La Nation Bénin...
Porto-Novo,
la capitale abrite, du 2 au 4 août prochain, la première édition du Festival
des masques. Une première en remplacement de l’ex-festival international de
Porto-Novo (Fip). L’édile Charlemagne Yankoty en parle !
La Nation : Pourquoi avoir voulu que le festival international de Porto Novo (Fip) devienne un Festival des masques ?
Charlemagne Yankoty : Tout festival fait un focus sur un genre culturel bien précis, donc le festival des masques vient pour faire le focus sur ce qui a été de tout temps le clou du Festival international de Porto Novo. Par le passé, le festival international de Porto-Novo regroupait un certain nombre d’activités à savoir des activités ludiques, des concerts, des animations de place mais le clou du festival a souvent été la déambulation des masques. Et donc, dans le nouveau format, le festival est désormais institutionnalisé. Il faut mettre les choses dans les normes et standards internationaux. Les premières réflexions ont suggéré de revoir la dénomination pour mieux coller à l’esprit de ce que nous voulons positionner et révéler. C’est ce qui a justifié ce changement de dénomination puisque à l’occasion du festival international de Porto-Novo, par le passé, l’activité la plus révélée ou même l’activité phare, c’est la parade des masques. C’est pourquoi le festival devient un festival de masques à l’instar du festival de Cannes, du festival panafricain de cinéma de Ouagadougou ou encore comme le Festival international de théâtre du Bénin… Tout festival qui respecte les standards internationaux doit faire focus sur un genre.
Le Fip se tenait au mois de janvier, mais le festival de masques se tiendra au mois d’août. Pourquoi ce décalage calendaire ?
La volonté du chef de l’État, c’est de faire du Bénin un pays véritablement touristique. Nous le savons tous, le 10 janvier pour nous est une référence. Le festival international de Porto-Novo avait été conçu pour se tenir dans la période du 10 janvier parce qu’un pan du festival portait sur le sacré. Nous organisions le Fip à l’occasion de la fête des religions traditionnelles parce qu’il porte en partie sur les masques sacrés qui ont un caractère endogène. C’était toujours dans la fièvre de la fête des religions endogènes que l'on organisait le festival. Aujourd’hui avec tous les investissements structurants du chef de l’État dans le secteur de la culture, il y a lieu de voir comment répartir les grands évènements culturels au niveau de notre pays afin d’étaler l’afflux touristique sur le pays. La fête des religions endogènes se tient habituellement à Ouidah le 10 janvier parce que c'est institutionnalisé depuis les années 92-93 pour se tenir à Ouidah. Cette fête qui a déjà une certaine ampleur au niveau international se déroule dans le même temps que Porto-Novo organise son festival International. C’est comme un gâchis et je peux vous faire la confidence que c’est souvent difficile pour les délégations ministérielles de quitter Ouidah pour venir à Porto-Novo. La parade des masques se faisait chez nous le 10 janvier. C’était donc difficile à gérer et cela nous a obligé dans un premier temps à décaler la parade des masques de la date du 10 janvier.
Donc
vous vous êtes vus contraints de réaménager les agendas !
Le chef de l’État dans sa réflexion, a estimé qu’avec les Vodun days qui focalisent l’attention sur le 10 janvier à Ouidah, il était important que le festival soit positionné pendant une période de vacances puisque nous avons les vacances estivales dans la période du mois d’août. Donc c’est un moment idéal pour mobiliser davantage de personnes et vous savez, cela coïncide également avec la période de certaines cérémonies rituelles. Voilà donc ce qui justifie ce décalage, c’est pour permettre au moins que nous ayons la possibilité d’accueillir plusieurs évènements au plan culturel dans l’année.
Qu’est-ce
qui change fondamentalement du Fip au Festival de masques ?
Il faut reconnaitre qu’en dehors de la professionnalisation du festival, rien n’a fondamentalement changé. Le fond est resté puisque le festival des masques est une forme améliorée du Fip. Il faut simplement reconnaître qu’il y a eu des améliorations au plan professionnel et au plan technique pour respecter les normes et hisser les festivals sur les standards internationaux.
Qu’espère gagner la municipalité de Porto-Novo à travers ce festival ?
