La Nation Bénin...
La
liberté de la presse ! Un véritable chantier de tâches multiples et complexes
ouvert depuis trois décennies pour consolider et développer la démocratie et
l’Etat de droit en République du Bénin. Focus sur une institution dont la
création et la vie ne laissent pas les Béninois indifférents.
Dès
les premières années de l’indépendance du Dahomey, les journalistes ont été
confrontés à des tribulations et vexations diverses dans l’exercice de leur
profession. De 1960 à 1972, la situation dans le monde des médias était plus ou
moins confuse en ce qui concerne les conditions d’exercice, en rapport avec
l’affirmation de la liberté de la presse aussi bien dans la première
Constitution que dans les autres qui seront adoptées par les différents
régimes.
Dans
toutes les Constitutions, la liberté de la presse a été inscrite au nombre des
principes qui doivent guider la conduite de l’Etat. La Constitution d’août
1977, tout en affirmant la primauté du Parti de la révolution populaire du
Bénin (Prpb) sur toutes les activités de la vie nationale ne fait pas
l’économie de l’affirmation de la liberté de la presse afin de donner des gages
de légitimité et de légalité pour le régime du Parti-Etat. Mais, dans la
réalité, d’un régime à un autre, le monde de l’information et ses travailleurs
subissaient chaque fois le diktat des maitres du moment, dès que le pays
entrait dans une zone de turbulence, plus ou moins longue.
Les
débats au cours des travaux de la Conférence nationale de 1990 ont fait
apparaitre nettement que la démocratie et l’instauration de l’Etat de droit ne
peuvent être effectives sans la liberté de la presse et l’indépendance des
journalistes dans l’exercice de leur métier. Le professionnalisme des
journalistes des organes de presse gouvernementaux, tant dans les relations
factuelles que dans les commentaires et analyses, pendant les dix jours des
assises, a mérité une motion de félicitations des participants.
Mais,
la nécessité de dépasser enfin la proclamation, sans lendemain, de la liberté
de la presse dans la Constitution n’a pas été aisée à mettre en œuvre. Il a
fallu un temps relativement long pour que les protagonistes de la scène
politique parviennent à s’entendre sur le mécanisme institutionnel de mise en
application de la disposition prévue par la Constitution, qui dit : « La
liberté de la presse est reconnue et garantie par l’Etat. Elle est protégée par
la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication dans les conditions
fixées par une loi organique (Haac). »
La
Haac est donc le « sésame » dont il va falloir désormais s’assurer de la
pertinence et de l’efficacité pour éviter que le domaine de l’information ne
retourne à son statut d’otage du pouvoir politique, et plus précisément du
gouvernement en place, à la prochaine crise au sommet de l’Etat. Mais la mise
en place effective de cette institution inédite dans l’histoire du pays depuis
son indépendance en 1960 va se révéler être une véritable bataille entre les
animateurs de la nouvelle classe politique qui prenait ses marques.
Une
fois l’euphorie de la Conférence nationale passée, bien de questionnements ont
surgi parmi les acteurs politiques sur le statut à conférer à la Haac dans le
nouvel arsenal institutionnel de la République du Bénin. Une institution
indépendante de toute tutelle ? Une structure administrative, à placer sous la
tutelle du ministère chargé de l’Information et de la Communication ? Quels
seront les profils des membres ; uniquement les travailleurs des médias ou
ouverture à d’autres professions compte tenu des missions de régulation du
fonctionnement des organes de presse à lui confiées ?
Pendant
l’année de la Transition, par la Loi 002 du 21 janvier 1991, le Haut Conseil de
la République avait pris soin de mettre en place le Conseil national de
l’audiovisuel et de la communication (Cnac) pour commencer à réguler le
fonctionnement des médias d’Etat, qui occupaient encore l’essentiel de l’espace
médiatique pendant que les futurs promoteurs dans le domaine s’organisaient
pour prendre leurs marques. Le Cnac aura surtout à faire ses preuves pendant
les premières élections législatives et la présidentielle de février et mars
1991. Tout le processus des campagnes électorales se fera sous son autorité,
avec la supervision du Haut Conseil de la République agissant comme Cour
constitutionnelle. Il est revenu au Cnac d’organiser et de superviser la
couverture médiatique de ces élections qui ont mis aux prises plus d’une
dizaine de listes pour les législatives et autant de candidats pour la
présidentielle.
La
Loi organique relative à la Haac a été votée par la première législature de
l’Assemblée nationale, et promulguée le 21 août 1992. Sa composition, ses attributions et son
fonctionnement ont été précisés, mais avant même son installation, il a fallu
voter en septembre 1993 une loi portant amendement des articles 15 et 16
consacrés à sa composition. En effet, sur les neuf (9) membres prévus pour constituer
l’institution, il revient à l’Assemblée nationale de désigner trois (3)
personnalités; trois (3) par le président de la République, et les journalistes
et techniciens de l’Audiovisuel élisent en assemblée générale leurs trois (3)
représentants à raison d’un pour la presse écrite, un pour la presse
audiovisuelle et un pour les techniciens.
