu’ils se déplacent massivement. L’autre point est que la liste électorale a commencé à être établie selon un procédé différent de celui qu’on avait institué jusqu’en 2010. A partir de 2011, nous avons démarré avec le fichier électoral informatisé relativement biométrisé. A partir de 2023, c’est la Liste électorale informatisée qui a pris le relai par consolidation de l’ancien fichier issu du cycle Lepi qui a duré 10 ans. L’ensemble de ces fichiers consolidé est censé avoir été extrait du registre des personnes et nous nous retrouvons avec un nombre donné d’électeurs qui comprend des électeurs à majorité au début de l’année électorale. C’est le lieu de dire qu’entre un fichier informatisé et un fichier manuel, il y a une grande différence. On peut s’attendre à une différence importante dans le nombre d’électeurs comme par rapport au nombre d’inscrits. D’un côté, avec le fichier manuel, l’inscription était volontaire et ouverte peu avant la campagne électorale. Dans un processus automatisé, l’électeur manifeste de moins en moins son intention d’aller aux élections en se portant sur la liste électorale puisque la Liste électorale informatisée aux termes du code électoral en vigueur n’est que le fichier extrait du registre des personnes remplissant les conditions de nationalité, d’âge et autres. Il reste à prendre la décision de nettoyer ce fichier électoral à bon escient, ce qui passe juridiquement par des audiences foraines qui permettent au juge d’établir des actes d’état civil de décès qui permettent légalement d’attester du décès d’une personne. C’est une formalité juridique essentielle qu’on n’arrive pas à remplir au Bénin depuis quelques élections et qui fait baisser la qualité du fichier électoral. Troisièmement, il y a ceux qui prennent la décision de ne pas voter ou qui décident de manifester leur mécontentement. Il y a de ces électeurs qui ne se retrouvent pas dans l’offre servie par les formations politiques en lice. On doit désormais reconnaître qu’il y a une crise de confiance vis-à-vis de la chose politique. Il y a aussi ceux qui en voulant voter ne retrouvent pas leur nom.
Que faire pour corriger la donne avant les élections générales de 2026 ?
2026, c’est l’année des élections générales. Dès janvier 2026, il y a les élections couplées dont les législatives et les communales d’une part et la présidentielle d’autre part. Ce qu’il faut faire est de mobiliser suffisamment les électeurs et leur expliquer davantage le sens du vote et qu’ils reprennent confiance dans les institutions, dans les organes de gestion des élections, dans les partis politiques, et retrouvent des offres assez séduisantes par rapport à leurs préoccupations.
Quel est, à votre avis, le rôle des partis politiques en la matière ?
Il est important que les partis politiques toutes tendances confondues et l’ensemble des parties prenantes s’attellent à redonner confiance au peuple. La légitimité des institutions est importante. Il faut aussi chercher comment réinventer la participation du citoyen à la vie démocratique. C’est à travers cela qu’on pourrait avoir un maximum de gens qui se sentent concernés, dépositaires du sort de nos institutions. A l’intérieur des partis politiques, il faut un travail de formation à la chose politique. Les partis devraient balayer devant leur propre porte et devraient se demander s’ils ont des outils assez opérationnels pour rencontrer les désidératas des populations et leur faire comprendre leurs objectifs. Si pour les populations, il n’y a pas de bien-fondé à l’une ou l’autre action, elles ne vont pas s’y intéresser. Au fond, nous sommes condamnés à réinventer les modalités de participation citoyenne à la vie publique. On a le devoir de nettoyer les fichiers, de corriger les textes et de les amender.