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Association Nonvitcha: La centenaire en quête de renaissance

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La communion entre les Xwla et Xwéda ... La communion entre les Xwla et Xwéda ...

L’association Nonvitcha des Xwla et Xwéda, à l’occasion de la Pentecôte 2024, a rallumé pour la cent-troisième fois la flamme de la fraternité. Frères unis depuis un centenaire, les membres de l’association rêvent d’un creuset plus au service des communautés et du développement. 

Par   Josué F. MEHOUENOU, le 22 mai 2024 à 03h35 Durée 5 min.
#Célébration du 103e anniversaire de Nonvitcha

La paisible ville de Grand Popo, asile et lieu d’évasion pour de nombreuses personnes en weekend a tout perdu de son calme légendaire, ce samedi 18 mai. Toute bruyante elle est, depuis l’entrée de la ville jusqu’à la place Nonvitcha en passant par les principales artères et les carrefours. La ville gagne en effervescence. Elle a fait aussi une petite toilette. Des murs peints çà et là, des restaurants et bistrots de fortune, des allers-retours incessants de motos et de voitures, des salutations en Mina et en Xwla qui se laissent entendre un peu partout. En somme, Grand Popo était chaleureuse et cette vivacité était devenue intense, dimanche 19 mai, jour de Pentecôte. Pendant que le Saint-Esprit descendait lumineux sur les disciples et le peuple de Dieu, la ferveur, elle aussi, telles des langues de feu, se déversait aussi sur la cité balnéaire.

Ce dimanche, Grand-Popo accueille toute la foule venue des quatre coins du Bénin et des autres contrées du monde pour resserrer encore une fois le nœud de la fraternité, tels les gros pagnes à l’effigie de Nonvitcha noués à la taille des uns et des autres. A cela s’ajoute l’ambiance festive le long de la côte. Chaque famille y va de son inspiration, de ses envies et de ses moyens. Les agapes sont abondantes. L’odorat ne résiste pas à leurs effluves et la vue s’en trouve agressée. La communion était intense et vive. Toute la journée du dimanche et pour une bonne part, le lendemain lundi, Nonvitcha a vécu et fait vibrer. Et, à mesure que l'heure avance ce lundi de Pentecôte, Nonvitcha, ou du moins la 103e édition progresse dans l’oubli. Il ne restera d’elle que le souvenir d’une année de célébration de plus. Une belle célébration qui a permis de revivifier l’élan de fraternité voulu par ses géniteurs, Augustin Kokou Azango, Adolphe Gnassounou Akpa et autres Siméon Abalo Loko. Ce sont là en effet, les patriarches qui ont eu l’inspiration de relier les deux bouts d’une même fratrie déposés l’un autour du lac Ahémé, les Xwéda et l’autre dans les encablures de la mer, les Xwla. A ceux-là, tous les membres de Nonvitcha rendent hommage et gloire pour cette vision séculaire du vivre-ensemble qu’ils ont su instaurer et entretenir avant de la léguer à d’autres tels que Randolph Dossou Ayinon, André Affanouvi Hounzangbé, René Megniho Dossa, Paul Irenée Zinsou, Norbert Kassa… Si Nonvitcha sait voyager entre le temps et dans l’espace avec ses rides, il lui revient aujourd’hui et mieux qu’hier de passer outre la ligne de la seule fraternité pour devenir une association qui inspire, apporte, accompagne et pousse le développement. A ce propos, la fiche de rendement est tout sauf vierge, clament responsables et membres de l’association. Depuis plus de cent ans, Nonvitcha a fait parler par ses actions et continuera pendant longtemps de le faire, retiennent ses membres.

 Du Nonvitcha des frères au Nonvitcha des peuples

 L’association Nonvitcha excelle dans l’œuvre de développement. Là-dessus, il n’y a aucun doute à se faire, clame Michel Anoumoun Agboessi, président de la section Nonvitcha Cotonou. Aujourd’hui on la voit plus du côté des œuvres sociales, soutient-il. L’association a décidé depuis cinq ans, selon Norbert Kassa, de tourner dos à la seule célébration festive pour se concentrer sur des actions sociales et le bien-être des populations et de ses membres. Les mandats successifs à la tête de Nonvitcha ont déjà eu le mérite de célébrer la fraternité sous tous les angles et de prouver à quel point Xwla et Xwéda des quatre coins du monde sont capables d’amitié et de fraternité. Pour maintenir la flamme toujours allumée, il fallait penser des actions qui fédèrent davantage les peuples, explique le président du bureau fédéral. Michel Anoumoun Agboessi renchérit pour sa part que cette option faite depuis cinq ans a donné un autre visage à l’association. Selon lui, les actions sociales réalisées un peu partout ont eu le mérite de drainer plus de monde vers l’association et de donner à chacun un sentiment de fierté. Cette option du président actuel est salutaire, insiste-t-il. Ecoles, centres de santé, revendeuses, conducteurs de taxi-motos, élèves, écoliers, étudiants… Plus aucune couche sociale n’est laissée en rade dans les actions sociales de l’association, reconnaissent-ils. « Nous avons changé de vision ; elle n’est plus seulement festive. Elle est sociale, humanitaire et communautaire », soutient Norbert Kassa. Au cœur de ce social, l’aide et l’appui aux communautés. «Nous avons financé beaucoup de formations sanitaires, des écoles et depuis trois ans nous avons amélioré notre vision en venant aider les populations à recouvrer leur santé », poursuit-il. Au plan sanitaire, le bilan est largement positif. L’association, grâce à ses cotisations et aux dons de ses sections de la diaspora, a contribué à changer le sort des populations. 

