Sylviculture durable : Un rempart pour la biodiversité
Culture
Par
Fulbert Adjimehossou, le 29 mars 2022
à
11h48
A tort ou à raison, la sylviculture est perçue comme un ennemi de la biodiversité. Ce qui n’est toujours pas vérifié. Au Bénin, l’administration forestière et les Ong travaillent à promouvoir les bonnes pratiques.
Des exploitants de bois destructeurs de la biodiversité. C’est un cliché qui fâche. Mais, « Il faudrait faire la part des choses », rétorque Bertin Akouta, président de la fédération nationale des associations des opérateurs économiques de la filière-bois. Et il a ses raisons. « Le bois d’énergie était exploité anarchiquement, mais on sait que l’exploitation du bois d’œuvre est sélective. Il y a eu, par le passé, un peu de désordre parce qu’il n’y avait pas, par exemple, une structure en tant que telle pour sensibiliser davantage les acteurs et œuvrer pour une synergie dans le sens de la protection de la biodiversité», martèle-t-il.
Cependant, la menace est réelle. Une étude conduite par le Professeur Brice Sinsin, et rendue publique en 2021, sur l’évaluation et la hiérarchisation des menaces portant sur la biodiversité au Bénin donne des signaux peu rassurants. « Les tendances évolutives font état de menaces très importantes sur les différents écosystèmes et espèces associés. Quel que soit le groupe biologique, l’exploitation forestière constitue le secteur principal mis en cause, car ne respectant pas les quotas d’exploitation prévus et surtout les tailles des ressources à exploiter. Aussi, les besoins sans cesse croissants du marché amènent parfois les exploitants à prélever des juvéniles en violation de toute règle qui régit la conservation de la biodiversité des écosystèmes», dévoile le rapport d’étude de 103 pages.
Au Bénin, les tendances évolutives font état du recul des formations naturelles, avec une perte significative de couverture forestière entre 1990 et 2005 estimée à 130 000 ha, soit 2,1% par an selon le cinquième Rapport national sur la diversité biologique. Les estimations du rapport d’étude du Professeur Sinsin sur la période allant de 2005 à 2015 révèlent des tendances relativement similaires quant aux changements d’occupation du sol observés. La tendance n’est pas particulière au Bénin. Le thème de l’édition 2022 de la Journée internationale des forêts se justifie bien : « Les forêts et une production et une consommation durables ». Ce slogan est un appel à choisir un bois durable pour les personnes et la planète.
Inverser la tendance
Ces dernières années, le gouvernement a pris des mesures hardies pour arrêter la saignée. Les efforts de reboisement s’intensifient, avec l’implication des acteurs de la filière forêt-bois.
Pour Marc Blèossi Edey, secrétaire général du groupe Atc industrie de bois, la prise de conscience est réelle. « Étant dans la transformation du bois, nous sommes appelés à acquérir le bois auprès de l’Onab, en grande partie. Cette matière première n’est pas naturellement extensible. Quand vous coupez, ça va finir. Il faut pouvoir planter, faire du reboisement pour garantir sur les années à venir l’existence de cette matière première qui est très noble, mais qui est aussi épuisable. On doit travailler à renouveler le patrimoine forestier », explique cet acteur interrogé au détour du Café biodiversité le 11 mars 2022.
D’ailleurs, l’accès à la matière première, c’est-à-dire le bois pour les industries, est conditionné au Bénin à la mise en place de plantation privée. C’est une chaîne de valeur qui s’impose désormais et à laquelle les acteurs adhèrent.
Cependant, des contraintes ne manquent pas. « Nous avons une plantation d’environ 20 ha. On aurait souhaité en avoir plus, mais entre autres, la disponibilité foncière n’est pas toujours garantie. Ce n’est pas toujours aisé », fait remarquer Marc Edey. De son côté, la société civile pense qu’il faut continuer à susciter davantage cette volonté de la part des acteurs de la sylviculture. « Il faut un dialogue structurant pour avoir des engagements volontaires pour limiter les impacts sur la biodiversité », insiste Is Deen Akambi, assistant technique à l’Ong Eco Bénin. Le suivi des exploitations, la mise en place des éclaircies, la disponibilité de semences entrent aussi en ligne de compte, pour des résultats tangibles, surtout dans un contexte de changements climatiques.
Des bonnes pratiques à
promouvoir
Dans le processus de plantation, pour répondre au besoin de bois, il y a des comportements à adopter. Le lieutenant Josué Kpétéré, Chef Unité de la formation professionnelle et des sports à l’Ecole nationale des Eaux, Forêts et Chasse recommande la conservation des habitats naturels des espèces qui dépendent de la forêt. « Si nous savons qu’il y a une espèce qui ne peut vivre que dans tel habitat, il faut que nous puissions penser à elle et la préserver », souligne-t-il. Au-delà, l'adoption de protocoles permettant de maintenir en l’état, voire de multiplier la biodiversité de l’écosystème forestier et la mise en place d’un plan de coupe basé sur la succession des parcelles sont des pratiques à promouvoir. « Il faut voir comment couper pour permettre aux espèces de pouvoir se déplacer pour trouver un autre habitat. C’est cela le protocole de coupe. Ensuite, il y a cette pratique qui permet d’épargner les noyaux, le fait de laisser une zone de végétation naturelle permet aux espèces de s’y réfugier et de partir de là pour coloniser les autres parties de la plantation», explique le lieutenant Josué Kpétéré. La programmation des coupes en fonction des périodes de reproduction et le maintien des arbres accueillant des nids d’oiseaux qui reviennent chaque année seront aussi bénéfiques pour la sylviculture. Rien n’est anodin. « Si vous avez une plantation en monoculture, dès qu’elle est attaquée, il n’y a plus de défense. Mais, s’il y a une diversité biologique, elle peut conserver les rudiments qui vont permettre à la plante de résister aux attaques », explique-t-il. La sylviculture a donc besoin d’être proche de la nature pour être rentable et durable.