La Nation Bénin...
Réseau de paiement novateur, les cryptomonnaies comportent
de nombreux avantages, mais aussi des risques énormes. Une conférence organisée
par l’Ansalb, ce jeudi 19 octobre à Cotonou, révèle les problèmes de protection
juridique liés à leur utilisation et la nécessité d’une réglementation
appropriée.
Au moins 23 640 cryptomonnaies sont recensées dans le
monde en avril 2023 dans 195 pays, selon CoinMarketCap.com, plateforme de suivi
des données de marché et de capitalisation boursière des actifs
cryptographiques. Dans ce climat dynamique où naissent et disparaissent les
cryptoactifs, il importe de scruter la place des pays africains dans le développement
de ce réseau qui échappe au contrôle des autorités et dans les relations
économiques internationales.
Tel est l’objectif visé par l’Académie nationale des
sciences, arts et lettres du Bénin (Ansalb) en organisant hier à Cotonou, une
conférence sur le thème « Monnaie et cryptomonnaie en Afrique »,
ayant réuni des universitaires, des opérateurs et autres spécialistes des
questions de monnaie. Elle entend nourrir le débat alimenté par l’imbroglio de
devises, de non-devises, de monnaies, de cryptomonnaies ou de monnaies
dématérialisées.
« Il est attendu de cette conférence que la
connaissance de l’histoire de la monnaie en Afrique, son évolution dans le
temps et son futur dans cette ère de la digitalisation, de la dématérialisation
et de la cryptomonnaie sous un climat d’indépendance financière vis-à-vis des
grandes puissances, soient portées au grand public dans un discours
accessible », justifie le professeur Michel Boko, secrétaire perpétuel de
l’Ansalb. Les raisons de la pénétration fulgurante de la cryptomonnaie en
Afrique, indique-t-il, sont à rechercher non seulement dans le fait qu’elle
constitue un moyen plus efficace et plus rentable de transférer de l’argent,
mais aussi et surtout parce qu’il existe sur le continent une forte population non
bancarisée qui lui offre de fait une marge de progression relativement
grande ».
Le développement de ce phénomène économique et monétaire
qui a cours dans le monde depuis l’avènement en 2009 du premier réseau
décentralisé pour les transactions financières qu’est le Bitcoin, est porté par
les technologies de la communication et l’intelligence artificielle.
Protection !
Première monnaie sans banque qui remplirait pourtant les
mêmes fonctions qu’une monnaie traditionnelle, l’engouement que suscite la
cryptomonnaie, réside aussi dans le fait qu’elle constitue un réseau de
paiement novateur et une nouvelle forme d’argent, selon Radji Laïssi,
vice-président du Ces. La cryptomonnaie n’a pas besoin d’une autorité centrale
ni de support physique pour fonctionner, elle n’a de cours légal dans aucun
pays du monde et sa valeur n’est indexée ni sur le coût de l’or ni sur celui
des devises classiques, fait-il remarquer. N’obéissant qu’à la loi de l’offre
et de la demande, elle se présente comme une alternative peu coûteuse pour
l’accès aux services financiers et une opportunité d’autonomisation financière
des pays à monnaies arrimées aux devises occidentales.
Toutefois, de ces atouts découlent les nombreux défis à
relever tels que l’absence de régulation et de mécanismes de contrôle, le
manque d’infrastructures et de ressources logistiques pour la gestion des
monnaies virtuelles, relève Eugène C. Ezin, professeur en Informatique et
Intelligence artificielle.
Non reconnues comme des instruments financiers dans de
nombreux pays, les cryptomonnaies sont plutôt considérées comme des
« biens appropriables », nuance Dr Julien Comlan Hounkpè, spécialiste
du droit du numérique. « Leur nature est controversée et les autorités
monétaires doivent déterminer comment traiter ces actifs numériques innovants
et les défis juridiques de la monnaie dématérialisée », préconise-t-il.
Blockchain, la technologie sous-jacente aux cryptomonnaies,
soulève également des questions juridiques complexes en matière de propriété
intellectuelle, d’utilisation des smart-contracts (programmes informatiques),
de litiges, de protection des données, signale Dr Hounkpè. Les risques
infractionnels, la forte propension à la spéculation financière et autres
enjeux socioéconomiques de ces moyens de paiement indépendants des réseaux
bancaires rendent nécessaire leur réglementation qui doit reposer sur la prise
en compte de l’encadrement au plan international et les solutions spécifiques
au contexte africain, suggère-t-il.