La Nation Bénin...
Le titre « Omon mi » sonne comme du déjà vu. Hélas, il faut braver l’intuition, aller à la rencontre du spectacle pour vivre un voyage au cœur des traditions africaines et même occidentales et ensuite, atterrir en terre béninoise sur un aérogare de neuf langues nationales où l’enfant dit sorcier dicte sa loi, brave les interdits et exige son droit à la vie.
La vie humaine est sacrée et nul n’a le droit de l’ôter à autrui, peu importe les raisons, les interdits, les us, coutumes et autres traditions. «Omon mi» est à inscrire dans ce registre. Cette pièce de théâtre déjà jouée à maintes reprises en Afrique et en Occident, s’est invitée, il y a peu dans les bibliothèques à travers sa version papier. Et comme si on ne l’avait pas encore vu ou lu, Nicolas Houénou de Dravo s’offre à nouveau le loisir de la soumettre au public. Non plus dans la version antérieure, mise en scène par l’auteur de l’œuvre, Ousmane Alédji, mais plutôt dans la sienne à travers une adaptation qui se laisse admirer. Neuf langues nationales du Bénin (Goun, Fon, Sahouè, Watchi, Kotafon, Adja, Dendi, Ditamari, Mina) sur une seule et même scène, partagée par huit acteurs. On se croirait à la tour de Babel sans y être, encore que le français y est abondant sans oublier les passages-éclairs d’autres langues comme le Mahi et le Tori.
La guerre des arguments
La trame du spectacle se résume à travers ce proverbe Fon que lance l’un des acteurs dans la foulée : « A force de conserver l’eau dans la bouche, elle se transforme en salive ». Et c’est justement pour éviter cette salive que dame X, génitrice attitrée d’enfants-sorciers se soumet à ses pairs, du moins aux gardiens et garants de la tradition, refusant l’ultime sacrifice d’un de ses rejetons qui lui, a choisi de naître par le siège. Une option qui d’office le condamne à la mort, comme c’est le cas dans toutes les localités où sévit le phénomène de l’infanticide rituel. Lasse sans doute de voir le fruit de son plaisir et ses neuf mois de douleur, de souffrance et souvent bien plus, sacrifié, la « reproductrice d’enfants-sorciers » tient solidement entre ses bras son dernier-né. «Celui-ci, vous ne l’éliminerez qu'après m’avoir ôté la vie», menace-t-elle. Mais au pays des traditions, la voix de la femme est absente au chapitre. Le dépit de la pleureuse ne sera pas entendu. Sa seule voix contre tous n’y peut rien. Fort heureusement, au fil du temps et du déroulement de la pièce, d’autres femmes se rallient à sa cause avant que d’autres hommes, pris de peine ne rejoignent les rangs.
Ces épisodes, il faut les vivre pour comprendre la portée des messages véhiculés par les huit acteurs entre proverbes, incantations, chants… Que faire alors du « petit sorcier », porte-malheur, prédestiné à la mort ? L’abattre ou l’épargner ?
Verdict : libérez l’accusé !
Telle une Cour, les arguments s’enchaînent et les injures fusent. Chaque camp puise dans son tréfonds pour se faire comprendre par le chef de terre qui suit avec attention les développements de chacun, debout au milieu de ses sujets assis. Et lorsque vînt l’ultime moment pour rendre le verdict, celui-ci semble perdu. A raison ! Le seul enfant à qui il a lui aussi donné vie et qui devrait être en attente d’hériter de son trône, a été étranglé à la naissance parce qu’il était un bossu. La décision devenait donc difficile à prendre et il eût fallu s’en remettre aux ancêtres par le truchement du jet des cauris. Le « Dou » (verdict) qui en résulte, fait exulter plus d’un. «Omon mi» doit vivre. L’enfant-sorcier est épargné de la mort. La mère fond en bénédictions avec des larmes de joie et les autres femmes l’accompagnent en chants. Les huit acteurs s’éclipsent !
Mireille Gandebagni, Raphaël Hounto, Inè M’Po, Landry Padonou, Soufiatou Barboza, Alphonsine Kangon… assurent autour de Nicolas Houénou de Dravo, forment le casting de cette mise en scène de 90 minutes que l’on pourrait volontiers assimiler à un théâtre rituel. Les 30 et 31 juillet prochains et les 1er et 2 août, le public est invité à revivre «Omon mi». Une sorte de cadeau culturel pour célébrer la fête de l’indépendance, les 55ans de l’accession du Bénin à la souveraineté internationale.