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Tentative de coup d’État: « Rien ne peut justifier une rupture de l’ordre constitutionnel », selon Mathieu Avlessi

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Le juriste-chercheur Mathieu Avlessi Le juriste-chercheur Mathieu Avlessi

Condamnée unanimement, la tentative de coup d’État déjouée, le 7 décembre, continue de susciter analyses et lectures critiques. Entre appréciation de l’intervention régionale, état de la gouvernance et résilience institutionnelle, l’événement est passé au crible par le juriste-chercheur Mathieu Avlessi, qui y voit un test grandeur nature de la solidité démocratique du Bénin et non un signe de fragilité de la gouvernance démocratique.

 

Par   Babylas ATINKPAHOUN, le 15 déc. 2025 à 06h30 Durée 3 min.
#Affaire Tentative de coup d’Etat

La Nation : Quelle appréciation faites-vous de la tentative de coup d’État déjouée du 7 décembre ?

Mathieu Avlessi : La tentative de coup d’État du 7 décembre est un acte ignoble qui mérite une condamnation sans réserve. Rien, absolument rien, ne peut justifier une rupture de l’ordre constitutionnel, car une telle entreprise constitue toujours un recul grave pour toute nation. Le coup d’État remet en cause la souveraineté populaire, affaiblit l’État de droit et expose le pays à une instabilité durable, aux conséquences parfois irréversibles.

Comment analysez-vous l’intervention de l’armée nigériane et de la Cedeao ?

L'intervention de l'armée nigériane et de la Force en attente de la Cedeao est à mon sens une expression de la vitalité de la diplomatie béninoise, non seulement dans la sous-région mais aussi et surtout dans le monde. Si le Bénin n'était pas porté par cette organisation sous-régionale, grâce aux valeurs promues par le président Patrice Talon, depuis son avènement au pouvoir en 2016, nous n'aurions certainement pas ce soutien salvateur. C'est aussi la preuve que nous sommes observés, admirés et adulés par le monde et particulièrement la sous-région pour nos performances et réalisations et que personne, encore moins la sous-région, n'accepte qu'un coup entache la splendeur de notre pays.

Quel message cet événement envoie-t-il sur l’état de la gouvernance et des institutions démocratiques du pays ?

Parler de la qualité de la gouvernance du Bénin aujourd'hui, c'est chercher à démontrer une évidence. La gouvernance est globalement positive voir excellente quoique perfectible. Nos institutions sont des modèles ; du moment où elles sont fondées sur des réformes qui sont en marche. Tous les secteurs sont efficacement touchés par les réformes.

Cet événement envoie à nos institutions un message de persévérance. Car si les réformes étaient un tissu d'échecs, le coup aurait été un succès.

Quels pourraient être les motivations ayant conduit à cette tentative de prise de pouvoir par la force?

Pour moi, il ne s'agit pas de motivations mais plutôt d'alibis ou prétextes. Cela dit, les alibis ne peuvent qu'être malsains. On ne peut pas se permettre de vouloir mettre à genoux un pays qui a une culture démocratique telle que la nôtre. Même si le groupuscule en question avait des doléances, la discipline militaire recommande qu'il suive la voie hiérarchique pour se faire entendre. L'armée étant la maison la plus disciplinée que je connaisse. Ils ont choisi la mauvaise voie. 

Parle-t-on d’un mouvement isolé, d’un malaise latent, ou d’une contestation plus structurée ?

A mon humble avis, il s'agit d'un mouvement isolé. Autrement, on aurait assisté à un effet de boule de neige entraînant toutes les autres casernes dans ses flots. Ce qui n'est pas le cas, bien heureusement.

Quelle lecture faites-vous du récit officiel présenté par le gouvernement ?

Il s'agit d'une affaire d'État. Et je salue la transparence du récit officiel présenté par le gouvernement. Pour satisfaire au droit du peuple à l'information et dans l'optique d'une gestion courageuse de cette crise inédite, le gouvernement n'a pas fait économie de vérité. Et c'est à l'actif du chef de l'État. Sous d'autres cieux, on n'aurait pas forcément une telle lumière sur ces faits rocambolesques. Mais il faut aussi faire observer que cette communication directe du gouvernement a rassuré les populations et renforcé la confiance envers les pouvoirs publics.

En quoi cet événement pourrait-il avoir un impact sur la stabilité politique, la sécurité nationale et l’image du Bénin dans la sous-région ?

Primo, si le pays a fait échec à ce coup d'Etat en vingt-quatre heures, c'est la preuve d'un pouvoir fort et puissant. C'est la preuve que les investisseurs peuvent continuer de renforcer le système économique de développement. Deuxièmement, l'animation de la vie politique s'en ressent plus aguerrie. Les messages de soutien de tous les partis et de toutes les couches de la population en sont une preuve palpable. N'en déplaise à ceux qui peignent toujours tout en noir ! Tertio, la sécurité nationale est forcément davantage au cœur des préoccupations des instances militaires.  Par rapport à l'image du Bénin dans la sous-région, c'est une fierté que nous confère cette victoire sur les forces du mal.

Le Bénin n'a pas à rougir, je le pense et je le dis, de l'apport étranger. Qu'il vous souvienne que nos contingents ont toujours participé avec succès aux opérations de maintien de l'ordre dans beaucoup de pays... Sierra-Leone, Congo, Libéria... Donc c'est d'un retour de l'ascenseur que nous avons bénéficié. L'image du Bénin est plus polie et plus ciselée pour parler comme les poètes.

Quelles leçons tirer de cet épisode pour renforcer la résilience de l’État face aux menaces internes ?

Les leçons à tirer s'énoncent en termes de renforcement de l'unité nationale, de patriotisme accru et imperméable, de sauvegarde des acquis démocratiques. Pour un Bénin plus résilient face aux menaces internes, il faut encore plus de communication. Que les politiques de développement soient encore plus orientées vers les zones déshéritées pour une prospérité résolument partagée comme s'attelle à le faire le président Patrice Talon depuis bientôt une décennie.