Michel Gozo, membre du bureau de l’association et président de la commission en charge des actions sanitaires, s'en félicite. Lorsqu’il scrute le bilan des actions menées dans le secteur depuis cinq ans, il se frotte les mains. « Depuis trois ans, nous avons amélioré notre vision en venant aider les populations à recouvrer leur santé par des actions fortes », soutient-il. Cadre du ministère de la Santé à la retraite, ancien directeur de l’hôpital de Ouidah et de l’hôpital de la mère et de l’enfant, il dit mesurer l’enjeu de la santé des populations dans une commune comme Grand-Popo où les décès de nouveau-nés étaient devenus inquiétants, il y a quelques années. C’est donc pour y remédier que des tables de réanimation ont été offertes au centre de santé de la commune. Grand-Popo seule en a trois désormais, illustre-t-il. «Si les enfants peuvent naître dans une famille et vivre, c’est un sens de développement».


... résiste à l'air du temps et raffermit à chaque célébration...

 Actions de développement

 A cela s’ajoutent les dizaines de poches de sang collectées à l’occasion de campagnes de don de sang organisées par l’association. Pour lui, il n’est même plus seulement question d’aller au secours des seules populations de Grand-Popo. Ces opérations de don de sang ont le mérite de sauver des vies humaines partout où elles sont en danger. A l’occasion du centenaire, il y a trois ans, se souvient-il, une campagne de dépistage du cancer du col de l’utérus et des seins avait été organisée au profit des femmes. L’année dernière, c’était au tour des hommes de bénéficier du dépistage du cancer de la prostate et des maladies des voies urinaires. Cette année, explique Michel Gozo, les affections ostéo-articulaires ont été prises en compte. «Nous avons des partenaires qui nous ont appuyés pour environ trente millions de médicaments et en plus de se faire dépister gratuitement, plus de huit cents patients ont bénéficié de don de médicaments », enchaîne-t-il. Si ces actions ont le mérite de maintenir la population en bonne santé, elles lui permettent surtout de bénéficier sans frais de soins de qualité. «C’est le sens de Nonvitcha, l’aide aux communautés », se félicite Michel Gozo. Le développement est holistique, relève-t-il, tout en ajustant son gros pagne à l’effigie de l’association. « On ne peut tout attaquer à la fois, mais agir par pan », soutient celui dont la fierté d’appartenir à la plus vieille des associations identitaires du Bénin se laisse lire dans les propos. Au plan de la santé, le bilan est en tout cas largement positif et l’association ne compte pas baisser les bras. Elle s’engage à en faire encore et toujours plus. Elodie Hounkponou ne se fait pas conter les éditions successives de la célébration depuis plus d’une décennie. « Nonvitcha est un peu plus visible aujourd’hui à travers l’action qu’elle mène dans les écoles », cite-t-elle en exemple. Celle qui rêve de se hisser un jour au plus haut niveau de l’association pour la servir, dit suivre de près ce qui se fait sur le terrain, raison d’être de sa présence constante en qualité de témoin des mutations que connait la célébration.   

Au plan social, l’action de Nonvitcha est aussi salutaire. En 103 ans, on ne peut répertorier ses actions. Le choix du bureau fédéral actuel, c’est de conduire de petites actions à fort impact sur les populations, témoigne le président. « Nous ne sommes plus dans des actions d’éclat. Nous posons des actions qui impactent et changent la vie de nos communautés », assure Norbert Kassa. Chaque édition laisse ainsi ses marques. Des ouvrages, des dons divers, des infrastructures, des équipements, souligne celui qui préside actuellement aux destinées de Nonvitcha. Ce choix porte ses fruits en tout cas, clame-t-il, et justifie l’engouement dont font montre les populations à l’endroit de l’association. Qu’on soit enfant, jeune ou vieux, l’esprit Nonvitcha croît au fil des ans et cela lui plait bien. Lui en tout cas, a pris pour challenge avant la fin de son mandat de préparer la relève. C’est pourquoi, se prononçant aux manifestations commémoratives des cent-trois ans, il est largement revenu sur la question de la relève, l’un des piliers de son action pour laisser régner « le Nonvitcha des actions ».

