La Nation Bénin...

Le syndicalisme a ses jargons, son lexique, ses codes. Mais le syndicalisme se disgracie, pour peu qu’il se perd en conjectures pour ne pas dire qu’il se fourvoie. Il en est ainsi de la dernière sortie de six centrales syndicales, en décalage avec l’air du temps, en l’occurrence le Nouveau départ prôné par le chef de l’Etat et qui en appelle au changement de paradigmes.
Réunies lundi 27 février dernier à la Bourse du Travail à Cotonou, la Csa-Bénin, la Cosi-Bénin, la Cgtb, l’Unstb, la Csub et la Cspib, ont planché sur un thème à faire dresser les cheveux sur la tête, pour peu que vous soyez Béninois, surtout si vous résidez à l’étranger : «Les défis des libertés et de la Gouvernance à l'ère du régime de la Rupture». On croit volontiers que le feu est mis à la poudre, prenant connaissance d’une telle thématique laissant croire en sibyline que le Bénin se confond à la Syrie de Bachar Al-Assad. De fait, de quoi s’agit-il ?
Prétextant de « la multiplication des plaintes des travailleurs et au désarroi de plus en plus grandissant de nos concitoyens», ces centrales syndicales «ont décidé de prendre à nouveau, la mesure de la situation, et d’assumer leurs responsabilités historiques», disent-ils. Rien que ça ! « Responsabilité historique » ? Il s’agit, sinon d’une imposture historique, à tout le moins d’une posture trompeuse. Car avec un thème aussi gros et lourd de sens, on en attend plus qu’une déclaration aussi alambiquée jonchée de faits qui se veulent alarmants mais frappés hélas d’anémie, en raison de ce qu’ils ne sont pas étayés. La fonction sociale des syndicats n’est pas en cause, loin s’en faut. Et ils ont fait leurs preuves par le passé, dans la part de l’œuvre républicaine qui leur incombe. D’où leur engagement à « contribuer au succès du Gouvernement dans les réformes pertinentes ».
Pour le reste, on ne le sait que trop, un syndicat par définition, ça monte les enchères avant de baisser la barre en négociation, mais de là à agiter l’épouvantail de « multiplication d'actes attentatoires aux libertés publiques et individuelles, collectives et syndicales », il y a une exagération dont il faut se garder. D’autant que ses vocables jettent de l’opprobre sur notre pays et lui font une mauvaise publicité sur la scène internationale, dont il peut faire économie, à l’heure d’un besoin accru de mobilisation de ressources. C’est la seule alerte qui vaille la peine et non le genre de tocsin sonné par les centrales syndicales lundi dernier, lequel relève plus de l’exagération au regard des faits incriminés, et à volonté amplifiés. Mais à quelle fin ?
C’est une variante de la psychose entretenue par les résistances, à tort ou à raison, mais plus subjectives qu’objectives, aux nouveaux paradigmes impulsés par les réformes du Nouveau départ. Des résistances aux changements qui se justifient sociologiquement, et auxquelles les syndicalistes font chorus, par excès, étant eux-mêmes abusés, il faut le croire, bluffés qu’ils sont par certaines opinions relayées surtout sur les réseaux sociaux, laissant supposer quelque « désarroi de plus en plus grandissant de nos concitoyens ».
Les responsables syndicaux, en tant qu’éclaireurs, doivent transcender ses contingentements pour ne pas perdre leur crédit, d’autant plus que dans la déclaration qui a sanctionné leur conclave de lundi dernier, ils ont, disent-ils, « décidé de réserver la primeur des conclusions des assises au président Talon en personne à l'occasion d'une audience…». Ce qui peut susciter légitimement l’interrogation suivante : à quoi répond donc leur déclaration, déclaration sans fonds d’ailleurs, dichotomique au thème abordé et qui n’est pas sans rappeler une pratique pour laquelle certains médias sont tancés, à savoir l’usage de titres ronflants aux contenus creux et vaseux ??