La Nation Bénin...
Une analyse récente menée dans plusieurs économies non-avancées met en lumière que l’inflation influe directement sur la confiance que les citoyens accordent à leur Banque centrale. Cette relation, plus marquée dans les pays ayant adopté un ciblage d’inflation, éclaire les défis de crédibilité, de gouvernance et de transmission monétaire auxquels font face de nombreuses économies émergentes et en développement.
Si l’inflation reste un indicateur central pour évaluer l’état macroéconomique d’un pays, son impact sur la confiance envers la banque centrale demeure moins étudié dans les économies non-avancées. Or, l’efficacité de la politique monétaire dépend largement de cette confiance, un constat désormais partagé par la plupart des Banques centrales, qu’elles opèrent dans des économies développées ou dans des Pays les moins avancés. C’est ce que révèle une récente étude issue d’une revue de la Banque de France et qui met en lumière un lien jusqu’ici peu documenté.
Contrairement à la crédibilité qui est mesurable à partir d’objectifs concrets comme la stabilité des prix, la confiance relève de la dimension subjective : perception de l’action monétaire, compréhension des décisions, sensibilité à l’environnement économique, ou encore appréhension des risques. C’est cette dimension que les données d’enquêtes de la Banque mondiale permettent d’explorer pour la première fois à grande échelle dans les économies émergentes et en développement (Emde).
Les Emde présentent des caractéristiques structurelles qui justifient un examen spécifique. Selon les estimations du Fmi, l’inflation moyenne y a atteint 7,7 % en 2024, soit trois fois plus que dans les économies avancées. La dispersion est également impressionnante avec de -0,5 % à près de 700 % selon les pays, contre une fourchette bien plus réduite dans les nations développées. Les cadres de politique monétaire dans ces pays sont également plus hétérogènes. Si le ciblage d'inflation domine dans les économies avancées, seules 23 % des banques centrales d’Emde y recourent. Le change fixe, lui, reste majoritaire
(53 %), notamment dans les unions monétaires africaines.
D’autres pays préfèrent encore un ciblage de masse monétaire, une approche désormais abandonnée par les économies avancées. Cette diversité complique l’évaluation du lien entre inflation et confiance. Selon les régimes, les citoyens n'attribuent pas la même responsabilité à la Banque centrale, et les canaux par lesquels elle agit diffèrent.
Une base de données inédite
Pour surmonter le manque d’information, les auteurs de l’étude s’appuient sur les World Bank Country Surveys, une enquête menée auprès de clients et partenaires de la Banque mondiale dans 133 pays, dont 100 ont été retenus pour l’analyse. Entre 2019 et 2023, près de 37 000 individus ont été interrogés sur leur niveau de confiance en la banque centrale, noté de 1 (aucune confiance) à 10 (confiance totale). Le score médian s’établit à 7, mais les écarts sont importants. L’enquête révèle que la confiance est légèrement plus élevée dans les pays ayant un régime de change flexible ou un ciblage d’inflation, signe que ces cadres pourraient favoriser une perception plus positive de l’action monétaire. Les chercheurs ont ensuite croisé ces réponses avec les variables macroéconomiques (inflation, Pib par habitant, chômage), institutionnelles (type de régime politique, gouvernance) et individuelles (secteur d’activité, confiance envers le gouvernement) afin de dégager les déterminants structurels de cette confiance. Les résultats montrent que l’inflation réduit significativement la confiance en la banque centrale. Une hausse d’un point de pourcentage du taux d’inflation entraîne une baisse moyenne de 0,025 point du score de confiance. Cet effet devient plus marqué dans les pays pratiquant un ciblage d’inflation, où la perte de confiance atteint 0,035 point pour la même variation. Autrement dit, les citoyens jugent plus sévèrement leur banque centrale lorsque celle-ci manque son objectif explicite. L’étude met également en évidence que la confiance est plus élevée lorsque le taux de change est flexible, les individus ayant peu confiance en leur gouvernement font généralement moins confiance à la banque centrale, l’indépendance institutionnelle de la banque centrale ne suffit pas à préserver la confiance en période d’inflation élevée.
Cette analyse ouvre des pistes importantes et montre notamment que la confiance dépend moins du régime monétaire en soi que de la capacité de la banque centrale à atteindre les objectifs qu’elle annonce. Elle souligne aussi le besoin crucial de développer davantage d’enquêtes transnationales, permettant de comparer de manière systématique la perception de la banque centrale et l’inflation ressentie par les individus. Une telle démarche renforcerait la compréhension du lien entre confiance, crédibilité et efficacité de la politique monétaire. Elle rappelle que la stabilité des prix reste la pierre angulaire de la confiance du public envers la banque centrale, et donc de la réussite de toute politique monétaire durable.
Effet d’une hausse de l’inflation en moyenne annuelle sur la confiance en la banque centrale