La Nation Bénin...

Décès de Mathieu Kérékou: Impressions de quelques personnalités et des proches du général Mathieu Kérékou

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Par   Thibaud C. NAGNONHOU, A/R Ouémé-Plateau, le 15 oct. 2015 à 06h31

François Kouyami : «Je me réjouis de m'être reconcilié avec lui…»

«J’ai reçu l’information autour de 17h 15mn. Je me suis recueilli pour recommander son âme à la Divine Miséricorde. Nous ne sommes pas des gens parfaits. C’est vrai, le président Mathieu Kérékou a beaucoup souffert. Il a dû expier beaucoup de ses fautes. Ce qui lui reste c’est ça que j’ai demandé au créateur de lui faire vivre sa miséricorde. Le général Mathieu Kérékou et moi avions travaillé ensemble pendant de longues années. C’est donc à bon droit que sa disparition doit provoquer en moi un choc. Nous avons connu de très bons moments de collaboration. Nous avons traversé aussi ensemble beaucoup d’épreuves.

C’est les bons moments que je garde. Je pense que le général Mathieu Kérékou avait une affection paternelle pour moi. C’est vrai, il n’y a pas trop de différence d’âge entre nous, mais il m’estimait énormément. Malgré les contradictions, malgré les oppositions, il m’a confié de très hauts postes de responsabilité. Et j’ai appris qu’à certains moments il a eu à défendre ma cause plusieurs fois. Je lui en suis très très reconnaissant. Je le lui ai d’ailleurs dit. Nous avons repris à nous voir contrairement à ce que les gens pensent. On rigole, on évoque les vieux souvenirs. Je me réjouis que je me sois réconcilié avec lui avant qu’il ne parte.
Notre dernière rencontre remonte à l’élection présidentielle de 2011. Puis, après sa santé s’est dégradée. Il semble qu’on ne permettait plus à tout le monde d’aller le voir. J’ai respecté ce principe de la famille. Mais je prenais de ses nouvelles de temps en temps. Je lui en donnais les miennes aussi.
J’ai l’habitude de dire que le général Mathieu Kérékou est né sous une bonne étoile. Il n’est pas mauvais fondamentalement. Mais la politique est passée par là. Les contraintes politiques ont eu à jouer à certains moments. Mais je retiens de lui qu’il a été un bon chef. Si on met le positif et le négatif dans la même balance, je pense que le positif dépasse de très loin le négatif. Je pense que le peuple béninois doit lui rendre les hommages mérités. S’il avait eu la possibilité de faire tout ce qu’il avait pensé, notre pays ne serait pas aujourd’hui dans cette situation. Mais nul n’est éternel. Il a joué sa partition et il mérite aujourd’hui un bon repos éternel. Il faut que le peuple béninois lui en soit reconnaissant».

Propos recueillis par Thibaud C. NAGNONHOU, A/R Ouémé-Plateau

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Vincent Ahounou et Mathieu Kérékou, amis ici-bas et amis dans l’au-delà ?

Comme une traînée de poudre, la nouvelle du décès de l’ancien chef de l’Etat, le général Mathieu Kérékou est parvenu à Porto-Novo, la Capitale du Bénin. Certains l’ont appris de bouche à oreille, d’autres sur les ondes et d’autres encore sur les réseaux sociaux. Ce qui a surtout retenu l’attention de certaines personnes, c’est la coïncidence entre la mort du général Mathieu Kérékou et celle d’un de ses amis politiques, Vincent Ahounou, président de parti et auteur du slogan « Kékéréké », le cri de ralliement des partisans du président Mathieu Kérékou lors de son second et dernier mandat (2001-2006). Il est décédé le 28 septembre dernier à Porto-Novo dès suites d’une longue maladie, soit quelques deux semaines avant le décès du président Mathieu Kérékou qu’il a soutenu politiquement avec zèle. Les deux illustres personnalités sont parties dans la même période. Est-ce à dire que ce qui liait les deux hommes était si profond ou que c’est un simple hasard de destin que leurs disparitions se chevauchent ? Difficile de répondre.
Il faut signaler que l’inhumation de Vincent Ahounou est prévue pour le 31 octobre prochain à Porto-Novo.
Thibaud C. NAGNONHOU, A/R Ouémé-Plateau

