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Projet « Kadans Jumelles »: Le Bénin et la Guadeloupe se reconnectent par les tambours

Culture
Les deux troupes, le groupe Nouvèl Jenerasyon Ka et la troupe  Pépit’arts, feront dialoguer leurs... Les deux troupes, le groupe Nouvèl Jenerasyon Ka et la troupe Pépit’arts, feront dialoguer leurs...

Le Bénin accueille du 19 au 31 octobre, le groupe guadeloupéen Nouvelle Jenerasyon Ka (Njk) pour un projet inédit de création et d’échanges artistiques intitulé « Kadans Jumelles ». Cette initiative portée aussi par la troupe béninoise Pépit’arts et l’association « Minan Leko » met en résonance deux héritages percussifs, deux âmes liées par l’histoire que sont le tambour Ka de la Guadeloupe et le rythme Kaka du Bénin.

Par   Josué F. MEHOUENOU, le 22 oct. 2025 à 03h53 Durée 2 min.
#projet Kadans Jumelles

La Guadeloupe pose ses tambours au Bénin. A travers « Kadans Jumelles », le groupe Nouvèl Jenerasyon Ka et la troupe Pépit’arts font battre le cœur de la mémoire commune et scellent une alliance entre jeunesse, culture et transmission. Réunir les rythmes du Ka guadeloupéen et du Kaka béninois, tel est le pari du projet «Kadans Jumelles » que déploient actuellement ces deux troupes d’enfants. Entre ateliers, spectacles et partages culturels, les enfants de Pépit’arts et de Nouvèl Jenerasyon Ka battent ensemble le tambour de la mémoire et de la fraternité. Du 19 au 31 octobre, le groupe guadeloupéen séjourne au Bénin pour une résidence artistique avec les enfants de Pépit’arts. Les deux troupes feront dialoguer leurs tambours pour célébrer l’unité retrouvée entre l’Afrique et ses descendants d’Outre-mer. Accueillis par l’Agence de développement des arts et de la culture (Adac), mardi 21 octobre, les enfants de Njk et leur encadrement ont fait vibrer les cœurs pendant un bout de temps, histoire de célébrer les liens profonds entre les cultures africaines et caribéennes. Séparés par l’histoire, réunis par la musique, le Bénin et la Guadeloupe vibrent à l’unisson dans le cadre de ce projet. Une rencontre rythmique et émotionnelle où les tambours Ka et Kaka racontent le même souffle des origines.

Une alliance culturelle sous le signe de la transmission

La conférence de presse tenue mardi 21 octobre à l’Agence de développement des arts et de la culture (Adac) à Cotonou a permis de présenter ce projet symbolique qui donne aux tambours de relier les deux rives de l’Atlantique. « Kadans Jumelles, c’est la deuxième phase d’une aventure commencée lors de notre récent séjour dans les Antilles », explique Adjimon Michel Noudogbessi, responsable de Pépit’arts. « En Guadeloupe, nous avons rencontré les enfants de Njk et tout de suite, nous avons senti des similitudes rythmiques, harmoniques et émotionnelles. Cette fois, c’est eux qui viennent ici, pour partager et créer ensemble », soutient-il. Le projet, à la fois artistique et éducatif, veut reconnecter deux patrimoines culturels séparés par l’histoire, mais unis par la pulsation du tambour. « L’objectif, c’est de valoriser ces patrimoines, de les faire dialoguer à travers la meilleure cible, la plus durable : les enfants », poursuit-il. Ces jeunes artistes participent à des ateliers de création centrés sur les rythmes Gwoka de Guadeloupe et Kaka du Bénin. De ces échanges naîtra une fusion musicale originale, « qui n’efface pas les rythmes, mais les enrichit ». Le tout sera présenté lors d’un grand spectacle de restitution prévu le 29 octobre au Centre des arts et métiers de Médédjonou, précédé d’une déambulation mêlant tambours béninois et guadeloupéens.

Pour William Codjo, directeur général de l’Adac, ce projet s’inscrit parfaitement dans la mission de l’agence. Il a tenu à souligner la portée symbolique de Kadans Jumelles. « Il s’agit de culture, d’art, mais aussi de brassage avec nos frères séparés de nous par l’océan Atlantique. Il s’agit surtout d’enfants, la promesse de l’aube, ceux à qui nous devons transmettre», ajoute-t-il ému. «Il y a 300 ans, nous étions tous ici, en Afrique. C’est l’histoire qui nous a séparés. Mais à travers la culture, nous pouvons recréer le lien, construire quelque chose de plus grand, de plus valeureux que ce qui nous a divisés », souligne le premier responsable de l’Adac. Pour lui, la culture demeure «le meilleur trait d’union » entre les peuples car elle façonne notre rapport à nous-mêmes et aux autres. Pour lui, cette rencontre artistique entre le Bénin et la Guadeloupe traduit l’esprit même de la mission de l’Adac à savoir transmission, co-création et valorisation des patrimoines vivants. William Codjo a également réaffirmé l’engagement du gouvernement béninois à faire du triptyque tourisme-culture-arts un pilier du développement national, ajoutant que la culture, en reliant les peuples et les générations, «ouvre une porte sur un univers tout entier ».

Un pont entre les deux mondes

Côté guadeloupéen, l’émotion est palpable. Dès les premiers mots, Teddy Pelissier, directeur de la troupe Nouvèl Jenerasyon Ka a d’abord salué la chaleur de l’accueil. « Le mot qui résonne le plus depuis notre arrivée, c’est Bienvenue chez vous. Pas chez nous. Nous nous sommes sentis tout de suite à la maison », reconnait-il. Revenir en Afrique, confie-t-il, est pour les Antillais, un retour aux sources spirituel et identitaire ». « Nous venons avec nos ancêtres. Ceux qui ont souffert, qui ont résisté et qui ont créé cette musique pour ne pas mourir. Le Ka, c’est une façon de se souvenir, de rester debout », lance-t-il fièrement.

L’école Nouvèl Jenerasyon Ka, issue d’une association fondée en 1985 transmet depuis plus de vingt ans l’art du Gwoka à la jeunesse guadeloupéenne. « Nous apprenons à nos enfants tous les styles de Gwoka pour éviter la division, pour préserver l’unité. Et quand je vois les enfants de Pépit’arts, je me dis que le monde sera plus beau si nous leur faisons confiance ».

Ce projet n’aurait pas vu le jour sans l’association « Minan Leko», fondée par Ramsès Aguessy, Béninois d’origine ayant grandi en Guadeloupe. « Je suis né ici, au Bénin, et j’ai grandi aux Antilles. Quand je suis revenu à 21 ans, j’ai redécouvert un pays magnifique. Je me suis dit qu’il fallait créer un pont entre nos deux terres », indique-t-il. De ce rêve est née son association, « Nous y retournons» en langue fon, une structure qui facilite le voyage des Afro-descendants vers la « Terre Mère». À travers Kadans Jumelles, le Bénin et la Guadeloupe renouent avec une histoire commune, et surtout, préparent ensemble un avenir où la culture reste le plus beau langage de l’unité. En somme, une aventure humaine, artistique et mémorielle entre ateliers, spectacles et découvertes touristiques. Au-delà des percussions, c’est la mémoire, la fierté et la fraternité qui se jouent dans les battements des tambours.