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Intervention française au Mali: L’opération Barkhane a-t-elle coûté 2 millions d’euros par jour ?

Fact-Checking
Intervention française au Mali: L’opération Barkhane a-t-il coûté 2 millions d’euros par jour ? Intervention française au Mali: L’opération Barkhane a-t-il coûté 2 millions d’euros par jour ?

Sur les réseaux sociaux, une publication vidéo affirme que l’opération Barkhane au Mali a coûté deux millions d’euros par jour pendant 9 ans et qu’à sa fin, le pays n’a pas eu un seul hélicoptère de la France. Elle est partagée dans des groupes WhatsApp au Bénin depuis le 30 octobre dernier. L’équipe de fact-checkers de « La Nation » a effectué des vérifications dont voici la teneur.

Par   Ariel GBAGUIDI, le 17 nov. 2023 à 15h00 Durée 4 min.
#Intervention française au Mali #L’opération Barkhane

C’est un montage vidéo de 1 min 24 qui met en cause l’action militaire de la France au Mali et salue, à l’inverse, la coopération militaire entre Bamako et Moscou. Dans la séquence publiée le 30 octobre dernier dans des groupes WhatsApp, l’on voit trois images simultanément. D’abord, une inscription qui dit ceci : « grâce à Poutine le Mali est devenu le pays le plus puissant de la zone Cedeao ». Ensuite, une autre vidéo incrustée montre des engins de guerre en action, laissant croire qu’ils ont été nouvellement acquis grâce à la coopération russo-malienne. Pour finir, la troisième image est une photo sur laquelle l’on voit le président russe, Vladimir Poutine recevoir son homologue malien Assimi Goïta. Les deux hommes s’avancent, l’un vers l’autre, pour la poignée de main.

La voix off de la vidéo, celle d’un homme, martèle que l’opération Barkhane avait coûté deux millions d’euros (1,3 milliard francs Cfa) par jour, pendant neuf ans, et qu’à sa fin, la France n’a donné aucun avion au Mali. « Aujourd’hui, vous voyez le nombre d’aéronefs que nous avons pu acquérir en moins de deux ans sur nos ressources propres au moment où le pays est sous sanctions, sous embargo et presque seul », affirme la voix off. « Mais il fallait, poursuit-la voix, sortir de ces accords, sinon on n’allait jamais pouvoir en arriver (…) ».

Propos authentiques

Grâce à des confrères maliens, nous avons pu identifier la voix off de la vidéo. Il s’agit d’Abdoulaye Diop, ministre malien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale. Il a tenu ces propos lors de la conférence qu’il a animée, samedi 12 août 2023 à l’hôtel Millenium, à l’occasion du lancement des activités annuelles de la Coordination nationale des clubs Rotaract et Interact du Mali. Son intervention avait porté sur le thème : « L’action diplomatique malienne, quelle stratégie pour une politique étrangère plus forte et avantageuse ? ». L’intégralité de son speech est publiée sur la page Facebook du ministère.

Dans cette vidéo de 57 min 34, Abdoulaye Diop semble affirmer, en substance, que malgré les budgets faramineux de Barkhane, la France n’est pas parvenue à aider le Mali à lutter contre le terrorisme. Pour être certain que c’est bel et bien l’esprit de sa déclaration sur l’opération Barkhane, nous avons contacté le service de presse du ministère, mais notre demande est restée lettre morte depuis une semaine jusqu’à la mise sous presse de cet article.

Les clarifications de la France

En réponse à nos préoccupations, Paris a partagé avec nous le rapport d’information d’avril 2021 de l’Assemblée nationale française, sur l’opération Barkhane « financée par l’Etat français uniquement ». Le document affirme que « le bilan de Barkhane est incontestablement positif » et ne manque pas d’établir les surcoûts complets de la mission, de 2014 à 2020. Il ressort de la lecture du tableau que Barkhane a franchi exactement la barre de deux millions d’euros par jour, à partir de 2018. En 2020, elle a atteint environ 2,4 millions d’euros par jour. Mais la somme des coûts, de 2014 à 2020, fait environ 1,88 million d’euros par jour, soit à peu près 1,22 milliard francs Cfa à 2020.


Tableau extrait du rapport de l’Assemblée nationale

Il n’y a également pas eu de «cession d’hélicoptère/avion par les armées françaises au profit du Mali ». Paris affirme que « le format et le volume de l’opération Barkhane ont été déterminés en coordination avec les autorités maliennes afin de répondre au plus juste à leurs demandes et besoins ».

En revanche, les autorités françaises informent que leurs armées « effectuent régulièrement des cessions de matériels au profit de leurs partenaires, en cédant du matériel qui correspond aux demandes et aux besoins des armées partenaires (…) ». Elles soulignent aussi que la France a cédé de nombreux matériels au profit des forces armées maliennes dont, entre autres, «quatre unités légères de reconnaissance et d’intervention (Ulri) dans le Liptako-Gourma (Gao/Ménaka/Gossi) avec des pick-up, des motos, des moyens de transmission et des équipements de protection individuels notamment et le camp de Labbezanga construit par la France ».

Verdict

Au regard de tout ce qui précède, les propos d’Abdoulaye Diop selon lesquels l’opération a coûté deux millions d’euros par jour et la France n’a offert aucun avion au Mali au terme de Barkhane, sont à relativiser.