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Mama Sika : «J’aurais souhaité qu’il soit ... »

«Effectivement, à chaud, il est difficile d’exprimer des sentiments parce que la surprise a été telle qu’on perd un peu ses sens. J’ai pendant de longues années, travaillé avec le général. J’ai été au service de la nation pour l’activité qui était la mienne, à savoir le pilotage des avions du Bénin. A ce titre, j’ai été à ses côtés pendant de longues années et après il m’a fait appel en tant que directeur de son cabinet militaire pour une longue durée pour terminer par le poste de ministre en charge de l’Intérieur dans son dernier gouvernement, poste que j’ai occupé jusqu’à la fin de son mandat. Le général est quelqu’un de très réservé qui nous dit toujours à nous qui sommes ses collaborateurs, vous avez intérêt à bien travailler parce que si vous faites mal, la nation vous demandera des comptes. Il n’était pas mû par l’appât du gain. Ce qui le préoccupait plus, c’est la satisfaction des populations, comment faire pour que le pays soit cité en exemple.
A plusieurs reprises, il m’a donné de très bons conseils par rapport aux relations humaines. Moi je dis que la nation béninoise a perdu un très grand homme, j’aurais souhaité que le général soit encore vivant surtout en cette période-ci où nous sommes entrain d’organiser les prochaines élections présidentielles. J’avais moi, la conviction qu’il devrait être d’une grande utilité, mais Dieu en a décidé autrement. Je peux dire que moi j’ai trouvé un homme assez constant dans les principes et la rigueur. Lorsque la Conférence de 1990 s’est tenue et qu’il s’est retranché avant de revenir au pouvoir, il a changé parce qu’il a eu le temps de mieux connaître le Bénin. Son espoir pour le Bénin n’a pas pu se concrétiser tel qu’il le voulait. Nous avons gardé de très bonnes relations après son départ du pouvoir et lorsque nous échangeons, c'est avec un pincement au cœur, qu'il raconte ses insatisfactions. Mathieu Kérékou a été un grand homme pas seulement pour le Bénin, mais on peut dire pour l’Afrique parce qu’il a permis de régler beaucoup de problèmes. C’est une grande perte pour tout le continent. Des présidents comme Mathieu Kérékou, je ne sais pas si on en a connu beaucoup. C’est ce que nous devrions retenir. Evidemment, les Béninois n’aiment pas apprécier les choses telles qu’elles se présentent. C’est après, quand ils sont pris au cou qu’ils commencent à apprécier. Et c’est maintenant que nous apprécierons monsieur Mathieu Kérékou parce qu’il nous a quittés et chacun de nous viendra, j’en suis sûr, dire un peu de ce qu’il sait. Il y en a qui diront la vérité, d’autres mentiront pour se faire valoriser. Il va falloir que nous choisissons, nous citoyens parce que l’homme n’est pas du genre à se vanter d’avoir fait quelque chose. C’est quelqu’un de très effacé qui aime profondément son pays et son peuple. Il aimait le Bénin en entier, non pas une partie ou une région, et cela se remarquait lorsqu’il faisait la promotion des cadres et lorsqu’on prévoyait des projets, des programmes de développement. Enfin, c’est quelqu’un qui sait aller au charbon quand il le faut».

Propos recueillis par Josué F. MEHOUENOU

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Kouessan Djagoué : «Un patron de presse fabriqué par Mathieu Kérékou »

« La mort du général Mathieu Kérékou est une grande perte pour la nation béninoise. Je suis un patron de presse fabriqué de toute pièce par le président Mathieu Kérékou. Quoique de la presse privée qui ne partageait pas forcément les mêmes idéaux révolutionnaires que lui, Mathieu Kérékou m’emmenait avec lui dans tous les voyages officiels à l’extérieur. Ce qui m’a permis de côtoyer bien de chefs d’Etat africains. MK était un homme qui s’adaptait à toutes les époques. Son seul objectif, c’était la paix et la réconciliation de tous les fils du Bénin.
Grâce au président Mathieu Kérékou, j’ai appris à faire de la politique. C’est ainsi que j’ai brigué la présidentielle en 1991 et en 2006. Alors pour me chahuter, il m’a demandé : Eh ! Djagoua (c’est comme cela qu’il m’appelait), tu veux toi aussi être président ? Et de me traiter de voyou qui peut vendre sa mère. Puis, il m’a pris en amitié et nous sommes restés amis.
Mathieu Kérékou était un homme très attaché à son marxisme léninisme dont il n’avait pas été facile de le départir. Mais il a fini par lâcher du lest à la Conférence nationale. Tant il était entouré des meilleurs cadres qui l’en ont dissuadé.
A la Conférence nationale, lorsque son ‘’farceur’’ de Mohamed Cissé avait fait plané sur les travaux l’ombre d’une certaine intervention militaire libyenne, le président Mathieu Kérékou a rassuré les participants qu’il n’y aura rien. Ce qui a permis de conduire les travaux à terme.
Que le père céleste le reçoive donc à sa droite pour le bonheur du Bénin !»

