La Nation Bénin...
Au-delà du confort, le développement des filières
d’écoconstruction au Bénin apporte un nouveau visage au cadre de vie. La
main-d’œuvre, hier presque inexistante, tend à devenir abondante avec la
formation de nouveaux ouvriers, les « maçons de demain » dont l’avènement
éveille un peu mieux les esprits autour des constructions en matériaux locaux.
Pierre Weleka, trente ans, est père de deux enfants et vit à Djougou. Pour cet artisan, le quotidien a pris une nouvelle tournure depuis qu’il a fini sa formation en écoconstruction. Comme pour mettre une nouvelle corde à son arc, il a associé l’écoconstruction à sa formation en maçonnerie qui ne lui permettait pas de joindre les deux bouts. «Depuis que j’ai fini ma formation en écoconstruction, j’envisage autrement mon secteur d’activité. J’ai du mal à accepter les sollicitations pour des constructions en matériaux importés. Je m’évertue plutôt à expliquer aux clients les avantages d’une construction en matériaux locaux pour les aider à mieux s’orienter ». Si Pierre est devenu un apôtre de l’écoconstruction, ce n’est pas par hasard. C’est cette activité qui lui permet de joindre plus facilement les deux bouts. « Les sollicitations viennent. Beaucoup sont intéressés quand on parvient à leur expliquer la durabilité et le confort des constructions en matériaux locaux », témoigne le jeune artisan devant autorités et acteurs du secteur de la construction réunis à Ouidah pour le Colloque sur l’avenir de l’écoconstruction au Bénin et dans la sous-région.
Il y a été invité en tant que bénéficiaire du projet «
Maçons de demain, former et insérer dans l'écoconstruction » (Made). Une
initiative dont la troisième et dernière phase s’achèvera en août 2025, après
neuf années d’activités. Elle repose en effet sur quatre grands résultats à
savoir la formation et le renforcement de compétences de jeunes dans les
métiers de l’écoconstruction, le soutien à l’intégration économique et sociale
des jeunes, l’appui au développement de la filière écoconstruction grâce à
l’augmentation de la demande et à la professionnalisation des acteurs et
l’accompagnement des initiatives territoriales en faveur de l’inclusion des
jeunes et de la cohésion sociale.
En ouvrant le débat sur les perspectives de la filière
écoconstruction, en présence des professionnels du secteur, les participants à
ce colloque ont saisi l’occasion pour faire le bilan de la mise en œuvre du
programme « Made », porté par Acting for Life surtout en ce qui concerne
l’insertion professionnelle des jeunes dans le secteur du bâtiment et l’appui
au développement de filières territoriales d’écoconstruction au Bénin.
Pourquoi écoconstruire ?
A cette question que bien de personnes se posent, Gilles Aguidissou a apporté des éléments de réponse en mettant en lumière les avantages de l’écoconstruction. Il insiste sur la durabilité de ces constructions et en veut pour preuve certaines bâtisses comme les gares de l’ex-Ocbn, les bâtiments du Parlement… D’autres experts et personnes ressources averties de la question donneront également de la voix sur des thématiques comme « l’écoconstruction au Bénin et au Togo: une adaptation aux ressources des territoires », « l’écoconstruction en matériaux locaux comme levier de dynamisation économique des territoires et d’insertion des jeunes : enjeux de la professionnalisation des filières pierre et terre dans les départements de l’Atacora et de la Donga au Bénin ». Plus intéressante sera encore la table ronde des experts pour des regards croisés sur l’avenir de l’écoconstruction au Bénin. Plus qu’un temps d’échanges, cette table ronde s’est voulue une aubaine pour décortiquer les entraves à l’essor des constructions en matériaux locaux. Toutes les questions y sont passées, notamment celles liées à la formation, aux normes, aux appréhensions, à la solidité des matériaux en question, à leur disponibilité, ainsi qu’à la politique mise en branle par l’Etat…
Sortir les jeunes de la vulnérabilité
Victor Kidjo, fondateur et directeur général de Nature
Brique, Léobard Houénou, architecte, initiateur du concept Design 7, Clarisse
Krause et Ola Faladé, architectes, et enfin Anicet Kpondéhou, ingénieur en
génie civil, consultant et formateur, représentant du ministre du Cadre de vie
ont ainsi eu l’honneur de se prononcer sur le sujet et d’en dégager les
perspectives.
Le projet Made vise à donner l’accès aux jeunes en situation de vulnérabilité du Nord Togo et du Nord Bénin à des formations en maçonnerie et écoconstruction et à contribuer à leur insertion sociale et professionnelle. A travers l’appui à la filière écoconstruction, le plaidoyer en faveur de la commande institutionnelle et de l’insertion des jeunes et des actions en faveur de la cohésion sociale, Made entend participer au développement économique et social des territoires d’intervention. L’ambition est de former et d’insérer les maçons de demain. Au moins 105 jeunes ont été formés et/ou ont renforcé leurs compétences dans les métiers de l’écoconstruction, tandis que 40 autres ont eu droit à une formation diplômante en Btp. En plus du recyclage à l’intention des artisans déjà formés par le projet, 45 jeunes ont bénéficié d’une formation qualifiante sur l’écoconstruction. Made projette aussi un suivi des apprenants et des accompagnements. Son appui s’étend aussi aux centres de formation. Au bout de l’initiative, 80 % des jeunes dégagent un revenu dans le métier de leur formation et 70 % de jeunes femmes dégagent un revenu dans le métier de leur formation à la fin du projet, selon les indicateurs. « La filière écoconstruction est renforcée dans les zones d’intervention grâce à l’augmentation de la demande et à la professionnalisation des acteurs», conviennent également les responsables.
« Nous avons accueilli favorablement cette initiative d'autant plus qu’elle a beaucoup d'avantages. Elle permet d'abord l'utilisation des matériaux locaux dont nous disposons et dont nous ignorions l’utilité et l’importance », témoigne Koto Orou Mare, maire de Ouassa Péhunco et président de l'Association des communes de l’Atacora et de la Donga (Acad). Il vaut mieux choisir la terre rouge, le sable, la paille, au lieu d'aller acheter des carreaux, du ciment, suggère l’élu qui vante le bonheur que procure ce type de construction. « En dehors de la valorisation de nos matériaux locaux, l'autre avantage est en termes de confort », souligne-t-il. « Quand vous êtes dans ce bâtiment, vous ne sentez presque pas de la chaleur. Ce n'est pas la même chose que nos bâtiments faits en briques de ciment », souligne-t-il.
Choisir la terre rouge, le sable, la paille, au lieu d'aller acheter des carreaux, du ciment...