La Nation Bénin...
En
attendant le bilan officiel, au terme des trois jours de festivités marquant
les Vodun days, Daagbo Hounon Hounan II, chef suprême du Vodun Hwendo, livre
ici ses impressions.
La
Nation : Le nouveau format de la célébration de la fête des religions
traditionnelles à Ouidah vous convient sans doute, à voir votre participation
active aux manifestations…
Daagbo Hounon Hounan II : Quand on prend la tradition, c'est peut-être vous qui voyez qu'il y a de nouvelles réformes. Pour nous, il n'y a pas de nouvelles réformes. Il y a eu peut-être une réappropriation des valeurs ancestrales, patrimoniales, spirituelles, religieuses. Quand vous observez nos cérémonies, est-ce que ça prenait un jour ? Ce n’était pas un jour. Ce sont plusieurs jours. Mais est-ce que nos cérémonies se font de façon solitaire ou bien avec un grand nombre ? C'est toujours avec un grand nombre. Donc, le vivre-ensemble, nous l'avons. Et avant, ça se passait sous forme de pèlerinage. Tout le monde venait et le soir, c'est la veillée. Le lendemain, c'est la cérémonie qui commence. Donc la réjouissance. Ce que j'ai appelé la réappropriation des valeurs, c'est aujourd'hui le fait de faire comprendre à nos frères et sœurs qui sont dans l'Outre-Atlantique, les Antilles, les Caraïbes et autres que c'est leur fête aussi. Vous savez qu’ils parlent plus l’anglais. Or le nom donné à cette fête de Vodun à partir de l'édition 2024, c’est Vodun days. La traduction littérale donne les jours du Vodun. Ce qui est aussi intéressant dans la nouvelle appellation, lorsqu’on va transposer cette expression dans notre langue locale Fongbé, cela signifie que le Vodun existe. Autant ceux qui sont dans l'Outre-Atlantique se voient dedans comme partageant le Vodun ensemble, autant ceux qui sont ici se voient aussi comme partageant le Vodun ensemble, comme partageant le passé. Donc je peux vous dire que ce n’est pas un nouveau format, mais c’est le nom qui a changé et qui dit désormais « venez, ne restez plus à l'écart. Ce que les gens nous avaient fait, c’est pour séparer les frères et sœurs. Aujourd'hui, nous nous réunissons. Nous vivons ensemble ».
Il y a également un accompagnement infrastructurel. Qu’est-ce que cela apporte de nouveau à la célébration ?
Ouidah,
c'est un monument vivant. Et quand vous prenez chaque commune du Bénin, c'est
un monument vivant. Quand vous prenez chaque pays africain, ce sont des
monuments vivants. L’accompagnement infrastructurel dont vous parlez vient à
propos, mais ne change pas aux exigences. Quand on parle de Vodun, il y a un
certain nombre d'aspects qui se justifient, qui identifient notre tradition. Il
y a le couvent, des places d'animation, des places de réjouissances. Et en tant
qu'êtres humains, nous sommes chargés de travailler sur nous-mêmes, d'embellir
nos maisons, de bien faire les infrastructures. Je disais, votre propre maison,
que vous construisez aujourd'hui, comparée à l'ancienne maison ne sera jamais
pareille. Vous y mettez plus de commodités, des améliorations, de
l’embellissement et des matériaux récents. Nous sommes dans la même logique
avec le Vodun.
Tout évolue dans le temps et dans l'espace. Et si nous voulons que les gens nous considèrent, nous avons cette obligation de mieux nous présenter, de mieux présenter ce que nous sommes et ce que nous faisons. Parce que le Vodun participe au développement du pays, nous ne devons pas rester comme des gueux. Nous devons faire en sorte que les gens disent, ceux-là, tels qu'ils se présentent, ils sont bons.
Est-ce qu'il y a quelque chose qui change entre la célébration d'avant et celle d'aujourd'hui ?
Rien n'est figé. Tout évolue et s'améliore. Vous aurez pu constater qu'il y a beaucoup de gens qui assimilent actuellement la commémoration des Vodun days à l’évènement Ouidah 92, le Forum mondial des arts et cultures Vodun. C'est de montrer que nous sommes ensemble et que la culture Vodun ne se concentre pas seulement sur un seul endroit, c'est sur toute l'étendue du territoire, c'est sur toute l'étendue du continent africain. Tout évolue dans le temps et dans l'espace.
Dans cette nouvelle façon de célébrer le Vodun, est-ce que vous, en tant que dignitaire, vous conservez votre place ?
Avant de faire quelque chose, on s'organise. Et c'est dans l'organisation que nous avons voulu que ça se présente de cette manière. Parce que nous avons besoin que ça évolue, que les gens puissent se reconnaître. Ceux qui entourent le président de la République, ce sont des gens qui ont réfléchi, pour dire que nous allons révéler le Vodun au monde. Parce que pendant longtemps, on a traité le Vodun de façon péjorative. Nous avons besoin aujourd'hui d'enlever tout ce qui souille le Vodun. On a besoin de bien présenter le Vodun et celui qui a présenté la théologie du Vodun, c’est quelqu’un qui en a les moyens et les aptitudes. Il est fondé à le faire et il l’a si bien fait.
Il y a aussi cette forte main tendue aux Afro-descendants. Sans doute aussi que les ancêtres l’avaient prévue ?
Est-ce que vous connaissez l'essence même de la cérémonie du 10 janvier ? Est-ce que vous connaissez l’essence de la place multiséculaire de la Porte du Non-Retour ? C'est là où se faisaient les rituels pour dire au revoir à nos frères et sœurs partis de l'autre côté de l'Atlantique. Ils doivent revenir parce que les rituels qui se font sur les lieux depuis toujours visent aussi à leur faire appel, à faire appel à leur retour pour qu'ils reviennent à la maison. Donc, ce n'est pas une expression nouvelle pour nous. Et cette fête étant dédiée à la diaspora noire aussi, cela signifie que nos frères et sœurs là-bas doivent revenir. S'ils doivent revenir, ils doivent se sentir à l'aise chez eux. Ils doivent se sentir Béninois, Africains. J’ai plaidé cette cause au niveau du Parlement en 2016-2017. On a besoin d'eux, parce que le développement ne se fait jamais seul. La construction d'une maison, ne se fait jamais seul.
Beaucoup d'investissements et d'infrastructures au profit du Vodun. Tout cela n’est pas pour déplaire aux dignitaires que vous êtes !
La terre de prédilection du Vodun, c’est l'Afrique de l'Ouest. La zone de prédilection du Vodun, c'est le Bénin et la capitale mondiale du Vodun, c'est Ouidah. Ce n’est pas pour rien que nous nous plaisons à dire que Ouidah est la ville sainte du Vodun. Parce que, quand vous allez parcourir toutes les communes du Bénin, vous avez un ordre ou quelques catégories de Vodun. Mais si vous venez à Ouidah, vous avez tous les ordres et toutes les catégories de Vodun. Non seulement ça, vous avez toutes les ramifications des religions dites du livre. C’est aussi pour cela que nous nous plaisons à dire que Ouidah, c'est la bourse des valeurs religieuses. Mais en revenant à ce que vous aviez dit, Ouidah étant le berceau du Vodun, investir dans le Vodun, veut dire que nous sommes en train de participer activement au développement du pays. Un investissement dans le Vodun signifie que tout le monde doit vivre de façon décente et c’est aussi un investissement pour le développement.