La Nation Bénin...
La Biennale Ouidah, arts et cultures vodun est
un rendez-vous artistique et culturel où les frontières s’estompent, connectant
des villes et des cultures différentes pour créer un véritable laboratoire où
l’art contemporain s’épanouit dans la diversité des expressions artistiques.
Noëllie Houngnihin, directrice exécutive de Laboratorio arts contemporains,
évoque l’essentiel à retenir de l’édition 2024 de l’évènement, ainsi que les
innovations apportées.
La Nation : Laboratorio arts contemporains
réédite cette année la Biennale Ouidah arts et cultures Vodun. Quelle en est la
teneur ?
Noëllie Houngnihin : La perception qu’on avait
du Vodun en 2022 n’est plus la même. Nous espérons que la posture des Béninois
et la perception qu’ils ont des arts et cultures vodun vont évoluer au fur et à
mesure qu’on réhabilite le Vodun en tant que ciment sociétal mais également en
tant que muse. Le Vodun est une source d’intégration pour des milliers
d’artistes dans le monde et pas seulement des artistes du Bénin, de Haïti, de
Cuba… qui sont des territoires traditionnels du Vodun. Par exemple en 2022 à la
Biennale, nous avons reçu un groupe d’artistes français dont le nom est «
Bonbon Vodun » et cette année, nous recevons la Suisse parce que pour nous le
Vodun est une façon très particulière de voir le monde et d’interagir avec le
monde et la nature qui nous porte. Et pour les peuples du monde qui sont dans
ce respect dans cette distanciation respectueuse avec la terre, avec les
humains, avec les éléments, nous disons bienvenue dans notre république du
Vodun.
Quelles sont les innovations de cette
édition ?
La principale innovation de cette édition 2024,
c’est déjà la Suisse comme pays invité. C’est vrai qu’il y a eu beaucoup
d’interrogations de la part de nos partenaires et de l’équipe scientifique de
la Biennale Ouidah arts et cultures Vodun sur ce choix. Mais vous savez que
Laboratorio connait très bien la Suisse, connait très bien les secrets suisses,
connait très bien la vie des communautés dans les campagnes suisses et les
efforts faits pour préserver ce qui définit l’identité même de la Suisse et en
cela, nous opérons une rencontre avec le Vodun à travers la photographie, les
arts vivants, le cinéma et c’est en cela que le Vodun, petit à petit et de plus
en plus, va vraiment récupérer sa place de culture et de civilisation
universelle.
A quoi s’attendre en termes de formats
collaboratifs ?
Il faut s’attendre à trois différents formats
collaboratifs. Nous avons les résidences en immersion qui vont s’opérer une
fois par mois à partir de maintenant jusqu’en août 2024. Un ou des artistes
suisses seront invités par Laboratorio arts Contemporains et ses partenaires
pour opérer une résidence en immersion. Ce sont des formats de résidence très
organiques. On ne vous demande pas d’objectifs au départ et on ne vous demande
pas forcément de résultats à l’arrivée si ce n’est de rencontrer l’autre et de
le respecter dans sa diversité et dans ce qui le définit en tant qu’individu.
Nous avons commencé déjà au mois de janvier avec Roger Chappellu,
artiste-photographe. Tous les mois, nous recevrons d’autres artistes et nous
allons ainsi enchaîner jusqu’en juillet 2024 où chacun des artistes
bénéficiaires de ces bourses de résidence va proposer des travaux en
collaboration avec les différents artistes du Bénin qu’ils ont rencontrés et
ces travaux seront montrés au public au cours de la biennale, du 2 au 16 août.
L’autre innovation, c’est qu’en 2022, nous
avions fait une escale sur la terre. Cette année, on fait une escale dans
l’eau, dans la mer pour interroger cet élément, son organicité, sa capacité à
s’adapter à différents contenants… On interroge aussi le lien que crée l’eau.
Vous savez que les cinq continents sont reliés par l’eau. L’homme est constitué
à plus de 70 % d’eau. Que faisons-nous de ces informations et quel est notre
rapport à cet élément Eau ? La troisième innovation, ce sont les deux journées
d’étude scientifique consacrées à la cuisine avec comme thématique, « la
cuisine des déités et des hommes, entre interdits et valeurs ». Nous aurons à
nous interroger sur comment nous mangeons. Que mangeons-nous. Que dit la façon
et ce que nous mangeons de notre rapport à la nature ? Ce sont autant de
thématiques que nous allons déployer et développer à travers cette nouvelle
cartographie du Vodun qui voyage un peu partout dans le monde.
Qu’en est-il du format cultuel de la Biennale ?
Le format cultuel de la Biennale n’est
absolument pas du ressort de Laboratorio arts contemporains. Sa majesté Dada
Daagbo Hounon Hounan II est la personnalité la mieux indiquée pour se prononcer
sur ce pan, sur les innovations de la programmation cultuelle. La Biennale est
un projet en partenariat entre une institution culturelle avec quinze ans
d’expérience qui a déployé des projets d’envergure internationale dans divers
pays et une communauté Vodun qui a l’expérience d’une tradition de millénaire.
Quel niveau de prétention voudriez-vous que nous en tant qu’opérateurs
culturels, nous interpellions les communautés Vodun qui font çà naturellement
depuis des millénaires? Nous
accompagnons par la structuration, la mise en commun de deux mondes. Nous
apportons notre savoir-faire en tant qu’opérateurs culturels. Nous sommes dans
un dialogue où nous respectons les communautés pour leur savoir-faire, leur
technologie et leur base de données. C’est cela notre approche. Nous ne venons
pas avec nos prétentions pensant expliquer aux gardiens de nos traditions le
Vodun qui est une tradition multiséculaire. C’est une erreur fondamentale et un
manque de respect de penser que nous pouvons apprendre aux gardiens de la
tradition comment conduire le pan cultuel d’un évènement comme celui-ci. Ne
pensez pas qu’on peut apprendre aux communautés comment faire les choses
cultuelles. C’est plutôt notre tradition qui définit notre identité.