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Faux et usage de faux dans les collèges:Un réseau de falsificateurs de bulletins de notes démantelé

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Par   Claude Urbain PLAGBETO, le 13 janv. 2015 à 07h15

Un réseau de falsificateurs de bulletins de notes et des cachets des administrations scolaires a été démantelé à Parakou. Des dizaines d’élèves mais aussi des enseignants de plusieurs lycées et collèges publics et privés sont épinglés.

Une élève qui redouble normalement la classe de première au CEG Albarika, s’inscrit cette année en terminale au lycée Mathieu Bouké avec un faux bulletin de notes venant du CEG Gogounou. Ayant eu vent de la supercherie, le proviseur du lycée appelle le directeur du CEG Gogounou qui, après vérification, souligne qu’il ne connaît l’élève ni d’Adam ni d’Eve. Le directeur du CEG Gogounou fait alors ses investigations et découvre que c’est un enseignant de son établissement qui a fait faire son cachet nominal et le cachet administratif de l’établissement pour éditer des bulletins au profit des élèves paresseux, moyennant des espèces sonnantes et trébuchantes. Et ce n’est pas un cas isolé. Au lycée Mathieu Bouké, une vingtaine d’apprenants sont épinglés et renvoyés à la maison, en attendant d’être rappelés pour répondre de leurs actes avec leurs complices devant la police judiciaire au terme de l’enquête en cours, confie le proviseur Cha-Toko Narou N’gobi. Au CEG Zongo, plus de 10 élèves fraudeurs sont également démasqués et systématiquement exclus du collège, à en croire le censeur Abdoulaye Issifou. C’est tout un réseau et c’est une synergie d’actions entre collègues enseignants au sein de Parakou qui a permis de le découvrir, signale-t-il. Etant donné que ce sont les mêmes enseignants qui interviennent dans les établissements de la place, des soupçons se sont éveillés sur certains dossiers de transfert. Des enseignants ont reconnu certains visages et ont filé l’information aux responsables d’établissements et les vérifications auprès des établissements de provenance ont permis de se rendre compte que des élèves qui n’avaient même pas la moyenne de redoublement, se sont arrangés pour trouver des bulletins de notes portant des moyennes leur permettant de passer en année supérieure avec 12 ou 13 de moyenne. C’est le cas de cet élève qui n’a même pas 7 de moyenne mais qui détient un bulletin de notes portant une moyenne de 11 et plus.

Enseignants et parents complices

Dieudonné Kiati, directeur du CEG Albarika, confirme que le phénomène est réel dans son établissement. «C’est une triste réalité à laquelle nous assistons», souligne-t-il. «Ce sont des réseaux qui sont souvent extérieurs au système éducatif. Mais à l’intérieur du système aussi, il y a parfois des gens qui détiennent par devers eux des cachets et des bulletins des établissements», informe-t-il. «Ils établissent des bulletins au profit des élèves, y inventent des notes fantaisistes, imaginent des noms de professeurs, font de fausses signatures et qu’ils vendent entre 10 000 et 40 000 francs CFA», poursuit-il. «C’est dommage que des personnes adultes censées être responsables soient impliquées dans ces dossiers, en hypothéquant l’avenir des jeunes enfants», se désole le directeur du CEG Albarika. Il en appelle à la conscience des élèves mais aussi des parents afin qu’ils aident leurs enfants à avoir une personnalité plutôt que de les pousser à la fraude.
En effet, relève le proviseur du lycée Mathieu Bouké, le plus souvent, les parents, notamment les mamans, sont complices et prennent même le devant. «Il faut que les parents comprennent que ça n’arrange en aucune façon l’enfant. Si vous habituez votre enfant à la facilité, il va souffrir et vous allez souffrir aussi. Parce que si vous voulez une vieillesse paisible, c’est qu’il faut avoir construit une bonne jeunesse, une jeunesse studieuse, travailleuse. Si on aide cette jeunesse à faire du faux, on ne lui rend aucun service. Tout ce qu’on aura semé, ça va les rattraper», analyse Cha-Toko Narou N’gobi.
Les autorités de la direction départementale en charge de l’Enseignement secondaire du Borgou-Alibori se réjouissent de la synergie d’actions ayant permis de découvrir le pot aux roses et exhortent les responsables d’établissements à maintenir le cap, à être plus vigilants et surtout à renforcer le partenariat public-privé en vue de décourager la pratique. «Le milieu éducatif a besoin d’assainissement, ce n’est pas là où il faut chercher de l’argent en poussant les enfants qui resteront plus tard pendant plusieurs années sur les bancs en cherchant à décrocher des diplômes. C’est un milieu où l’affairisme doit être banni», insiste Bernardin Gnassounou, chef service Enseignement privé à la direction départementale de l’Enseignement secondaire du Borgou-Alibori. Dans l’immédiat, les preuves seront établies et tous les établissements fautifs et les responsables impliqués dans ces manœuvres, seront dénoncés publiquement, a-t-on appris.