La Nation Bénin...
Du
15 mars au 15 juin 2024, l’espace culturel Le Centre abrite une exposition
artistique et originale intitulée « Territoires tissés». Fruit de la
collaboration entre l’Association pour la valorisation et la promotion du
tissage traditionnel d’Abomey (Avptta), l’Ecole du patrimoine africain (Epa) et
l’Ecole nationale supérieure des arts visuels de La Cambre à Bruxelles avec
l’accompagnement de L’espace culturel Le Centre, cette exposition porte un
nouveau regard sur les valeurs culturelles, techniques, patrimoniales et
créatives véhiculées par la production du textile.
Lancée
le 15 mars dernier, l’exposition « Territoires tissés » présente des textiles,
photos, objets, documents et vidéos, qui interrogent la création et l’artisanat
comme un levier de rencontres, d’émancipation et d’apprentissages. Les œuvres
exposées à l’espace culturel Le Centre dialoguent avec la collection du Musée
de la Récade et lèvent un coin de voile sur l'origine, l'usage des motifs et le
rôle social des pagnes tissés dans l'ancien royaume du Dànxòmὲ. À travers une
diversité de pièces originales aux motifs uniques, Territoires tissés explore
les différentes facettes du tissage et s’intéresse particulièrement à sa
pratique par les artisans de l’Association pour la Valorisation et la Promotion
du Tissage Traditionnel d’Abomey (Avptta), tout en y apportant innovation et
créativité. Cette exposition qui tient lieu de restitution, à l’espace culturel
Le Centre, du 15 mars au 15 juin 2024, porte un nouveau regard sur les valeurs
culturelles, techniques, patrimoniales et créatives véhiculées par la production
du textile. « Faire le lien entre création et artisanat sans pour autant ôter à
chacun sa nature intrinsèque ; valoriser la diversité d’un répertoire du
textile tout en y puisant de nouvelles perspectives créatives et économiques ;
ce sont là, autant de motivations qui ont servi de fil conducteur à ce projet»,
va ajouter Mora Onias Gaba, responsable de la programmation et de la
communication de l’espace culturel Le Centre.
«
Des fils de raphia à ceux du coton, le tissage, perpétué de génération en
génération, remonte au Roi Hwegbájà (1645-1685) et devient une pratique
marchande sous le règne du Roi Agonglò (1789-1797). Aujourd’hui, dans un
paysage fortement concurrentiel où la fripe occidentale et les productions
délocalisées à faibles coûts des pays industrialisés, envahissent le Bénin, la
consommation de tissus locaux périclite, entraînant la dévalorisation de
l’activité traditionnelle du tissage et la précarité des artisans. C’est dans
ce contexte qu’est née la collaboration entre l’Association pour la
valorisation et la promotion du tissage traditionnel d’Abomey (Avppta) au
Bénin, les ateliers de Design textile, Design industriel et Architecture
d’intérieur de l’École nationale supérieure des arts visuels de La Cambre à
Bruxelles et l’École du patrimoine africain (Epa) à Porto Novo, baptisée
Territoires tissés et amorcée en 2019», explique Berthold Hinkati, directeur
général de l’espace culturel Le Centre.
Invité
de marque au vernissage de l’exposition « Territoires tissés», le ministre du
Tourisme, de la Culture et des Arts Jean-Michel Abimbola dit être impressionné
par l’innovation, la créativité des œuvres. «J’ai vu comment on essaie de
moderniser, de faire des tissus plus légers, de différents grammages et
coloris. C’est un plaisir que de voir ça, c’est enthousiasmant. Je suis
persuadé que quand le site palatial d’Abomey sera restauré, quand le Musée des
Amazones et des rois du Danxomè sera ouvert à l’horizon 2025, je suis sûr que
ça donnera beaucoup d’activités à nos artisans qui pourront permettre à nos
visiteurs, aux touristes étrangers de repartir avec des souvenirs. Aujourd’hui,
c’est un beau vernissage, c’est une belle exposition et j’invite les Béninois
et Béninoises à venir ici à Le Centre pour découvrir cette belle exposition »,
soutient-il.
Financée par Wallonie-Bruxelles International, avec le soutien de l’Académie de recherche et d’enseignement supérieur de la Fédération Wallonie-Bruxelles, cette exposition met en exergue, pour les Béninois, l’héritage culturel des tissus locaux trop longtemps délaissé, malgré toutes les perspectives et la richesse qu’il constitue. Première exposition de l’année 2024, « Territoire tissés » intervient trois semaines après la fin de l’exposition « Ombres des ancêtres » des artistes Sika da Silveira & Élise Tokoudagba.
... patrimoniales et créatives véhiculées par la production du textile
Collaboration
L’idée
de cette exposition est partie d’un constat du président de l’Association pour
la valorisation et la promotion du tissage traditionnel d’Abomey (Avptta). «
Tout est parti de la Cour royale du roi Agonglo où les tisserands, dans leur
production durant des temps, ignorent la richesse culturelle du roi Agonglo, un
roi qui a beaucoup développé l’artisanat, l’art, les bas-reliefs, les tentures
et le tissage. De façon spéciale, il a fait venir un tisserand, Tayo du
Nigeria, qu’il a mis au palais pour enseigner le tissage à tous ses fils dont
mes grands-parents. Mais à un moment donné, on ne fait que de l’art pour
survivre. On fait par liquidation parce que demain c’est jour du marché, je le
fais, je vends et je continue mon chemin. Cela crée des méventes », confie
Constant Adonon, président de l’Avptta.
Trois
professeurs de l’Ecole nationale supérieure des arts visuels de La Cambre à
Bruxelles ont répondu à l’appel de Constant Adonon. Il s’agit de Anne Masson,
Giampiero Pitisci et Pierre Lhoas. Entre autres tissus historiques travaillés,
on a le « Klibibi », le « Awlan», le Kansawu… « Pour nous, c’est un
apprentissage du début jusqu’à la fin. On en a fait un projet
interdisciplinaire. La valorisation et la variation des tissus historiques,
jusqu’à travailler sur tout l’écosystème du palais, introduire un peu la
teinture végétale, notamment le manguier. C’étaient des moments d’ateliers qui
se sont déroulés à Abomey et par moments à Bruxelles sur 5 ans à raison de 2
ateliers par an. Une autre partie a été travaillée sur la circulation sur le
site notamment sur la signalétique, la formation des guides sur la narration
qui est très importante pour les tissus, pour que les guides puissent
valablement informer les touristes et les visiteurs. Il y a une trentaine de
tisserands et tisserandes, 4 étudiants de l’Epa, qui se renouvelaient chaque
année. Nous étions 3 professeurs et il y a aussi d’autres encadreurs qui ont
participé au projet à Bruxelles, parfois à Abomey si nous on ne venait pas », a
laissé entendre Anne Masson.
Pour
Emmanuel Affossogbé, président des artisans du palais du roi Agonglo, ce projet
est très rentable. « Avant, on ne tissait que les mêmes choses. Ce projet nous
a fait ramener les anciens pagnes que nos rois ont tissés. Et c’est le doyen
Christophe Adonon qui nous a révélé ces tissus-là. De là, il y a eu un grand
changement au niveau de notre tissage. On ne savait pas que tel tissu peut
faire une chemise, une robe, une nappe de table, le travail avec les Belges
nous a permis d’avoir des expériences», a-t-il souligné.