Tenancier de boutique au marché Houndjro, plus grand marché d’Abomey, Juste (nom d’emprunt) n’avait plus payé ses redevances et son loyer depuis plusieurs années. Aucun agent collecteur n’osait aller vers lui pour en faire la demande. L’homme, la quarantaine révolue, est reconnu comme un des meilleurs mobilisateurs d’électeurs de l’arrondissement de Hounli dont il est originaire. Et ils sont nombreux, les leaders politiques à avoir bénéficié de ses services et il ne cache nullement ses succès en la matière. Mais avec l’entrée en fonction du secrétaire exécutif de la mairie, Juste doit désormais se montrer juste envers les caisses de l’administration locale. « Grâce à mon activisme politique, le paiement des loyers à la mairie n’était pas un souci pour moi. C’était ma manière de bénéficier de l’énergie que je déploie sur le terrain politique »,
confie-t-il.
D’autres citoyens ayant loué les boutiques auprès de la mairie les ont louées à leur tour à d’autres personnes et perçoivent les loyers sans les reverser à la mairie, informe un agent de la mairie.
Les nouvelles mesures prises par Marcel Serge Loukpé, secrétaire exécutif de la mairie pour renflouer les caisses de la commune fait grincer des dents.
« Cette affaire de secrétaire exécutif ne nous arrange pas du tout car nous n’avons plus de dividendes politiques », confesse Juste. De pareils aveux sont notoires dans les rangs des relais politiques dans les différentes communes. « Les ressources se mobilisaient à la tête du client », déplore le secrétaire exécutif de la mairie d’Abomey.
Cette situation n’est pas l’apanage d’Abomey. Dans la commune de Za-Kpota, Henry Houénagnon Hountèwadan, secrétaire exécutif de la mairie, a aussi relevé des impairs nuisibles à la mobilisation des ressources propres de la commune. « Personne n’avait une idée précise du montant qui était collecté dans les marchés. Les collecteurs étaient presque livrés à eux-mêmes et reversaient à l’administration ce qu’ils voulaient, sans aucun contrôle réel », fait-il remarquer.
A Ouinhi, les carrières de sable étaient aussi de véritables nids de corruption. « Le dispositif de mobilisation de ressources manquait de fiabilité et créait des manques à gagner à la commune », fait savoir également Arouna Abdoulassidou, secrétaire exécutif de la mairie.
Changements
Selon l’article 136 de la loi n°2021-14 du 20 décembre 2021 portant code de l’administration territoriale en République du Bénin, « le secrétaire exécutif prend les mesures nécessaires pour un recouvrement optimal des recettes de la commune ». Au regard de cette disposition, les secrétaires exécutifs de mairies sont poussés à l’action pour endiguer toutes les magouilles. Pour preuve, avec les mesures prises contre les actes de prévarication des ressources, des signes annonciateurs d’une embellie financière se laissent entrevoir dans les communes. A Abomey, grâce aux actions menées par les nouvelles autorités administratives et techniques, 343 millions F Cfa de recettes ont été mobilisés en 2022 contre 328 millions F Cfa l’année précédente.
La commune de Za-Kpota est passée de 218 millions F Cfa de recettes propres en 2021 à 243 millions F Cfa en 2022. Pour l’année en cours, 83 millions F Cfa ont été déjà mobilisés rien que pour le premier trimestre sur une prévision annuelle de 320 millions F Cfa.
Autre temps, autres mœurs. Les citoyens qui faisaient preuve d’incivisme fiscal ou qui disposaient des ressources de la commune au détriment des caisses de l’administration locale n’ont d’autre choix que de se mettre au pas, afin de ne pas subir la rigueur des textes en vigueur.
A Abomey, le secrétaire exécutif a offert des facilités aux contribuables pour les inciter à s’acquitter de leurs dettes et autres obligations envers la commune. La réduction des tarifs normaux des actes fonciers, la baisse des frais des procès-verbaux de possession de propriété, la révision de la taxation de l’occupation du domaine public, la fixation d’un taux unique pour l’autorisation des manifestations sont, entre autres, des décisions prises par Marcel Serge Loukpé. Il a aussi procédé à la réinitialisation des contrats des occupants réels des boutiques de la mairie et à l’immatriculation des conducteurs de taxi-moto.
A Bohicon, Ginette Apithy, secrétaire exécutive de la mairie, a dû mettre fin aussi à des actes de détournement des deniers locaux, en dynamisant la Régie autonome de gestion des infrastructures économiques marchandes (Ragiem). La reprise du paiement des redevances par les conducteurs de taxi-moto et le recouvrement des taxes sur l’occupation du domaine public permettent d’accroitre les recettes sur les unités marchandes, en dépit des résistances notées.