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Exposition à l’espace ‘’Le Centre’’: Sènami Donoumassou entre plusieurs dimensions artistiques

Culture
Par   Isidore Alexis GOZO (gozoalexis6@gmail.com), le 19 juil. 2022 à 15h56
  « Xogbé », l’exposition de la jeune artiste Senami Donoumassou à l’espace culturel « Le Centre » de Lobozounkpa se résume à deux installations sur la thématique des mémoires des langues, une série sur les panégyriques, une autre sur la littérature du Fâ et son allégorie, un moment de partage du conte. C’est aussi un temps de vénération et de prière aux ancêtres. « Xogbé » présente d’abord le Fâ, art divinatoire, à travers ses « Gbessissa ». Ses paroles prennent une place de choix dans le travail en trois temps que présente depuis quelques semaines à l’espace culturel « Le Centre » de Lobozounkpa, l’artiste Sènami Donoumassou. Elle y consacre dix tablettes que les initiés ont vite fait d’identifier aux différents signes de cette sagesse ancestrale qui traverse siècles et générations. Pourquoi la jeune plasticienne s’incruste-t-elle dans l’art divinatoire au point d’y consacrer une part importante de son œuvre ? Sènami est d’abord et avant tout passionnée par le patrimoine. Elle y consacre temps, recherches et énergie. Pour en arriver à « Xogbé », elle a travaillé pendant plusieurs mois. L’espace-hôte de son exposition l’a même accueillie en résidence, confesse la patronne des lieux, Marion Hamard. Elle y a trouvé soutien et expertise, ce qui lui a permis de peaufiner son projet et de le surdimensionner. Ce pan de l’exposition, comme on pouvait s’y attendre, convient bien aux initiés du Fâ qui y défilent à longueur de journée pour se mirer et se baigner dans les paroles et signes ainsi projetés par l’artiste. Questionnement Sur cette exposition, la tradition s’impose comme pièce maîtresse. La langue est mise à travers une série de dessins qui symbolisent dictions, personnages royaux, dictons, proverbes… Cette exposition est aussi « un questionnement sur nos langues », explique l’artiste. « J’ai interrogé la mémoire de nos langues. En tant qu’identité et héritage de la culture et de la mémoire, la langue représente beaucoup », enchaîne-t-elle. Ce qui fascine chez cette jeune artiste, et le visiteur Akim Faladé le souligne si bien, c’est ce pouvoir qu’elle a de « matérialiser des choses immatérielles avec une beauté typiquement africaine ». Sènami embraye ensuite sur les panégyriques, une autre puissance du verbe, de la parole et de la langue qui, fort heureusement, continue de faire son effet dans certaines familles. Les panégyriques sont aussi Xogbé, même si en l’espèce l’artiste a choisi de faire la part belle à la langue Fongbé. Ce pouvoir qu’elle donne à la langue et au patrimoine, elle le symbolise sur « Xogbé » avec le conte. Héritage en perte de puissance dont elle appelle à la valorisation pour que l’histoire, les us et coutumes continuent de se transmettre à travers les générations. En réalité, la portion qu’elle concède au conte n’est qu’une passerelle pour aboutir à la vénération des ancêtres. Ces morts qui, en réalité, ne sont jamais morts et dont la présence se matérialise à travers les autels portatifs. La plasticienne y a consacré son installation pour cette exposition. Et comme la mort ne distingue pas de religions, elle associe à son installation des extraits sonores qui renvoient à plusieurs religions. Elle évoque ici le « Dègbé », prières et hommages à ceux qui ne sont plus du monde visible. « Elle est une vraie artiste. Son travail reflète la culture béninoise et sa culture à elle. Notre vision et notre avenir transparaissent à travers cette exposition », apprécie Charly Djikou, lui aussi artiste et sculpteur. Sènami assure pour sa part qu’elle s’est donné pour mission d’amener les gens à se questionner et leur faire toucher les réponses à travers ses œuvres. « Je renvoie chacun à la mémoire des langues à travers mes œuvres. Une œuvre doit toucher le visiteur », fait-elle savoir. Pour le ministre en charge des Arts, visiteur de l’exposition dès le premier jour, Sènami « interpelle et interroge pour transmettre cette richesse qui a tendance à se perdre aux jeunes générations ». Artiste engagée, elle l’est aussi, reconnaît-il, ajoutant qu’elle a un message fort qu’elle passe à travers son talent et son génie.