La Nation Bénin...
La Cour suprême a effectué, ce jeudi 26 octobre, sa rentrée judiciaire au titre de l’année 2017-2018 autour du thème : « L’obligation de réserve du magistrat ». Les travaux ont été présidés par le chef de l’Etat, Patrice Talon, président du Conseil supérieur de la magistrature.
Le magistrat est astreint à certaines restrictions dans l’exercice de sa fonction. Il n’est pas n’importe quel fonctionnaire. Sa fonction lui impose une certaine obligation de réserve qu’il doit respecter pour ne pas tomber sous le coup de la loi. La problématique était au cœur des réflexions, ce jeudi 26 octobre, à la cérémonie de rentrée judiciaire au titre de l’année 2017-2018 de la Cour suprême. Chaque acteur de la famille judiciaire a donné sa lecture du thème retenu à savoir « L’obligation de réserve du magistrat ». Cette thématique a fait l’objet d’une passe d’armes intellectuelle de haut niveau entre le bâtonnier Luiz Angelo, représentant les auxiliaires de justice notamment avocats, notaires, huissiers de justice et commissaires-priseurs, le procureur général près la Cour suprême, Nicolas Assogba, le président de la Cour suprême, Ousmane Batoko et le président de la République, Patrice Talon.
Des différentes interventions, il ressort que le siège de l’obligation de réserve du magistrat se trouve dans la loi n°2001-35 portant statut de la magistrature. Et précisément dans la formule du serment qu’a prêté le magistrat à l’entrée de sa fonction : « Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de les exercer en toute impartialité dans le respect de la Constitution et des lois, de garder le secret des délibérations et des votes, de ne donner aucune consultation à titre privé, de ne prendre aucune position publique sur les questions relevant de la compétence de la Cour ou du Tribunal, et de me conduire en tout en digne et loyal magistrat ». Ce serment est prévu à l’article 9 de la loi citée supra. A l’article 12 du même texte, il est prescrit que « les fonctions du magistrat sont incompatibles avec l'exercice de toute activité politique.Toutefois, tout magistrat avant d'entreprendre des activités politiques ou d'accéder à une fonction élective ou ministérielle informe sans délai son supérieur hiérarchique. II est d’office retiré des juridictions. La non observation par le magistrat de cette prescription est passible de sanction disciplinaire ». La même loi permet plus loin aux magistrats, comme tous citoyens, de jouir de leur liberté d’expression, de croyance, d'association et de réunion. Ils sont libres de se constituer en organisation syndicale pour promouvoir leur formation professionnelle et protéger l’indépendance de la magistrature. Toutefois, dans l’exercice de ces droits, les magistrats doivent se conduire de manière à préserver « la dignité de leur charge et à sauvegarder l’impartialité et l’indépendance de la magistrature ».
Obligation de réserve et d’impartialité
Ces fondamentaux de la fonction de magistrat ont été rappelés par le bâtonnier Luiz Angelo dans ses observations et le procureur général près la Cour suprême dans ses réquisitions. Ils ont été ensuite martelés par le président de la Cour suprême. Ousmane Batoko observe que l’obligation de réserve exige du magistrat une bonne tenue en permanence, la pondération et la discrétion. Et ceci, pour donner de crédibilité à son office à travers les décisions qu’il rend. Le président de la Cour suprême déplore dès lors les dérives de certains magistrats qui foulent aux pieds ces principes sacro-saints écrits noir sur blanc dans le serment qu’ils ont prêté devant la Cour d’appel. « Certains magistrats ne se font plus discrets. Ils parlent, ils parlent de tout et ils parlent trop. Des médias et des réseaux sociaux sont devenus des prétoires pour des animateurs de la justice», fustige Ousmane Batoko. Il invite les concernés à cesser leur activisme pour revenir aux fondamentaux de la justice. Car, souligne-t-il, les manquements à l’obligation de réserve écorche l’impartialité et la neutralité du magistrat.
Les observations du président de la Cour suprême seront appuyées par le chef de l’Etat. Patrice Talon s’est fait le porte-voix des citoyens qui doutent à raison de la capacité de la justice à dire le droit et rien que le droit. Selon lui, la justice béninoise est soumise aux influences multiples dont surtout celle de l’argent. Un tel environnement judiciaire ne rassure pas les investisseurs tant nationaux qu’internationaux, relève le président du Conseil supérieur de la magistrature. Le président de la République insiste que le Bénin a besoin d’une justice de sécurité pour favoriser la réalisation du Programme d’action du Gouvernement (Pag). Ce qui nécessite, poursuit-il, que des réformes profondes soient faites pour asseoir une justice neutre, indépendante et impartiale à la hauteur des ambitions actuelles du Bénin?