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Construction d’un complexe funéraire à Abomey-Calavi: Réorganiser et moderniser le service funèbre

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Le Conseil des ministres a marqué, mercredi 8 octobre dernier, son accord pour la contractualisation avec une entreprise spécialisée en vue de la maîtrise d’œuvre complète dans le cadre du projet de construction d’un centre funéraire à Abomey-Calavi. Un projet ambitieux du gouvernement béninois inscrit dans son Programme d’action pour moderniser les services liés à la gestion des décès et proposer des alternatives conformes aux normes contemporaines.

 

Par   Joël C. TOKPONOU, le 10 oct. 2025 à 08h18 Durée 3 min.
#Abomey-Calavi #complexe funéraire

La gestion des décès et les services funéraires sont longtemps restés en marge des grandes réformes structurelles. Aujourd’hui, dans une volonté de transformation profonde et d’humanisation des pratiques liées à la mort, le gouvernement fait un pas décisif. Réuni en Conseil des ministres du mercredi 8 octobre dernier, l’Exécutif a donné son feu vert pour la contractualisation avec une entreprise spécialisée dans la maîtrise d’œuvre complète en vue de la réalisation d’un centre funéraire moderne à Abomey-Calavi.

Cette décision s’inscrit dans le cadre du Programme d’action du gouvernement (Pag), qui prévoit la construction d’un centre intégrant une morgue, un crématorium, un espace funéraire et une école de formation en thanatopraxie. Le but est de réorganiser et moderniser le service funéraire au Bénin, tout en répondant à des normes sanitaires, sociales et techniques de plus en plus exigeantes.

Le projet ne se limite pas à la simple construction d’un bâtiment administratif ou d’un espace mortuaire. Il s’agit d’un complexe multifonctionnel conçu pour offrir des services complets et modernes dans le domaine funéraire. En plus de la morgue équipée pour la conservation des corps dans des conditions sanitaires optimales, le centre comprendra également un crématorium, afin d’offrir une alternative moderne à l’inhumation traditionnelle, en respect des volontés personnelles ou religieuses de plus en plus diversifiées. Il y aura aussi une école de formation en thanatopraxie, dédiée à l’enseignement des techniques de conservation des corps, une première au Bénin, puis un centre funéraire pour accompagner les familles dans l’organisation de cérémonies dignes et conformes aux standards d’hygiène et de décence.

Ce projet multidimensionnel ambitionne ainsi de professionnaliser le secteur funéraire, souvent laissé aux mains d’opérateurs informels.

Sécurité sanitaire et dignité

L’un des objectifs majeurs du projet est de garantir des conditions de conservation adéquates des corps, non seulement pour des raisons d’hygiène, mais aussi pour la sécurité sanitaire des professionnels funéraires et des familles. Le Bénin, comme de nombreux pays en Afrique de l’Ouest, fait encore face à des pratiques à risque dans le domaine mortuaire, pouvant favoriser la propagation de maladies ou affecter la santé mentale des familles.

Par ailleurs, la mise en place d’un crématorium répond à une évolution des mentalités et des besoins sociétaux. La crémation, bien qu’encore peu pratiquée au Bénin, est de plus en plus demandée, notamment dans les milieux urbains et diasporiques, pour des raisons à la fois économiques, culturelles, écologiques ou pratiques.

L’introduction d’une école de thanatopraxie permettra également de renforcer les capacités nationales en formant des professionnels qualifiés, compétents dans les techniques modernes de traitement et de présentation des corps. À terme, cela pourrait également créer des emplois et structurer un secteur en pleine mutation.

Conscient de l’importance stratégique, sociale et sanitaire de ce projet, le gouvernement insiste sur la qualité de la mise en œuvre. C’est pourquoi la contractualisation avec une entreprise spécialisée dans la maîtrise d’œuvre complète inclura la conception architecturale du complexe, en tenant compte des normes internationales en matière de santé, d’hygiène et de sécurité, les études techniques préalables, une évaluation de l’impact environnemental et social, nécessaire pour s’assurer de la conformité du projet avec les enjeux du développement durable puis la surveillance et le contrôle rigoureux des travaux jusqu’à la livraison.

