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Peintures de Claudine Dan: Des chefs-d’œuvre inspirés de la géométrie

Culture
Par   COMLAN ERIC, le 16 août 2022 à 11h28
A première vue, l’on se pose mille et une questions sur les créations de Claudine Dan, artiste peintre béninoise vivant en France. Mais en réalité, ses œuvres renvoient souvent à des notions mathématiques connues. Des vicissitudes de la vie peintes sur toiles dans un langage mathématique qui rappelle les figures géométriques apprises à l’école. Ces œuvres d’art sont la particularité d’une artiste peintre : Claudine Dan, Béninoise vivant en France. Professeure de mathématiques de profession, elle réalise souvent ses œuvres en utilisant des formes géométriques de sa matière d’enseignement, sauf qu’ici, elle ne les dessine pas. « Il y a des œuvres que j’ai peintes la nuit en observant les étoiles. Sur l’une de ces œuvres, vous verrez des points qui sont en réalité les projections des étoiles sur la terre. Chaque étoile projetée représente un être humain. Autrement dit, chacun de nous représente une étoile projetée sur terre. Là, vous avez la projection qui est une notion mathématique (rires) », illustre l’artiste. En plus des projections orthogonales, Claudine Dan fait recours à d’autres notions telles que la symétrie centrale axiale et l’angle. Cette part de maths revient de façon naturelle et spontanée dans l’aboutissement de ses œuvres: c’est la fractale, une répétition d’une forme à l’infini. « Cette notion m’habite», assure l’artiste. Plusieurs de ses tableaux à l’image de « Feu d’artifice » et « Sérénité » sont actuellement en exposition à Ouidah. Dans ses œuvres en général, la professeure de mathématiques aborde les thématiques liées, entre autres, « à nos parcours ou cycles de vie ». « Je les aborde parce que je me suis rendu compte que chacun de nous naît à un endroit, certains y restent et d’autres partent. Il y en a qui reviennent et d’autres partent sans jamais revenir. J’ai observé que ce cycle est récurrent et incontournable », explique-t-elle. Claudine Dan vient à Cotonou deux fois par an pour enseigner son art aux enfants. Au palais de la Marina, par exemple, les toiles de l’espace d’animation artistique de l’exposition diptyque ont été peintes par les apprenants de l’école inclusive de Louho (Porto-Novo) sous sa supervision. Ces tableaux montrent aussi la fractale. Une façon pour elle de transmettre les notions de géométrie aux apprenants. Reconversion Elle n’était pas une praticienne d’arts plastiques. L’histoire de Claudine Dan avec la peinture a commencé sur le chemin des mathématiques. Ne pouvant plus enseigner en raison de son état de santé, elle a décidé, parallèlement aux soins médicaux, d’écrire les mathématiques en bande dessinée en plusieurs tomes pour laisser aux apprenants « le fruit de son parcours ». Ce projet qui implique des compétences en dessin l’a conduite aux beaux-arts à Besançon. « Donc, ce qui m’a amenée dans l’art, ce n’était pas de peindre des tableaux ou de faire les ateliers peintures que je fais maintenant», relève-t-elle. L’envie d’exprimer ce qu’elle ressent au plus profond d’elle-même sur une toile est née suite aux cours qu’elle a suivis à Besançon notamment sur le modèle vivant. Celui-ci consiste à faire le dessin portrait de personnes qui posent toutes nues durant deux heures. Mais sa liberté de créer dont elle parle va au-delà du modèle vivant, car cela ne nécessite ni une pose ni un objet à reproduire. C’est donc à ce niveau de création que Claudine Dan dit s’être retrouvée en fin de compte. Elle peint sur tout objet mais beaucoup plus sur toile. De l’ombre à la lumière La carrière de Claudine Dan a vraiment décollé en février 2018 quand elle a exposé ses œuvres à l’ambassade du Bénin à Paris. Elle souligne que c’était grâce à l’un de ses compatriotes qui l’a repérée sur les réseaux sociaux et introduite auprès du chef de la représentation diplomatique du Bénin en France. C’était aussi, raconte-t-elle, la première fois depuis sa création que l’ambassade abritait une exposition