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Pierre Coffi Dato chef de la Circonscription scolaire de Boukombé: «La discipline est absente dans les écoles publiques»

Education
Par   Eklou, le 28 mai 2015 à 08h29

Ils sont 1400 candidats à être inscrits à la session 2015 du Certificat d’études primaires (CEP) dans la Circonscription scolaire de Boukombé qui aura connu en 2014 l’un des taux de réussite les plus bas des départements de l’Atacora et de la Donga. A quelques jours de la tenue de cet examen sur toute l’étendue du territoire national, Marcellin Pierre Coffi Dato, chef de ladite circonscription, évoque les préparatifs et les dispositions prises tout au long de l’année scolaire pour éviter le pire à cette session.

La Nation : Monsieur le chef de la Circonscription scolaire de Boukombé, à une semaine de la tenue des examens du CEP, où en êtes-vous en ce qui concerne les préparatifs ?

Pierre Coffi Dato : Par rapport au déroulement des examens du CEP, session de juin 2015, nous pouvons dire que les préparatifs vont bon train. Nous avons rencontré une délégation de la direction des Examens et Concours (DEC) dirigée par le chef service des Tests, Examens et Concours qui nous a donné des instructions par rapport à la tenue de ces examens. Ensuite le matériel lourd à savoir les feuilles de composition des candidats, les procès-verbaux (PV) de salle, les stylos, les feuilles de brouillons, a été mis à disposition et ramené à Boukombé. Je dois rappeler qu’à Boukombé nous avons huit centres de composition. Et donc ce matériel est en train d’être réparti par centre de composition et présentement c’est à la rencontre avec les chefs centres, probablement le 1er juin 2015 que nous allons recevoir les PV de centre. Par rapport au matériel servi nous attendons un supplément pour pallier les éventuelles insuffisances numériques. 1400 candidats sont au total inscrits dans la Circonscription scolaire.

L’année dernière, la Circonscription scolaire de Boukombé s’est négativement illustrée en occupant l’avant-dernière place des deux départements. Une contre-performance qui a suscité beaucoup de remous d’autant plus que des autorités en charge de l’éducation et pas des moindres sont des natifs de cette commune. Comment envisagez-vous inverser la tendance à cette session ?

Il y a plusieurs éléments qui peuvent entrer en ligne de compte lorsqu’on parle de l’échec des apprenants. Il y a des causes qui relèvent d’eux-mêmes. Il y en a qui relèvent de l’enseignant et d’autres sont d’ordre institutionnel. Pour ce qui est de Boukombé, nous devons appuyer sur des leviers tels que la remise au travail des directeurs d’école. Personnellement, avec les cinq mois que je suis en train de passer à Boukombé, quand j’ai remis les directeurs au travail, cela m’a permis de maîtriser les collaborateurs, dans la gestion du temps scolaire, les retards et les absentéismes et une réorientation des séances d’unités pédagogiques. Le non respect des textes et de la hiérarchie constituent les deux gangrènes du système éducatif béninois. Si tout le monde se plaint dans les écoles publiques, de travailler dans un climat professionnel malsain accusant à tort les structures étatiques, c’est dans ce même climat que travaillent les écoles privées qui donnent quand même de bons résultats. Ce qui veut dire que la discipline qui règne dans les écoles privées est absente dans les écoles publiques. Mais j’estime à mon avis qu’aucune politique n’a empêché un enseignant à faire son travail comme cela se doit. Lorsque les directeurs d’école qui sont des titulaires des classes de CM2 sont convoqués tout le temps par les chefs de circonscriptions scolaires pour des réunions et des assemblées générales, ils n’ont pas souvent le temps de se concentrer pour travailler dans les classes. Ce que j’essaie d’éviter à Boukombé. Au-delà de tout ça, c’est parce que l’enseignant connaît tellement qu’il enseigne mais aujourd’hui les notions qui sont enseignées aux enfants sont-elles maîtrisées par les enseignants ?
Les documents de travail tels que les guides, les manuels, les programmes ne sont pas toujours bien compris des enseignants si bien que, ceux qui ont réussi et ceux qui ont échoué me font poser des questions. Ceux qui ont réussi sont-ils vraiment compétitifs lorsqu’à la correction, les statistiques donnent des tendances baissières alors qu’à la délibération, on constate un nombre élevé d’apprenants ayant réussi ? Par exemple, pour le CEP 2013, au plan national, on a eu 47% de réussite en expression écrite, 42% de réussite en lecture, 6,4% de réussite en mathématiques alors que globalement les résultats au plan national ont affiché un taux de réussite de 86%. Ce qui veut dire que si nos enfants vont au collège, c’est grâce aux disciplines de contact que sont les chants, le sport ou que les notes qui leur sont attribuées, ne reflètent pas leurs performances réelles. En 2005, le Bénin a postulé pour l’évaluation du Programme d’analyse des systèmes éducatifs de la CONFEMEN (Conférence des ministres de l’Education nationale ayant en partage le Français) ; le rapport de cette évaluation après avoir considéré les scores agrégés du Français et des Mathématiques a montré que le taux des connaissances de base de l’écolier béninois est faible. Dix ans après, notre pays se prépare encore à prendre part à cette évaluation (dans la période de juin-juillet) mais ce que je souhaite est qu’on ne limite plus les connaissances de base de l’écolier béninois au Français et aux Mathématiques mais qu’on puisse les élargir aux sciences, comme c’est le cas de la Belgique. Par ailleurs, notre pays évolue dans un processus des démarches, des procédés et des techniques qui ne nous font pas avancer. J’aurais souhaité que l’on définisse un socle de compétences vers lesquelles, chaque enseignant est appelé à converger et sur la base de laquelle il sera jugé. Mais en retour, que l’enseignant soit libre de choisir la pédagogie qui lui plaît pour faire passer les notions aux apprenants. Je sais que c’est un pavé jeté dans la mare des défenseurs de l’APC encore que ceux qui nous servent de repère, estiment que Djibouti et le Congo sont en avance sur le Bénin dans la mise en œuvre de l’Approche par compétences et la pédagogie de l’intégration.

L’espoir est-il permis quant aux résultats de cette session dans la Circonscription scolaire de Boukombé ?

Je suis optimiste mais je ne suis pas esclave des statistiques, parce que ma vision c’est de faire un changement de fond pour que ceux qui vont réussir, puissent véritablement être compétitifs sur le marché.

Des goulots d’étranglements évoqués ci-haut, vous semblez banaliser la main du politique et l’engagement des enseignants dans la politique avec tout leur corollaire de pressions et de dérives quelque peu préjudiciables aux performances du système éducatif ?

On ne refuse pas à un enseignant de s’intéresser à la politique mais qu’il fasse le travail pour lequel il est payé à la fin du mois puisque le politique n’a jamais manqué de faire le sien. Je ne trouve pas d’inconvénients à l’engagement politique d’un enseignant. Il a des horaires de travail qu’il doit respecter. Il doit mériter son diplôme professionnel, avoir un niveau intellectuel acceptable avant de se lancer dans la politique parce que, quand on se lance en politique, le souci permanent est de conquérir le pouvoir et de l’exercer. Mais si la culture intellectuelle de base ne permet pas d’occuper un poste reluisant en politique, ce n’est pas la peine de s’y aventurer.