Ce
sont les premières désignations par le Législatif et l’Exécutif qui ont fait
réagir les professionnels de l’Information, à travers l’Association des
journalistes du Bénin (Ajb), seule organisation légale et représentative des
journalistes et travailleurs des médias à l’époque. Dans la mesure où la loi
laisse au président de la République, la prérogative de nommer le président de
la Haac, après consultation du président de l’Assemblée, par décret pris en
Conseil des ministres – contrairement aux dispositions des lois organiques de
toutes les autres institutions- l’Ajb a perçu dans les premières désignations
faites par les deux institutions une volonté, à peine voilée, de récupération
dès le début. A l’origine de cette perception, les profils nettement politiques
des nommés, pour être connus comme des membres des formations politiques, voire
des candidats à divers niveaux aux élections de 1991.C’est pourquoi, l’amendement
a consisté à préciser, un tant soit peu, les compétences attendues des
personnalités en provenance de la présidence de la République et de l’Assemblée
nationale. A savoir un communicateur, un juriste et une personnalité de la
société civile.
Une
mise en place laborieuse
Mais cela n’a pas suffi à accélérer le processus de mise en place de l’institution. L’étendue des pouvoirs à lui conférer, la nature des relations qu’elle aura à entretenir avec le ministère en charge de l’Information ont été autant de points d’achoppement pendant de longs mois entre les partisans d’un démantèlement total du monopole de l’Etat dans le domaine de l’information, et ceux qui estiment qu’il n’est pas concevable que l’Etat se désengage totalement d’un domaine considéré comme très sensible dans l’organisation générale de la vie nationale. En effet, dans un Etat de droit, l’information est au départ et à l’arrivée de tout le processus d’échanges sur les faits et événements qui structurent le vivre - ensemble de toutes les composantes de la société. Et de façon particulière les participants à la Conférence nationale, toutes sensibilités confondues, ont pu se rendre comptes de la grande contribution des journalistes au succès retentissant de leurs travaux, à travers les échos qu’en ont donnés les comptes-rendus quotidiens des journalistes; bien que provenant dans leur grande majorité de la presse gouvernementale, à l’exception de quelques envoyés spéciaux de médias étrangers arrivés pour être témoins de cet événement inédit dans l’histoire contemporaine de l’ Afrique.
Une
fois la loi organique promulguée, les débats n’en ont pas moins continué
jusqu’au 14 juillet 1994, jour où furent enfin installés les neuf membres de la
première mandature de la Haac. L’institution à qui la Constitution confie
désormais la « mission de garantir et d’assurer la liberté et la protection de
la presse, ainsi que de tous les moyens de communication de masse dans le
respect de la loi » peut alors prendre ses marques pour veiller aussi «au
respect de la déontologie en matière d’information et à l’accès équitable des
partis politiques, des associations et des citoyens aux moyens officiels
d’information et de communication ».
D’une
mandature à l’autre, l’accomplissement de la mission n’a pas été une sinécure
pour les différentes équipes. Chaque mandature a été confrontée à des
problèmes, des situations plus ou moins complexes en matière de gestion de la
liberté de la presse, et de la protection des journalistes. Et cela, en cinq
années de mandat unique de 1994 à 2019 pour chaque mandature, avant
l’amendement de la Constitution de 1990 qui autorise un deuxième mandat à
partir de 2024.
Il est revenu à la première mandature (1994-1999) de poser les bases sur lesquelles la Haac doit fonder ses actions telles que prescrites par la Constitution; la première étant la mise en application de sa loi organique dont l’article 4 fait d’elle « une institution indépendante de tout pouvoir politique, association ou groupe de pression de quelque nature que ce soit ».
Ancrage
dans le paysage médiatique
L’élaboration des textes, des règlements et décisions pour ancrer la structure dans le paysage institutionnel du Bénin a été la préoccupation majeure. Le bilan peut être résumé en l’ouverture de l’espace audiovisuel pour les radios et télévisions privées en 1998, après qu’une loi a été votée en août 1997 pour la démonopolisation de l’espace audiovisuel béninois. C’est sous cette mandature que fut mise en application la disposition de la Loi organique qui associe désormais la Haac à la procédure de « nomination par le chef de l’Etat en Conseil des ministres, des directeurs des organes de presse publique » : il s’agit de la radiodiffusion et de la télévision nationales, ainsi que le directeur de la station régionale de la radiodiffusion de Parakou, le directeur général de l’office national chargé de l’édition du quotidien national d’information ainsi que son directeur de publication, et enfin le directeur de l’agence nationale de presse. L’institution et le mécanisme d’attribution de l’aide de l’Etat à la presse privée ont été aussi un volet important de l’action des premiers membres de la Haac. Enfin, l’accès équitable des partis, organisations et citoyens aux médias de service public a été un champ non moins important de ces pionniers qui ont eu à concevoir, élaborer et suivre la mise en application par les journalistes – secteur public et secteur privé- des décisions pour la préparation, et la couverture intégrale de la campagne médiatique des élections législatives de 1995 et de la présidentielle de 1996.
