La Nation Bénin...
De
nombreux experts et personnalités africaines en conclave à Cotonou, du 8 au 11
mai, ont débattu des souverainetés africaines dans un monde fracturé, à
l’occasion de la Sixième conférence internationale Afrique du Groupe Initiative
Afrique. L’évènement est fortement soutenu par le gouvernement dont le but
ultime est de dégager des propositions constructives et réalistes, susceptibles
de guider les décideurs actuels et futurs.
L’importance
des thèmes en débat à l’occasion de la Sixième conférence internationale
Afrique du Groupe Initiative Afrique justifie sans aucun doute la forte
mobilisation du gouvernement béninois à l’ouverture des travaux, vendredi 9 mai
dernier. Abdoulaye Bio Tchané, Romuald Wadagni, Olushegun Adjadi Bakari, Mathys
Adidjatou, Alassane Seïdou, José Didier Tonato, Véronique Tognifodé, Shadiya
Alimatou Assouman, la présidente de la Haute Cour de justice… ont été témoins
de l’ouverture des travaux.
La
rencontre de Cotonou comme celles qui l’ont précédée se tient à l’invitation du
Groupe Initiative Afrique qui s’inspire de la méthode Aspen : indépendance, et
échanges sans tabous. A partir d’analyses sans complaisance durant cinq
sessions, les participants ont été appelés à des propositions constructives et
réalistes, susceptibles de guider les décideurs actuels et futurs, dans leurs
sphères de responsabilités publiques et privées. « Souveraineté et
souverainisme : (re) construire une souveraineté équilibrée en politique
intérieure africaine », « les conditions de conquête de la « souveraineté
économique de l’Afrique », « la souveraineté sécuritaire face aux menaces et
aux défis transversaux », «les souverainetés nationales et les cultures
africaines, face à la géopolitique
mondiale et ses luttes d’influence ». Les sessions d’échanges de la conférence
ont porté sur des thématiques qui devraient déboucher sur diverses
propositions, suggestions et méthodes à même de mieux affranchir l’Afrique de
certains chocs. « Notre rencontre se déroule dans un contexte mondial marqué
par des limitations profondes et des incertitudes grandissantes», a rappelé
Jean Louis Ekra, ancien président de Afreximbank. Le retour du président Donald
Trump à la tête des États-Unis et les premières orientations de son mandat, la
recrudescence des conflits climatiques à travers le monde, la crise sanitaire
mondiale provoquée par la pandémie de Covid-19. Ces bouleversements demandent
une étude de cas particuliers concernant l’Afrique. «Nous ne sommes bien
évidemment pas épargnés par ces globalisations. Outre ces enjeux globaux,
l’Afrique doit également faire face à des dynamiques internes qui méritent
toute notre attention», souligne-t-il. La résurgence des coups d’État et des
questionnements sur le modèle de gouvernance à privilégier, l’augmentation du
nombre de jeunes africains qui, au péril de leur vie, tentent l’aventure de
l’immigration… se dressent aussi en défis majeurs pour le continent.
Jean
Louis Ekra note aussi une aspiration croissante des jeunes Africains et de
certains leaders à reprendre en main les leviers économiques et à façonner leur
propre destin. Dans cette perspective, indique-t-il, « nous assistons à une
résurgence du panafricanisme porté par les grandes figures du 20e siècle et à
une montée du souverainisme qu’il convient d’analyser avec utilité ». Il est
donc essentiel d’examiner les implications de ces tendances souverainistes sur
la coopération régionale, notamment dans le cadre de la zone de libre-échange
qui exige une concession partielle de souveraineté au Sénat.
Entre assurances et espoirs
Comme
lui, le ministre d’Etat Abdoulaye Bio Tchané relève l’évolution géopolitique
mondiale, la multitude de conflits à travers le monde, les instabilités dans
plusieurs régions du continent, les tensions géopolitiques comme des éléments
dont les implications profondes sur la souveraineté des États ne sont pas
moindres. Ils requièrent, plus que jamais, un esprit d’intégration et un esprit
de dignité face aux menaces auxquelles font face nos États, souligne-t-il. En
2025, une personne sur quatre sera africaine. Il faut voir cela comme un atout,
selon Abdoulaye Bio Tchané qui voudrait qu’on y associe une éducation de
qualité définie en fonction des besoins du marché et des évolutions des
économies. Le Bénin l’a très vite compris et cela se ressent dans l’action
déployée par son président pour
l’enseignement des sciences, des techniques, de l’ingénierie, des mathématiques
et de la formation technique et professionnelle, illustre-t-il. « Je pense que
tous nos États doivent accorder cette importance à l’éducation des métiers dont
l’économie a besoin pour que nous préparions notre jeunesse pour des évolutions
futures et pour mieux profiter des évolutions relatives à la mobilisation de
nos ressources naturelles, à leur transformation sur le sol africain », va-t-il
suggérer.
Il
mettra aussi en exergue bien des défis comme la technologie, l’exportation des
matières premières, le financement du développement, le dérèglement climatique,
l’instabilité financière, les replis identitaires, la fracture numérique, les
questions de sécurité… «L’Afrique est bien préparée pour devenir l’usine du
monde. Elle a toutes les ressources naturelles nécessaires pour la nouvelle
révolution industrielle. La cinquième révolution industrielle sera africaine »,
projette-t-il.
Selon lui, penser la souveraineté africaine dans ce monde fracturé et incertain n’est pas une simple question de pouvoir. L’Afrique ne devrait pas revendiquer une souveraineté d’isolement, mais une souveraineté de responsabilité. Cela signifie une souveraineté qui ne s’oppose pas à l’interdépendance, mais qui refuse la dépendance passive. Une souveraineté qui assume son rôle dans la stabilité régionale, dans la solidarité avec les autres, dans l’innovation. « Ce continent doit être un acteur à part entière, respecté, équitablement traité et stratégiquement écouté», exhorte Abdoulaye Bio Tchané.