La Nation Bénin...
Quarante-neuf médicaments utilisés pour le traitement du
paludisme ont été retirés du marché européen. Il a été prouvé qu’ils sont à la
base de l’insuffisance rénale. C’est ce que laisse croire en tout cas une
publication qui circule sur les réseaux sociaux depuis bien longtemps. Chaque
année, cette fausse liste est rallongée avec le même message en introduction.
En octobre 2022, nous l’avions déconstruit. Mais nous l’avons redécouvert, le 2
novembre 2023, dans un groupe WhatsApp au Bénin. La preuve qu’elle circule
toujours. Voici trois choses utiles à savoir au sujet de cette liste supposée
de 49 médicaments antipaludiques.
1- Une très vieille fausse liste
« La liste des médicaments contre le paludisme, retirés du
marché dans l’Union européenne. Il est prouvé que ces médicaments sont à
l'origine de l'insuffisance rénale qui tue spontanément ». Voilà le paragraphe
qui introduit cette liste supposée des 49 médicaments antipaludiques,
abondamment publiée sur WhatsApp. Les vérifications effectuées montrent que la
publication circule sur internet depuis au moins 2006.
2- Liste rallongée
Le nombre de médicaments cités sur cette liste évolue
d’année en année, et les réseaux sociaux, sans que l’on ne sache vraiment qui
le réchauffe. Entre 2006 et 2023, la liste est passée de 42 à 49 médicamentsanti palu.
Cette publication a circulé et continue de circuler dans
plusieurs pays africains. En 2018 au Cameroun, elle avait suscité une polémique
obligeant le ministère de la Santé du pays à sortir un communiqué (en anglais)
pour « rassurer sur le fait que ces médicaments antipaludiques en monothérapie
ont été retirés depuis 2006 du marché (…) » et que « depuis, aucun médicament
oral contre le paludisme en monothérapie n’a reçu d’autorisation de mise sur le
marché au Cameroun ».
Au Bénin, Dr Yossounon Chabi, directeur général de l’Agence
béninoise du médicament et des autres produits de Santé (Abmed), ignore
lui-aussi « ceux qui alimentent la circulation de ces fausses informations
depuis plusieurs années » et rassure que « ces médicaments n’existent plus sur
notre marché depuis plusieurs années ». Au sujet de l’insuffisance rénale
évoquée, Dr Yossounon Chabi informe qu’« il n’y a aucune étude qui le prouve ».
3- Démenti du régulateur européen
L’Agence européenne du médicament (Ema) ne se reconnaît pas
à travers la liste des 49 médicaments en question. « Nous ne connaissons pas
cette liste de médicaments que vous avez partagée avec nous. Veuillez noter
qu'aucun des médicaments de la liste n'a été évalué par l'Ema dans le cadre de
la procédure centralisée… », a répondu le service de presse de l’Agence,
contacté par courriel. C’est aussi un paradoxe que cette publication refasse
surface dans un contexte où le paludisme n’existe plus en Europe. Dans son
rapport 2021 sur le paludisme dans le monde, l’Organisation mondiale de la
Santé (Oms) affirme que « depuis 2015, la région Europe de l’Oms est exempte de
paludisme. Le dernier cas de paludisme indigène a été rapporté en 2014 par le
Tadjikistan. Durant la période 2000-2020, aucun décès par paludisme indigène
n’a été signalé dans la région ». Au regard de ceci, il n’y a donc pas de
raison de commercialiser d’antipaludiques en Europe, jusqu’à constater que leur
consommation provoquerait une soi-disant insuffisance rénale.
Verdict
L’Ema n’a pas statué sur cette liste de 49 médicaments. La
publication faisant état d’antipaludiques retirés du marché européen est
fausse. Le directeur de l’Abmed souligne que ces médicaments n’existent plus
sur le marché béninois depuis plusieurs années. L’Ema de son côté affirme
qu’elle ne connaît pas cette liste qui circule.