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Apollinaire Avognon au sujet de l’audit du fichier électoral: “Nous voulons que la prochaine extraction soit la plus fiable possible”

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Apollinaire Wilfried Avognon Apollinaire Wilfried Avognon

Apollinaire Wilfried Avognon, président du parti Nouvelle Force Nationale, membre du Cadre de concertation des forces politiques de l'opposition, évoque les tenants et les aboutissants de l’activisme de l’opposition à propos de l’audit de la ‘’Liste électorale’’, dans la perspective des élections de 2026. Il se prononce au passage sur la gouvernance Talon.

Par   Arnaud DOUMANHOUN, le 31 déc. 2024 à 08h01 Durée 3 min.
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La Nation : Quel est le statut juridique du Cadre de concertation de l’opposition ? 

Apollinaire Wilfried Avognon: Je voudrais faire référence à deux lois. Dans un premier temps, la loi 2019-45 portant statut de l'opposition dit que les partis politiques de l'opposition jouissent de toutes les libertés publiques que confère la Constitution, et je pense que la liberté d'association est un droit reconnu par notre Constitution. Dans la charte des partis politiques, l’article 33 évoque la coopération inter-partis politiques et prévoit même des dispositions de transfert de ressources financières.

Les décisions du cadre de concertation s’imposent-elles à tous ses membres ?

Les décisions du cadre de concertation sont prises par consensus conformément à son règlement intérieur. Imaginez-vous que nous nous mettions ensemble pour prendre des décisions par consensus, donc volontairement, sans contrainte aucune, et que cela ne s’impose pas à tous, ce serait une contradiction.

Quelles sont les principales missions du cadre de concertation ?

L’objectif global se rapporte à trois choses essentielles. En premier, déverrouiller tous les obstacles en ce qui concerne les conditions d’organisation des élections, relativement à la loi ou autres. Il faut donc créer les conditions de participation et de transparence nécessaires à des élections libres et inclusives en 2026. Le deuxième objectif, c’est de travailler au respect des droits de l'homme. Le troisième objectif que nous nous sommes assigné est de travailler à mettre la pression sur le gouvernement afin qu’il puisse penser à la souffrance de notre peuple.

Le parti d’opposition Fcbe n’est pas membre de votre cadre de concertation. Quels sont vos rapports avec cette formation politique ?

Je voudrais d’abord vous rassurer de ce que le cadre de concertation des forces politiques de l'opposition est ouvert à tout le monde. C’est le résultat d'un long processus et à toutes les rencontres préparatoires, toutes les formations politiques ont été approchées. Quand nous avions animé une conférence de presse pour dénoncer certaines dispositions du Code électoral, la Fcbe était à nos côtés. Quelques jours après, elle ne participait plus à nos réunions. Faut-il les obliger à s’asseoir avec nous ? Ce qui justifie notre degré d’inclusivité, vous l’aurez remarqué, dans le processus de consultation pour l’audit de la Liste électorale informatisée (Lei), nous avions écrit à toutes les formations politiques de la mouvance, et à celles de l’opposition, dont la Fcbe. Tout le monde nous a répondu, sauf cette formation politique dont vous parlez. Le seul qui n’a pas reçu la correspondance, quand il a su l’objet, c’est le président du parti Restaurer l’espoir.

Vous parliez de ''déverrouiller les goulots d’étranglement''. Quels sont les points de fixation à ce propos ?

Le plus important aujourd'hui, c'est le code électoral. Les questions liées à l'attribution des sièges, à la surveillance des votes, à la représentativité des formations politiques en lice. Au niveau des organes qui travaillent à l'organisation des élections à savoir la Cena, la Cour constitutionnelle, la Haac, l'opposition n'est pas représentée. Il faut travailler à ce que tous ces goulots soient levés.

Le code a tout de même prévu des accords législatifs, des accords de gouvernance entre partis. N'est-ce pas là une ouverture ?

Tout est fait à dessein. Ils savent que si les élections sont libres et transparentes, ils pourraient avoir une assemblée monocolore composée de l'opposition. Avec cette possibilité, ils s'assurent d'y être à travers cet accord et, dans leur meilleur schéma, ils remettent une assemblée monocolore de la mouvance, comme ce fut le cas lors de la 8ᵉ législature. 

A propos de l'audit du fichier électoral que vous réclamez, après le feu vert du président Patrice Talon, qu'est-ce qui justifie votre réaction tardive, soit un an après ?

L'audit du fichier électoral est un travail scientifique. C'est un travail d'experts, comme en témoignent les termes de référence. Je voudrais remercier le parti Les Démocrates qui n'a pas voulu faire l'exercice seul. Dans un premier temps, ils y ont associé toutes les formations politiques qui parlent le même langage qu'eux. Et au niveau du parti Nouvelle Force Nationale, nous leur avons dit : prenons notre temps, prenons toutes les dispositions scientifiques pour avoir des termes de référence qui ne présentent aucune insuffisance et éviter que l'on dise que les résultats de l'audit sont contestés. Cela a pris du temps. 