Tout festival a d’abord pour objectif de dynamiser un territoire, donc Porto-Novo espère une dynamisation de son territoire. Ce que nous gagnons, c’est la visibilité qu’aura désormais Porto-Novo sur le plan international. Quand on parle du festival de Cannes par exemple, beaucoup ne connaissent pas Cannes, mais savent qu’il s’y tient un festival de cinéma. Le Fip positionnait Porto-Novo au plan international, mais avec l’institutionnalisation, cela donnera encore plus de visibilité à la ville avec l’afflux des touristes. Ce sont des devises pour le pays mais aussi pour notre ville. Donc nous avons beaucoup à gagner. Mais en même temps, il faut reconnaitre que cela permettra de développer davantage nos circuits touristiques, de les mettre en exergue et de les valoriser. Donc la ville a tout à gagner, le pays a tout à y gagner aussi.
Porto-Novo aurait pu choisir un autre élément du patrimoine culturel au lieu des masques choisis?
Nous n’avons pas choisi les masques au hasard. Quand on observe l’ensemble des activités autour du Fip, c’est la déambulation des masques qui était l’évènement phare et dans les masques, nous avons les masques sacrés et les masques profanes.
Il
faut reconnaître que certains n’acceptent pas l’appellation masques par exemple
pour le Zangbeto et les Egungun. C’est un long débat et même avec les acteurs,
nous sommes tombés d’accord qu’après tout, ce sont des divinités, mais des
divinités masquées au même titre que le Guèlèdè, donc c’est une appellation qui
ne devrait pas poser problème. On doit s’entendre sur le fait que nous avons
deux types de masques. Aujourd’hui, il faut dire que le Bénin se positionne par
rapport à des valeurs endogènes qui tirent leur source des masques. Pour le
reste, ce sont les jeux, les concerts et d’autres activités ludiques qui ne
manquent pas non plus d’attractivité.
Pouvons-nous avoir plus de précisions sur les masques au cœur du festival ?
Nous recevrons des masques sacrés que nous connaissons plus ou moins déjà. Certains masques nous viendront du nord du pays parce que le festival n’a pas vocation à se concentrer sur les masques du Sud. Mais à côté de tous ces masques nationaux, nous avons des masques qui vont venir de la sous-région. Nous avons un masque sacré qui nous vient de la Côte d’Ivoire et nous avons le masque d’Edougou au Burkina Faso.
Qu’est-ce qu’un festival comme celui-ci pourrait apporter au développement de la ville ?
En
termes de développement, Porto-Novo a à gagner, le Bénin a aussi à gagner. Nous
devons noter un changement à maints égards. Avec notre festival qui prend une
nouvelle étoffe avec une large ouverture au plan international, nous devons
commencer par travailler sur le changement de comportement aussi bien au niveau
social qu’environnemental et autres. Il y a beaucoup d’actions et d’engagements
pour induire des changements. Des hôtels et des restaurants sont sélectionnés
parce que le festival rime avec des actions à tous ces niveaux. Tout cet
écosystème est appelé à des changements pour accompagner le développement de la
ville parce que désormais, on amène ces hôtels et restaurants à se conformer à
certains standards et normes, à travailler de manière à être plus
professionnels et tout cela impacte la ville et son développement. Au niveau de
l’économie locale, la ville a à gagner et se positionne en termes de visibilité
à l’international, donc cela nous permettra dans certains projets d’avoir des
facilités pour lever des fonds parce que nous avons une particularité qui
pourrait être un atout dans des financements futurs à lever.
En
quoi Porto-Novo représente-t-elle une destination touristique prisée ?
Il y a toujours quelque chose qui attire dans cette ville. Pour qui connait Porto-Novo, c’est une ville qui capte facilement l’attention. Quand nous prenons l’architecture des maisons afro-brésiliennes, Porto-Novo est la seule ville aujourd’hui dans la région où on peut dénombrer autant de constructions de type brésilien. Notre objectif, c'est de travailler pour la conservation de cet héritage. Porto-Novo, c’est aussi la grande mosquée de la ville qui a une architecture particulière et vous savez tous que c’est une architecture qui ressemble à une église au niveau de Salvador de Bahia au Brésil, parce que ceux qui l'ont construite sont des descendants d'esclaves revenus de Brésil. Nous avons les places que nous avons rénovées. Nous avons pas mal de choses au niveau de la ville comme par exemple la promenade lagunaire réalisée à grands frais et pas mal de choses qui quand même captent l’attention des touristes. A ces éléments qui retiennent l’attention, il faut ajouter l’hospitalité légendaire qui caractérise Porto-Novo. Je peux déjà vous rassurer de ce que notre ville a beaucoup d’atouts, de potentialités sans compter aujourd’hui les différents musées qui sont en pleine rénovation pour certains et en pleine construction pour d’autres.
Parlez-nous un peu de ces infrastructures !