Le tout devra être réalisé avec professionnalisme, dans un souci de transparence, d’efficacité et de service public. La commune d’Abomey-Calavi, choisie pour abriter ce centre, a une position stratégique. Située aux portes de Cotonou, elle connaît une croissance démographique rapide et concentre de plus en plus d’activités urbaines, sociales et économiques. Le choix de ce site permettra de désengorger les infrastructures funéraires vétustes de Cotonou et de servir de modèle pour d’autres villes du pays.

A terme, ce centre pourrait devenir un pôle de référence national et sous-régional, à la fois pour la formation, la gestion moderne des services funéraires et la promotion de bonnes pratiques en matière de respect des défunts.

Après la réforme…

“Les inhumations ont lieu dans un délai de trente jours au plus tard après le décès, sauf prorogation accordée par le procureur de la République compétent. Passé ce délai, il est procédé à une inhumation en fosse commune”. Ainsi dispose l’article 56 du décret 2024-991 du 19 juin 2024 portant règlementation du secteur funéraire en République du Bénin. Cet acte règlementaire apporte des innovations majeures dans ce secteur resté pendant longtemps presque sans normes précises, sinon que ces dernières étaient devenues obsolètes au fil du temps puisque c’était principalement sur la base de l’arrêté interministériel n°042/Misat/Ms/Dc/Cts/Dh du 23 février 1993 portant réglementation des activités de pompes funèbres par les entreprises privées que les activités étaient menées. Le nouveau décret organise donc les modalités d’obtention des agréments pour l’exercice d’activité funéraire, les pompes funèbres, les funérariums, les cimetières et crematoriums ainsi que les sanctions encourues en cas de manquement aux dispositions règlementaires.

Désormais, les personnels de gestion des établissements et entreprises funéraires doivent justifier de qualités professionnelles fixées par les autorités compétentes. Bien évidemment, l’exercice de cette activité est soumis à l’obtention d’un agrément dont le processus d’acquisition est fixé dans le décret. “L’accueil de dépouille mortelle par une entreprise non agréée est interdit”, insiste l’article 25 du décret.

Quant aux familles éplorées, elles disposent de délais précis pour accomplir les différentes formalités avant l’inhumation. Selon l’article 32 du décret, “le décès doit être établi par un certificat médical de décès délivré par un agent qualifié. L’accueil de toute dépouille mortelle dans un funérarium est subordonné à la présentation de la carte d’identité valide du déposant”. De ce fait, les morgues et funérariums sont tenus de tenir à jour un registre des entrées et sorties de dépouilles mortelles, sous le contrôle régulier des pouvoirs publics.

Crémation et autres nouveautés

 La responsabilité des autorités communales est particulièrement engagée par le nouveau décret. “Chaque commune ou chaque établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de cimetière dispose d’au moins un cimetière comprenant un terrain consacré à l’inhumation des dépouilles mortelles et un site cinéraire destiné à l’accueil des cendres des personnes décédées dont le corps a donné lieu à crémation. Il est créé dans les cimetières communaux un espace dédié à l’inhumation des dépouilles mortelles des indigents et des personnes non identifiées”, indique l’article 39. De la même manière, il est autorisé la construction de caveaux dans les cimetières dans le strict respect des normes environnementaux, sanitaires et techniques.

L’autre nouveauté qui devrait réjouir les parents des défunts, c’est qu’il est exigé que les cimetières soient clôturés de manière à faire obstacle, dans la mesure du possible, aux passages et aux vues. Ces infrastructures doivent également disposer d’un plan global d’aménagement et de registres spécifiques permettant l’identification rapide des tombes.

