Violences sur un avocat : le procureur spécial près la Criet rectifie

Par Anselme Pascal AGUEHOUNDE,

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Procureur spécial près la criet

Au cœur de la grève décrétée par le Conseil de l’Ordre des avocats du Barreau du Bénin, l’affaire relative à l’interpellation et la garde à vue d’un avocat a donné lieu à de nouveaux développements. Face à la presse, hier mardi 9 novembre, Mario Elonm Mètonou, procureur spécial près la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet), précise les circonstances dans lesquelles l’avocat a été conduit au commissariat.

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L’avocat interpellé, conduit au commissariat et gardé à vue, nommément Me Enosch Chadaré, aurait forcé le cordon sécuritaire mis en place autour de l’entrepôt dans lequel ont été découvertes 2,575 tonnes de cocaïne, et opposé une violence verbale puis physique au chef de l’équipe d’intervention qui lui a signifié qu’il ne pouvait pas rester sur les lieux. C’est la version de Mario Elonm Mètonou, procureur spécial près la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme(Criet) dans cette affaire qui a révolté l’Ordre des avocats du Bénin.
Tout remonte à la journée du 29 septembre dernier où les agents de la Police républicaine ont découvert 2,575 tonnes de cocaïne dans un entrepôt sis au PK10, route de Porto-Novo. Invité à se rendre sur le site, le propriétaire de l’entrepôt est arrivé avec en sa possession tous ses téléphones portables; à ce moment il n’était pas encore en état d’arrestation. « Ayant reçu des informations très précises sur les propriétaires de la cargaison, un cartel très violent aux méthodes expéditives, j’ai ordonné la mise en place d’un double cordon de sécurité autour des lieux. L’équipe a été renforcée par des militaires armés », explique Mario Elonm Mètonou. Il justifie cette mesure de sécurité non seulement par la crainte légitime suscitée par ce cartel mais aussi par une tentative de corruption in situ. « …plus tôt dans la journée, le groupe avait dépêché à deux reprises des individus sur les lieux avec de fortes sommes d’argent pour tenter de corrompre les agents en charge de l’enquête. Le premier émissaire s’est présenté avec quinze millions (15 000 000)
francs Cfa, le second avec vingt-six millions (26 000 000) francs Cfa. Les offres ayant été rejetées et les émissaires interpellés, il était à craindre une réaction violente de la part des propriétaires de cette énorme quantité de drogue », fait savoir le procureur spécial. C’est lors des opérations de sécurisation du site que le chef de l’équipe d’intervention a aperçu au loin un individu en pleines altercations avec ses hommes. « Celui-ci venait de franchir le premier cordon de sécurité et forçait le deuxième en dépit de l’opposition des forces de l’ordre. Le chef d’équipe s’est rapproché de lui pour lui signifier qu’il ne pouvait rester sur les lieux. Pour toute réponse, il lui a opposé une violence d’abord verbale puis physique. L’intéressé soutenait qu’il était conseil juridique du propriétaire de l’entrepôt et avait, à ce titre, le droit d’être sur les lieux », rapporte Mario Elonm Mètonou. A en croire le chef du parquet spécial, l’intéressé a été sorti du périmètre de sécurité, et une fois près de son véhicule, il a entrepris de filmer l’opération en cours. Cette attitude a semé le doute sur ses réelles motivations, surtout que celui qu’il prétendait assister avait formellement indiqué n’avoir sollicité les services d’aucun avocat. C’est ainsi que l’intéressé a été conduit au commissariat d’Ekpè pour les raisons de l’enquête. Le procureur spécial dit avoir été informé de son identité plus tard dans la journée, par Me Michel Ahoumènou qui l’a joint par téléphone.

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Une plainte déposée contre Me Enosch Chadaré

Informé de ce que la personne interpellée est avocat au Barreau du Bénin, nommément Me Enosch Chadaré, le procureur spécial a ordonné qu’il soit mis sous convocation pour la suite de l’enquête. Ce qui, ajoute-t-il, a été fait dès la fin des opérations d’identification et de sécurisation de l’entrepôt. Mario Elonm Mètonou précise que Me Enosch Chadaré n’a jamais répondu à la convocation qui lui avait été remise pour le 4 octobre 2021. Il annonce : « Le chef de l’équipe d’intervention a formellement déposé plainte contre lui et a été entendu sur procès-verbal d’enquête régulier. L’enquête suit son cours ». Le chef du parquet spécial près la Criet fait également remarquer que Me Enosch Chadaré, aussi bien à l’enquête préliminaire que depuis l’ouverture de l’information judiciaire, ne s’est pas constitué aux côtés de celui qu’il prétendait assister le jour des faits. Il affirme en outre :
« Il semble avoir été plutôt dépêché sur les lieux par le sieur Philippe Assah dont il est le conseil habituel. Ce dernier est activement recherché dans le cadre de la récente enquête relative à la découverte d’une nouvelle cargaison de 780 kg de cocaïne qui parait avoir un lien avec la première saisie de 2,575 tonnes ».
Par ailleurs, le Garde des sceaux n’est pas resté indifférent à cette affaire qui a fait réagir le Barreau du Bénin, la Conférence des jeunes avocats de l’Uemoa, la Fédération africaine des associations et unions de jeunes avocats… Dans un communiqué en date du 9 novembre, le ministre de la Justice et de la Législation a déploré le boycott unilatéral décidé par le Barreau national sans discussion avec la chancellerie. Le Garde des sceaux a ensuite réaffirmé la détermination du gouvernement à lutter contre la criminalité transnationale puis rassuré les populations de la prise de dispositions afin d’assurer le fonctionnement continu du service public de la justice.