De façon pratique, comment va se dérouler l'audit de la liste ?

L'objectif de l'audit est de pouvoir corriger les insuffisances. On extrait du registre national les Béninois en âge de voter. On interroge ce registre à partir des codes informatiques pour savoir, les Béninois qui atteindront l'âge de voter, les personnes décédées, les étrangers, les personnes jouissant de leurs droits civiques, et aussi pour s'assurer que les électeurs sont répartis dans les postes de vote les plus proches de leur domicile.

La peur, c'est qu'on dise que les gens sont mal élus ou élus sur la base d'une mauvaise liste. Mais nous ne sommes pas dans cette logique. Nous voulons que la prochaine extraction soit la plus fiable possible. Donc, il faut créer un mécanisme afin que tous les citoyens puissent également vérifier la liste électorale et faire des observations pour qu'elle soit corrigée au plus tôt avant la prochaine extraction. Nous sommes passés par exemple de 18 000 postes de vote à 55 000 postes, selon la Cena. Cela montre qu'il y a plusieurs dispositions à prendre avant l'extraction.

Dans les profils recherchés pour l'audit, nous aurons besoin d'un expert en droit, d'un informaticien, d'un statisticien-démographe, etc. Ces experts seront recrutés à travers un appel ouvert, par le Comité de pilotage que nous allons mettre en place, afin qu'on ne dise pas que c'est l'opposition qui a choisi ses experts.

Toujours à propos de l'audit du « fichier électoral », vous avez livré un devis (environ 200 millions) que d'aucuns ont jugé exorbitant. Que répondez-vous ?

Je voudrais inviter les uns et les autres à s'informer sur le coût de l'audit du fichier électoral du Sénégal. Les choses ont été faites suivant les normes internationales et nationales, notamment sur le décret sur les frais de mission selon le grade. Ce n'est d'ailleurs qu'un projet. Prenons toutes les dispositions, quoi que cela nous coûte, afin que les Béninois puissent passer les élections dans la paix.

Cadre de l'opposition formalisé, financement public des partis politiques. Quelle appréciation faites-vous des réformes politiques récemment mises en œuvre ?

C'est vrai que toute entreprise humaine est entachée d'imperfections. Prenez par exemple la loi 2019-45 portant statut de l'opposition. Elle décrit sans ambiguïté qui est le chef de file de l'opposition selon les cas. Mais pourquoi prévoit-elle par la suite la prise d'un décret pour nommer un chef de file de l'opposition ? Prenons le cas de la loi sur le financement public des partis politiques, qui établit que les financements sont destinés à cinq choses dont la formation des militants, la participation à l'animation de la vie politique, la participation aux élections. Ailleurs, c'est un bonus qui est donné à ceux qui ont plus de représentants dans les instances décisionnelles du pays.

Contrairement à 2010 où le pouvoir d'alors n'avait pas accédé à la requête de l'opposition d'une révision de la liste électorale, aujourd'hui, c'est chose possible. Et au parlement, le gouvernement se prête régulièrement aux questions des députés de l'opposition. N'est-ce pas là un signe de vitalité de la démocratie béninoise ?

Il faut rappeler que le Conseil d'orientation et de surveillance de la Liste (Cos-Lépi) était composé de la société civile, de la mouvance et de l'opposition. Donc, toutes les composantes y étaient représentées. Les contextes ne sont pas les mêmes. L'Agence nationale d'identification des personnes (Anip), qui a aujourd'hui la charge d'extraire du registre national le fichier électoral, est une structure de l'administration sous tutelle du président de la République. 

Au Parlement, l'opposition s'illustre par son rejet mécanique de la loi de finances. Pourquoi une telle attitude quand on sait que tout budget est appelé à répondre aux attentes des populations, y compris les mandants des députés de l'opposition ?

Le rejet d'un budget est aussi prévu par la loi. L'essentiel, ce sont les arguments ayant conduit à ce rejet. Par exemple, à propos de la prise en charge des personnes dialysées dans le budget, seuls les agents de l'Etat peuvent en jouir...

Au-delà des postures politiques, n'y a-t-il aucun aspect de la gouvernance du président Patrice Talon depuis 2016 qui trouve grâce à vos yeux ?

Quand vous prenez les réformes intervenues dans le cadre de la digitalisation, la modernisation de l'administration, ce sont des choses à saluer. Quelques rues ont été réalisées et j'apprécie, mais d'autres gouvernements ont également réalisé ces infrastructures. De nouveaux marchés sont construits et nous espérons que les conditions d'entretien et d'accessibilité seront à la hauteur. Toute entreprise est entachée d'imperfections, et c'est de notre responsabilité d'en parler.