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Lieutenant-Colonel Emmanuel Gbédji des Eaux, Forêts et Chasse: « Les particuliers payent 630 F par sac de charbon et 735 F par stère de bois »

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Lieutenant-Colonel Emmanuel Gbédji Lieutenant-Colonel Emmanuel Gbédji

A travers une note de service en date du 17 janvier 2025, l’administration forestière béninoise a rappelé aux populations que le transport du charbon de bois et du bois de feu à usage domestique, par les particuliers pour autoconsommation est soumis à des conditions particulières. Dans cette interview, Lieutenant-Colonel Emmanuel Gbédji, directeur technique en charge de la biomasse-énergie et de la valorisation des ressources forestières à la direction générale des Eaux, Forêts et Chasse, revient sur les motifs de cette mesure.

Par   Ariel GBAGUIDI, le 27 janv. 2025 à 06h24 Durée 3 min.
#charbon de bois #bois de feu à usage domestique

La Nation : Récemment, dans une note circulaire, l’administration des Eaux, Forêts et Chasse a rappelé aux populations que le transport du charbon de bois, du bois de feu à usage domestique par les particuliers pour l’autoconsommation est soumis à deux conditions particulières. Deux sacs pour le charbon et un stère pour le bois de feu. Qu’en est-il concrètement ?

Lcl Emmanuel Gbédji : Cette note de service est venue pour montrer à la population béninoise que d’abord, l’utilisation et l’acquisition du charbon de bois ne sont pas interdites au Bénin. Mais lorsque vous voulez acquérir ce charbon de bois et le transporter, cela doit respecter un certain nombre de dispositions réglementaires et législatives qui ont été mises en place depuis 2009 à travers l’arrêté 040 qui a été co signé par le ministre en charge de l’Environnement et celui en charge de la Décentralisation en son temps.

C’est pour montrer que lorsque vous êtes un particulier et que vous voulez transporter du charbon de bois d’une zone où on a produit le charbon vers les centres de consommation, vous n’avez droit qu’à deux sacs.

Lorsque vous prenez ces deux sacs, vous êtes astreints à payer les taxes et redevances avant de pouvoir les transporter. Il fut un temps, c’étaient de petits coupons rouges qu’on donnait pour que les gens puissent transporter ces sacs, mais aujourd’hui, avec la dématérialisation et la digitalisation, le paiement se fait désormais en ligne sur la plateforme du Trésor. Le paiement vous donne droit à une quittance qui va dans votre boîte e-mail. Après la quittance, il y a un titre de transport qui vous permet de transporter les deux sacs de charbon ou un stère de bois de feu. Donc, la note circulaire vient rappeler à tous le nombre maximal et le montant à payer par sac de charbon qui est de 630 F Cfa et pour le stère, c’est fixé à 735 F Cfa.

Cette décision concerne-t-elle les particuliers qui vont acheter leur sac de charbon chez la revendeuse d’à côté ? 

Celui qui achète son sac de charbon chez le commerçant qui est à côté, n’a pas à se conformer à la décision parce que le charbon qui est ramené par la revendeuse a déjà connu les étapes de paiement. Donc, si le charbon est déjà à l’intérieur d’une ville, qui est un centre de consommation, le consommateur simple n’est pas astreint à payer cette taxe.

Mais si vous devez amener le ou les sacs de charbon de loin comme de Sèhouè, de Bohicon ou d’un peu partout du territoire national pour Cotonou, là vous devez remplir cette formalité avant de les transporter. 

Qu’est-ce qui a motivé une telle décision en 2009 ?

Lorsque nous prenons les facteurs de dégradation de l’environnement, en plus de l’agriculture, le bois énergie est aussi un facteur de déforestation. Selon les statistiques de 2015, le taux de déforestation est aujourd’hui de 1,9 %. Il fallait alors que nous prenions les dispositions nécessaires pour réglementer l’exploitation des ressources naturelles.