du genre. L’événement était dénommé ‘‘ Retour à la source ’’, et Claudine Dan rappelle avoir exposé une cinquantaine d’œuvres. « Il y a avait tout le corps diplomatique du Bénin, des membres de l’Unesco, des ambassadeurs, des Béninois de la diaspora et plusieurs autres invités. Ce fut un très grand événement. Et c’est là qu’a décollé vraiment mon activité artistique sur la partie retour vers mon pays natal et d’origine, le Bénin », raconte-t-elle. La professeure de mathématiques a ensuite exposé à l’Unesco à Paris où elle a représenté le Bénin à la Semaine africaine. Elle a aussi exposé dans plusieurs autres lieux en France dont notamment à Bnp, Le Crédit lyonnais, Galeries Lafayette, dans des maisons de retraite, des hôpitaux, etc. Le succès de ses œuvres en France notamment auprès de ses compatriotes lui a donné la force de revenir au Bénin pour mieux se faire connaître. Ses peintures peuvent être accueillies par tout type de public et à tout endroit. « J’ai mes œuvres à la Basilique de Ouidah, à la Grotte mariale à Dassa, au diocèse de Besançon, etc. J’ai des œuvres que j’ai installées dans des églises à la demande des prêtres exorcistes… », détaille Claudine Dan. Au-delà de la France et de l’Europe, ses créations sont aussi sollicitées dans les Amériques. Sa passion pour l’enseignement, héritée de son grand-père et de sa mère, la pousse régulièrement à enseigner son savoir-faire artistique aux enfants à travers des ateliers peintures organisés dans plusieurs écoles et d’autres lieux aussi bien en France qu’au Bénin. « Les œuvres que nous créons lors des ateliers peintures, explique-t-elle, restent dans les écoles pour permettre aux enfants de continuer à apprécier leurs créations, de s’habituer à l’art. Cela peut également sensibiliser d’autres enfants…». Pour l’avenir, Claudine Dan souhaite, entre autres, poursuivre sur cette même lancée, c’est-à-dire enseigner la peinture aux enfants. Qui est-elle ? Prodige des mathématiques, Claudine Dan est née à Cotonou et y a fait ses études primaires notamment à l’Ecole primaire publique Sikè Sud. Sa mère en était d’ailleurs la directrice. Elle fit ses études secondaires au Collège d’enseignement général Gbégamey dans les années 80. Après un Baccalauréat C (autrefois appelé Sciences et techniques - ST) en 1987, elle s’inscrit dans la filière mathématiques et physiques (Mp) à l’Université nationale du Bénin (Unb), actuelle Université d’Abomey-Calavi (Uac). Les grèves perlées sur le campus lui ont fait perdre deux années universitaires. Elle décide alors d’aller en Côte d’Ivoire poursuivre ses études dans la même filière. Mais c’était comme si le spectre des grèves la suivait toujours. Elle perd, cette fois-ci, trois ans à l’Université de Cocody. « A un moment donné, j’avais fait une double inscription en Mp à l’Unb et en Mp à Cocody. Quand il y avait des grèves au Bénin, je pars à Abidjan pour rattraper les cours et quand il y avait des grèves à Abidjan, je revenais au Bénin. Je me suis retrouvée en 2e année, après cinq années blanches dans mon cursus universitaire», confie-t-elle. Mais le ciel finira par s’éclaircir quand elle décida d’aller poursuivre ses études en France. Elle s’inscrit à l’Université Paris 7, en 1992, où elle décrocha sa maîtrise en Mp quelques années plus tard. Claudine Dan est ensuite entrée dans l’enseignement public français pour dispenser les cours de mathématiques. Elle a enseigné pendant 20 ans. Parallèlement, elle a poursuivi ses études pour obtenir deux masters. L’un en mathématiques appliquées aux statistiques et l’autre en Santé publique pour préparer les enfants déscolarisés malades dans les hôpitaux aux examens. En France, elle fait partie d’un groupe d’enseignants qui rédigent les nouveaux programmes en mathématiques à l’Institut de recherches des mathématiques. Ce riche parcours lui a permis d’accomplir le rêve qu’elle nourrit depuis la classe de 3e à savoir redonner aux jeunes apprenants les connaissances que d’autres enseignants lui ont transmises. Et elle compte faire pareil dans la peinture, sa seconde vocation.