Exposition collective « Kan xóxó nù » : Emotion autour des arts visuels d’hier et d’aujourd’hui
Culture
Par
Ariel GBAGUIDI, le 25 mars 2022
à
11h26
Les portes de la salle d’exposition du Centre de Lobozounkpa viennent de se refermer sur une exposition collective d’artistes de plusieurs générations. Une fusion d’arts ancien et nouveau pour mettre bout à bout, l’ancienne et la nouvelle corde.
« Kan xóxó nù » donne à voir photographies, installations, vidéos et sculptures… Un mélange d’arts moderne et ancien. Les deux générations s’entremêlent au fil des travaux présentés par les artistes du 21 janvier au 20 mars dernier. Pour les visiteurs, ce temps de découverte ne laisse pas indifférent. Cette exposition collective est un clin d’œil à la force des traditions qui tutoient la création contemporaine. D’une œuvre à une autre, le visiteur se laisse emporter par différentes émotions. Il peut voyager dans le temps et se laisser bercer dans cet univers.
Derrière les casques de conducteurs de motos transformés en masques Guèlèdè, Uche James Iroha questionne une problématique majeure de la société béninoise. Il scrute les rêves inachevés de ces milliers de zémidjan, de ces centaines de jeunes qui ont dû renoncer à leurs rêves pour s’en bâtir de nouveaux. Son travail oscille entre son histoire personnelle et le questionnement sur plusieurs notions dont la tradition et la modernité.
Les flippants clichés de Catherine de Clippel renvoient à des photographies d’adeptes prises en 1988 puis en 2019. Sans que la photographe et réalisatrice n’ait fait aucun effort singulier de dissimulation, il est difficile pour le visiteur de discerner les périodes de prise. Catherine sublime les adeptes Vodoun à l’occasion de leurs pratiques par des clichés blanc noir avec autant d’énergie et de vie que le milieu en regorge. Milieu dont elle s’est entichée et dont elle révèle à l’occasion les émotions. « Ces images vous parlent même à distance », commente un visiteur. Des clichés saisissants, le jeune photographe d’art Audace Aziakou en propose aussi dans le cadre de cette exposition. Ce passionné de création et de reportage pose son objectif sur le vestimentaire des Egoungoun (revenants). L’artiste a travaillé à révéler les détails et l’esthétique de ces tenues mystiques dont il se dit mille et une choses. Le costume des Egungun intéresse aussi Sébastien Boko qui y a consacré son œuvre « l’habitat de l’invisible ».
La passerelle entre arts d’hier et d’aujourd’hui transparait davantage sur les tapisseries de Sarah Trouche. « Feminist tapistery » est une œuvre de sa collection « Didé » qui signifie ‘’lève-toi’’ en langue Yorouba. Lors d’une résidence de création dans le centre-hôte de l’exposition, l’artiste s’est fait une plus belle idée de la femme contemporaine en associant à son art de jeunes enfants qui devraient reproduire l’image de leurs mères et des femmes du milieu. Le visiteur de l’exposition se remet-il à peine de l’émotion suscitée par cette toile qu’il doit, en tournant la tête, en contempler une autre, produit de l’atelier Yemadjè et fruit de l’ingéniosité ancestrale. Art ancestral du Xvie siècle, cette toile appliquée servait à représenter le pouvoir du roi et pouvait être offerte en cadeau aux autres souverains. Secret des palais royaux d’Abomey conservé avec harmonie, elle sert également à conter l’histoire, celle de la traite ou des conquêtes royales. Elle donne à voyager dans le temps. Cette exposition à laquelle ont également participé d’autres artistes comme Asquith Cortex, Yvon Ngassam, Éric Bottero, Nazanin Pouyandeh… présente essentiellement mais non exclusivement, des œuvres issues de la collection du centre de Lobozounkpa.