Particulièrement pour le bois énergie, nous avons pris des dispositions depuis 2019, autour desquelles nous avons créé ce qu’on appelle les marchés ruraux de bois. Ce sont des centres dans lesquels vous pouvez vous rendre pour vous approvisionner en bois. De ce fait aussi, on a compris qu’il y a beaucoup de nos concitoyens, lorsqu’ils vont en mission à l’intérieur du pays, lorsqu’ils vont juste pour une petite tournée ou une fête, même les chauffeurs de taxis, lorsqu’ils reviennent de Covè, Agonlin ou toute autre ville à l’intérieur du pays, ils chargent assez de sacs de charbon. Trois, quatre, cinq, voire dix sacs.

Cela défavorise beaucoup plus les commerçants agréés qui paient les patentes et qui sont désignés pour faire ce commerce. Lorsque vous laissez les particuliers ramasser 10, 20, 30 sacs alors qu’ils ne paient pas les patentes et que les commerçants agréés en paient, cela créé une disparité.

Pour que le secteur ne disparaisse pas, il va falloir le règlementer. Ce qui a amené les autorités en son temps, à prendre cette décision. Il y avait eu trois arrêtés interministériels : l’arrêté intermédiaire 036 qui a défini les conditions de transport ; l’arrêté 040 qui a défini les modalités, les types de véhicules et l’arrêté 041 qui a défini la mise en place les marchés de bois.

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Beaucoup se demandent pourquoi l’administration a-t-elle attendu maintenant pour appliquer la décision.

Nous n’avons pas attendu 2025 pour la mise en application. Chaque année, l’administration forestière se fait le devoir de mettre en œuvre cette disposition. Lorsque vous regardez un peu la loi de finances, cette disposition de 2009 a été inscrite encore dans la loi de finances de 2018, et nous la répétons chaque année, sans changer les taxes et redevances. Donc, ces taxes et redevances que nous réclamons aujourd’hui ne sont pas nouvelles. L’Etat n’a pas introduit de nouvelles taxes liées au bois et au charbon dans la loi de finances de cette année. Ce pourquoi nous revenons sur le sujet, c’est qu’il y a beaucoup de gens qui ne connaissent pas ces textes malgré nos campagnes de sensibilisations chaque année, partout sur l’ensemble du territoire national.

L’administration douanière garde les véhicules et marchandises arraisonnés lors des patrouilles, et beaucoup de contrevenants s’en plaignent. A leur entendement, le véhicule peut être libéré et la marchandise reste à votre niveau en attendant le règlement du contentieux. 

En matière de gestion de contentieux, le corps de délit, c’est le matériel qui a servi à transporter le produit qui est prohibé ou le produit qui fait objet de contentieux. Ici, c’est beaucoup plus le matériel qui a servi à récolter le bois, c’est aussi le moyen de transport. A cela s’ajoutent les sacs de charbon qui sont les produits objet du contentieux. L’article 75 de la loi 93 portant régime des forêts, prescrit que lorsqu’un produit est appréhendé, c’est le corps de délit qui est saisi jusqu’au règlement définitif du contentieux.

Donc, nous ne sommes pas tenus de libérer un véhicule dès lors que ce véhicule a transporté un produit qui est mis sous contentieux.

Le problème qui se pose lorsque vous arrêtez des usagers en situation irrégulière, c’est que souvent ils disparaissent. Ils ne reviennent pas tôt, ils peuvent faire une à deux semaines avant de revenir pour que le PV d’infraction forestière soit établi. Pendant ce temps, le forestier ne peut rien. C’est pourquoi nous invitons les populations en situation irrégulière, à se présenter très rapidement après leur interpellation afin que le contentieux soit vite réglé.

Avez-vous un message à l’endroit des populations?

Nous voulons rassurer les populations. Ce n’est pas parce que l’administration forestière est contre les populations béninoises qu’elle a pris cette décision. Ce n’est pas que l’administration forestière ne veut pas que le charbon de bois soit consommé par les particuliers. Les mesures qui sont prises nous permettront de gérer durablement nos ressources naturelles. La deuxième des choses, ça nous permet de limiter beaucoup plus les fraudes. Donc, nous invitons les populations au respect scrupuleux de ces prescriptions.