Propos recueillis par Par Edgard COUAO-ZOTTI

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Professeur Albert Tévoèdjrè : «Mathieu Kérékou part et nous laisse à réfléchir»

«Mathieu Kérékou, l’art de savoir s’adapter ; l’art de connaître qu’on peut se tromper, l’avouer et de demander pardon et permettre au changement de s’installer. C’est ce qui a été fait. Nous aurions pu être une nouvelle Guinée. Nous aurions pu être un pays de tragédie meurtrière. Cela n’a pas été le cas. Donc, quelles que soient les erreurs qu’il a pu commettre ou que les gouvernements de Kérékou ont pu connaître, il a tenté de refuser la corruption quand il a dénoncé les cadres pourris, les cadres manqués comme il a dénoncé le refus du bon sens (…) Tout ceci nous permet aujourd’hui de nous remettre en cause et de tirer des leçons. Voilà l’homme qui part et nous laisse à réfléchir. Nous devons véritablement nous mobiliser pour que les années qui viennent, nous soyons habités par le bon sens de Kérékou, sa rationalité, sa volonté de servir le pays, sa discipline (…) C’est autant de souvenirs que je garde de lui pour dire que j’ai eu beaucoup de bonheur à travailler avec lui et à promouvoir sous son régime, une notion qui m’est très chère à savoir : la nécessité de conquérir ensemble le minimum social commun… »

Propos recueillis par Thibaud NAGNONHOU, A/R Ouémé-Plateau

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François Codjo Azodogbéhou : « Je retiens deux éléments importants du général Mathieu Kérékou »

«C’est un neveu qui m’a annoncé par téléphone l’information entre 17 et 17h30. La nouvelle est poignante pour moi. Le général Mathieu Kérékou que j’ai connu, que j’ai servi pendant de longues années, n’a pas vécu en vain. Il a accompli sa mission avec succès. Je retiens deux éléments importants de cette mission. Ce n’est pas tellement le coup d’Etat ou le changement instantané d’un gouvernement, mais c’est surtout l’acte du 30 novembre 1972 où pour la première fois au niveau de l’Etat, au plus haut sommet, on a pu dire ce que personne n’ose dire jusqu’à présent ou n’osera dire même dans une campagne électorale que «…la caractéristique fondamentale et la source première de l’arriération de notre pays est la domination étrangère ». Tous les autres propos que nous entendons ce n’est que de bavardages. Si on ne part pas de cette base, il est impossible de proposer quelques programmes de développement qui donnent satisfaction au peuple béninois et à notre pays, la République du Bénin.
La deuxième chose que j’ai retenue de l’homme c’est son courage. Non seulement pour ses trois glorieuses successives (30 novembre 1972, 30 novembre 1974 et 30 novembre 1975), mais surtout le 16 janvier 1977 où l’homme est parti s’installer à l’Etat major des Armées et a dirigé la résistance à l’agression des mercenaires. Il y aurait eu la moindre faille que ce serait la débandade. Celui-là a su ce qu’il veut et ce qu’il doit faire pour son peuple qu’il a conduit dignement. Ce n’est pas pour rien qu’il a fait 18 ans au pouvoir avec la Révolution parce qu’il a compris que la Révolution doit sortir des camps. Ce n’est pas une affaire des militaires mais plutôt l’affaire des masses. Il a laissé faire la réforme de l’administration territoriale qui a conduit à l’éveil des populations. Il a conduit bien d’autres réformes qui sont au bénéfique du peuple et du pays.
Propos recueillis par Thibaud NAGNONHOU, A/R Ouémé-Plateau

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