 Pas de Nonvitcha sans la diaspora

 Si l’association Nonvitcha peut revendiquer une force de frappe, c’est bien sa diaspora. Venus des quatre coins de la terre, les membres de l’association ont gardé en esprit l’élan de fraternité insufflé par Adolphe Gnassounou Akpa et Siméon Abalo Loko. La diaspora contribue fortement aux actions qui se mènent, reconnait le président Kassa. « Les mouvements migratoires sont à la source de la création de Nonvitcha. C’est pourquoi l’association ne peut jamais oublier ses fils et filles de la diaspora », rappelle-t-il. Sous son mandat, de nombreuses sections de la diaspora ont été créées et il n’est pas prêt de s’arrêter. « Je vais en créer davantage », promet-il. Ce choix, selon ses explications, relève de la forte contribution des Xwla et Xwéda vivant à l’étranger à la vie et aux œuvres de l’association. Sans eux, les actions de développement de l’association seraient difficiles à mener, admettent tous les membres et responsables de l’association interviewés. Au plan local, les cotisations peinent à tomber. Qu’ils soient cadres ou jeunes adhérents, l’apport attendu des membres au pays ne suit pas toujours, regrette Michel Anoumoun Agboessi. Ce qui est mobilisé à l’interne est loin des besoins et attentes de l’association, soutient le président du bureau fédéral. Ce n’est donc pas un hasard si Norbert Kassa a fait des sections de l’étranger son pilier. Qu’elles soient au Canada, en France ou mieux encore dans les pays voisins, chacune de ces sections apporte de l’oxygène à Nonvitcha pour lui permettre de se mettre au service du développement. Pendant que la section du Canada offrait des tables et bancs, celle de la France venait en appui avec des ouvrages aux écoliers et des dons d’équipements informatiques. La section sénégalaise a signé la fin des défécations à l’air libre avec des toilettes dignes du nom. Les dons d’équipements médicaux sont à l’actif de ces mêmes sections. Sans oublier que «chaque section de la diaspora envoie une contribution pour participer au financement des autres activités et des festivités annuelles ».

Michel Anoumoun Agboessi, avant de rentrer au bercail pour finir par se hisser à la tête de la section de Cotonou, a longtemps milité dans une section de la diaspora. Il en a été même l’un des responsables. Il va donc expliquer que le mouvement migratoire ne saurait avoir raison de l’idéal Nonvitcha. Même loin de leur Grand-Popo natal, les natifs sont à la quête de son développement et du bien-être de ses populations, du moins de leurs frères et sœurs restés au pays. C’est pourquoi l’engouement et la promptitude des sections de la diaspora ne se font jamais désirer.


L'association Nonvitcha table sur la relève pour pérénniser les liens de fraternité entre ses fi ls et filles.

D’ailleurs Nonvitcha, c’est un esprit. « On le porte et on le vit», s’émerveille Albert Bessan. Celui-ci a fait le déplacement depuis un pays de la sous-région pour faire vivre à son fils de 15 ans, sa première fête Nonvitcha au pays. Il aurait pu attendre 2026, la prochaine célébration quinquennale, mais il dit vouloir « le plonger très tôt dans la ferveur de son identité». Pour Albert Bessan, partir ne saurait être un oubli ni un renoncement. Et s’il repart dans les prochains jours du pays plus engagé que jamais, c’est parce qu’il a pu toucher du doigt de nombreuses réalisations promises par les responsables et pour lesquelles sa section a contribué. « Les œuvres témoignent pour le bureau. Dans ces conditions, nous ne pouvons que soutenir», s’engage-t-il. Un peu perdu dans la fougue de son géniteur, le jeune garçon à ses côtés le regarde quelque peu surpris. « Je suis venu pour connaître ma culture », lance-t-il pour toute intervention. Malgré cette importante contribution à l’association, le vœu des responsables reste de voir tous les fils Popo apporter leur pierre à l’édifice. 

Autant on peut se féliciter de l’action de cette diaspora, autant on peut faire le constat que Grand-Popo se vide. La ville est déserte. Ses bras valides la quittent les uns après les autres. Tous quêtent le mieux-être, loin de leur terre natale. La raison n’est pas inconnue, assurent les responsables de Nonvitcha. Le lac est vide. Les eaux du terroir ne remplissent plus les filets. De la mer, on ne ramène plus rien, même plus les fretins. Pour des populations de pêcheurs, cette situation oblige à poursuivre plus loin la marche. « Nous sommes des pêcheurs. Notre vie et notre activité tournent autour de l’eau », tente de convaincre Norbert Kassa. C’est donc, selon lui, cette quête d’eaux poissonneuses qui oblige les pêcheurs à migrer. Pas étonnant, raconte-t-il, qu’on les retrouve au Ghana, en Côte d’Ivoire, en République démocratique du Congo, au Congo Brazza, en Angola, en Mauritanie, au Cameroun, au Gabon… Dans ces pays, rassure-t-il, aucun d’eux ne s’illustre à travers des activités tendancieuses et douteuses. Ils sont majoritairement occupés par leur légendaire activité de pêche, soutient-il fièrement. Une activité qu’ils pourraient revenir exercer au pays si les conditions suivaient. Il faut donc agir pour arrêter ce qui vide les eaux de leurs poissons. Il cite entre autres le désensablement des eaux fluviales, l’enrochement de la mer et la guerre aux frauduleux chalutiers qui vident clandestinement la mer avec leurs engins.