Aussi, il est autorisé dès maintenant la crémation dans les cimetières du Bénin, pour autant que les matériels techniques soient disponibles. Mais cela doit se faire si telles sont les dernières volontés du défunt et si la cause naturelle du décès est certaine mais aussi avec l’accord du procureur de la République sur demande des personnes habilitée à organiser les funérailles du défunt. “La crémation a lieu dans le respect de la dignité due aux défunts” en présence d’au moins un membre de la famille, exige le premier alinéa de l’article 65 du décret. Et à l’article 67 de clarifier les conditions dans lesquelles les cendres du défunt doivent être remises à ses proches. “La restitution des cendres est faite dans une urne cinéraire. Elle est faite immédiatement après la crémation. Il est fait mention sur l’urne cinéraire, des nom et prénom du défunt, de la date du décès, du nom de la commune du lieu d’implantation de l’établissement crématoire et du numéro d’ordre de la crémation”, stipule cet article. Le même décret dispose que par suite de la crémation, les cendres peuvent être dispersées sur une parcelle du cimetière réservée à cet effet, en haute mer ou à un autre endroit précisé dans l’autorisation de crémation. Ces cendres peuvent aussi être inhumées dans un cimetière ou conservées dans le columbarium.

Pour la période de transition avant l’entrée en vigueur de ce décret, les établissements publics et les entreprises privées exerçant des activités funéraires disposent de 24 mois pour se conformer à la nouvelle règlementation.

Des mesures nécessaires

L’instauration d’une nouvelle règlementation dans le secteur funéraire était plus qu’urgent. En dehors de la non-prise en compte de certains aspects importants, les normes imposées ne sont toujours pas respectées.

Le rapport de l’Agence béninoise de l’environnement (Abe) au terme de l’inspection environnementale des morgues dans les communes du Bénin, le confirme si bien.

En effet, dans l’objectif de vérifier le respect des dispositions législatives et règlementaires en matière d’environnement au Bénin par les promoteurs des différentes morgues et apprécier les éventuelles atteintes à l’environnement et/ou les nuisances environnementales et risques sanitaires générés par les activités desdites morgues, l’Abe a organisé du 17 au 29 avril 2023, une mission d’inspection environnementale des morgues et funérariums des communes du Bénin, soit 22 établissements funéraires répartis dans 18 communes et 7 départements.

Il en ressort que les constats effectués par les équipes d’inspection soulèvent cinq problèmes majeurs pour lesquels il est urgent de trouver de solutions idoines. Il s’agit précisément de la non détention de toutes les autorisations et documents nécessaires pour l’ouverture et l’exercice des activités mortuaires et funéraires,  du non-respect des règles requises pour la construction des morgues, du non-respect des normes environnementales et sanitaires dans les morgues, de la température de conservation des corps dans les morgues et de la saturation des morgues par les corps abandonnés et sous décision de justice.

Dans les détails, les principaux résultats obtenus de cette campagne d’inspection sont les suivants: 35 % des morgues inspectées sont construites en agglomération, 75 % des morgues privées des communes parcourues détiennent une autorisation de construction délivrée par le ministère de la Santé, 86% des morgues privées ne possèdent pas l’agrément d’installation délivré par le ministère de l’Intérieur et de la Sécurité publique, 70 % des morgues inspectées n’ont pas de Certificat de conformité environnementale et sociale (Cces). De la même manière, 60 % n’ont pas installé un extracteur d’air et ne disposent pas de caveaux d'une température de -10°C, 85 % des morgues inspectées assurent une bonne gestion des eaux usées produites, 20 % des morgues dégagent d’odeur nauséabonde et 60 % des morgues inspectées n’assurent pas une vaccination à jour du personnel de manipulation des dépouilles mortelles. Le rapport révèle également que la capacité d’accueil totale des morgues des communes visitées au moment de l’inspection est de 757 corps pendant qu’il existe 657 corps présents dans les morgues, mais avec un taux de 65 % de morgues saturées et qu’il existe 186 corps abandonnés y compris les corps sous décision de justice.