Je peux vous citer par exemple le musée international Vodun qui une fois terminé, va faire l’objet de curiosité. Ça va attirer beaucoup de touristes. Nous avons le musée Honmè, le musée Adandé qui sont en pleine rénovation. Nous avons l’arène culturelle qui va accueillir de très grands évènements et la statue du roi Toffa qui serait la deuxième, ou la troisième statue la plus haute de notre pays. C’est un symbole fort avec tout l’aménagement qui va avec. Avec les places comme Dangbéklounon et autres que nous continuons de rénover sans oublier la randonnée lagunaire qui part de la lagune jusqu’à la rivière noire à Adjarra. Nous avons pas mal de choses que je ne peux pas citer ici. Porto-Novo est une ville qui invite à la découverte et qui ne demande qu’à être visitée.
Est-ce qu’on peut avoir une idée des réalisations majeures du gouvernement au profit de la ville ?
La
ville de Porto-Novo bénéficie de beaucoup d’investissements structurants de la
part du gouvernement. Nous avons les infrastructures routières en premier
lieu. Aujourd’hui, Porto Novo a
complètement changé de visage. Je pense que la deuxième phase du projet
Asphaltage nous permettra de bénéficier davantage d'infrastructures routières.
La ville a par exemple bénéficié de la construction des marchés. Il y a le
marché Ahouangbo qui est presque terminé et qui sera certainement ouvert dans
les jours à venir. Nous avons le marché Ouando dont les travaux sont toujours
en cours. Nous avons l’arène culturelle qui va prendre désormais l’emplacement
de l’ancienne Assemblée nationale démolie. Autres chantiers, l’aménagement de
la place Toffa avec la nouvelle statue du roi Toffa qui est déjà posée. Nous
avons également la construction de l’Assemblée nationale, où les travaux dits
de Gros sont déjà terminés. Nous avons la cité administrative pour le
département, une nouvelle préfecture aussi. Nous avons l’appui consistant du
gouvernement dans le cadre de la construction de notre hôtel de ville qui est
quand même un projet majeur. Voilà un peu pour ce qui concerne les
infrastructures. Il y a le renforcement de l’éclairage public au niveau de la
ville, le renforcement du réseau d’eau… Il y a pas mal de choses dont la ville
bénéficie directement de façon tangible, sans oublier tout ce qui n’est pas
tangible et qui a été réalisé au plan numérique et qui permet d’offrir des
services publics dans la plus grande facilité aux usagers. Je pense que
Porto-Novo est mieux placée aujourd’hui pour parler de tout ce que le
gouvernement fait. La ville est témoin de toute cette métamorphose que nous
observons au niveau de notre pays.
Quel a été l’appui du gouvernement pour l’organisation de ce festival ?
Le ministère a été la cheville ouvrière de l’organisation du festival. C’est l’instance qui coordonne avec les agences et autres structures et bras techniques toute la programmation et la mise en œuvre.
La ville de Porto-Novo a-t-elle des chances de se garantir un développement intégral avec des évènements d’envergure comme le festival des masques?
Les villes se particularisent par quelque chose et Porto-Novo a la chance de se particulariser par ce festival. Sinon on aurait été une capitale, une ville qui n’inspire en rien. Aujourd’hui, on peut se targuer de ce que nous avons su nous positionner sur les masques à Porto Novo. Ce n’est pas pour autant dire que les masques sont spécifiques à la ville. Mais elle s’est vite positionnée. C’est la même chose pour le Bénin quand on parle du berceau du Vodun. Le Bénin n’en a pas plus que d’autres pays, mais il s’est vite positionné. Aujourd’hui, c’est déjà heureux que le Bénin se distingue par cet atout qui est le Vodun. C’est la même chose qui nous caractérise. Je pense que cela induit indubitablement des retours en termes de développement. Aujourd’hui, c’est plus facile pour les Afro-descendants de s’orienter vers le Bénin s’ils sont à la quête de l’identité. Aujourd’hui, la ville de Porto-Novo, en se positionnant par rapport aux masques, attire toute l’attention sur elle. C’est un atout pour la ville et tant qu’il en sera ainsi, cela va attirer des touristes et des curieux vers la ville. J’ai manqué de parler du navire de guerre britannique qui a échoué au niveau de la lagune de Porto-Novo comme un autre élément à découvrir par exemple.
Un message aux visiteurs sur le festival ?
Je voudrais rassurer tout le monde. Les discussions sont en cours pour que nous ayons un très bon festival dans la sécurité et dans la joie. J’invite par la même occasion toute la population de Porto Novo, tous les Béninois à faire massivement le déplacement sur les sites retenus dans le cadre du festival des masques pour que vraiment, le festival soit une réussite.