La
deuxième mandature (1999-2004) s’est employée
à consolider les acquis
tout en se préoccupant de veiller à ce que ces premières années de l’existence de la Haac contribuent à en
faire un pilier solide de la construction de l’Etat de droit. A l’endroit des
premiers partenaires que sont les journalistes et autres travailleurs des
médias, il s’est agi de trouver les
cadres d’échanges les plus adéquats afin que l’ensemble des questions relatives à la vie des médias, et aux conditions de
travail des animateurs commencent par
trouver des pistes de solutions . C’est ainsi que dans la cadre de la mise en
œuvre de l’aide de l’Etat à la presse privée, le projet de création d’une
infrastructure pour abriter les activités des organisations faitières a été
arrêté et réalisé. Il s’agit de la « Maison des médias – Thomas Megnansan»). Du
nom du premier Directeur de publication du premier quotidien national
d’information du Dahomey « Daho-Express », le 1er aout 1969. Il a été une
grande figure des médias nationaux ; il a été le seul représentant de la presse
béninoise à la Conférence internationale sur la presse organisée en 1991 par
l’Unesco à Windhoek (Namibie) qui a institué la Journée internationale de la
liberté de la presse, le 3 mai.
L’élaboration
d’une Convention collective applicable aux journalistes de la presse privée a
été la seconde préoccupation de la deuxième mandature. Face aux conditions de
travail et surtout la faiblesse de rémunérations- quand elles sont
versées- assurées par les promoteurs, il
fallait engager une action. La réflexion a été lancée et les premières
démarches engagées avec les associations des journalistes et des promoteurs des
médias avant la fin de la mandature. C’est avec les autres mandatures que ce
projet va connaitre des développements qui aboutiront à sa signature, sous la
supervision du ministère du Travail.
Avec
le gouvernement, une controverse interviendra à propos des nominations des
responsables des organes du service public. En effet, la mandature a voulu
revoir la procédure de sélection des candidats à proposer à nomination par le
président de la République. A l’opposé de leurs prédécesseurs qui avaient
soumis au chef de l’Exécutif une liste de noms jugés capables d’assumer les
charges, au terme des phases de sélection, les membres de la mandature ont
estimé qu’ils pouvaient communiquer les seuls noms des personnes estimées par
la Haac à être nommées aux différents postes. Cette procédure n’a pas reçu
l’assentiment du gouvernement. Une
controverse a fini par naitre entre les deux institutions, particulièrement sur
le candidat à nommer pour le poste de directeur général de l’Office de
radiodiffusion et télévision du Bénin (Ortb). En fin de compte, le gouvernement
a fait son choix sur la liste des postulants sélectionnés par la Haac, sans
tenir compte de l’ordre des notations, comme elle l’avait souhaité. Une fois le
nom de l’intéressé publié à l’issue du Conseil des ministres, le président de
la Haac, et un citoyen ont saisi la Cour constitutionnelle pour violation de la
disposition de la Loi organique relative à la procédure des nominations. Dans
sa décision, la Cour a statué que «lorsque la proposition à nomination est
obligatoire, l’autorité ayant pouvoir de nomination ne peut que choisir sur la
liste de candidats à elle proposée ; que le cas échéant, elle peut demander de
nouvelles propositions ; que l’organisme consultatif propose plusieurs
candidats entre lesquels l’autorité de décision fait son choix ». Suite à cette
décision, il est apparu que l’institution de régulation des médias doit se
préparer à gérer des situations du genre avec l’Exécutif qui pendant des
décennies avait un pouvoir de direction et de gestion sans partage sur les
organes de presse publique.
La
troisième mandature (2004-2009) a été aussi confrontée à cette même situation
de malentendu avec le gouvernement pour les nominations. Le processus a connu
un total blocage ; ce qui n’a pas empêché le gouvernement de désigner des
personnes aux postes de directeurs généraux de l’Ortb et de l’Abp qu’il fallait
pourvoir. Cette fois-ci, ce sont des citoyens qui ont saisi la Cour ; cette
dernière a statué que, et le gouvernement et la Haac ont violé la Constitution.
Pour ne pas avoir poursuivi les échanges afin de parvenir à un consensus ?
Toujours est-il que la procédure n’a pas été reprise, et les directeurs nommés
sans proposition de la Haac sont restés à leur poste respectif, jusqu’à la fin
de la mandature. Il y a eu un autre
point de friction avec l’Exécutif. Il
s’agit de l’attribution de fréquences à de nouveaux promoteurs de
radiodiffusions et de télévisions par la Haac, conformément à la Loi organique
et à la loi sur la démonopolisation de l’espace audiovisuel. L’institution a
lancé et conduit le processus jusqu’à la phase de sélection et de publication
de la liste des promoteurs admis à bénéficier des nouvelles fréquences. Il
revenait ensuite au ministère chargé de l’Information de produire le rapport
technique sur la disponibilité effective des fréquences attribuées, avant la
signature des conventions entre la Haac et les promoteurs. A aucune étape de la
procédure, en particulier lors de la publication du tableau des fréquences
retenues pour attribution, le ministère ne s’est manifesté pour faire des
observations. Les candidats ont payé au Trésor public les frais exigés, mais au
dernier moment, le gouvernement, par la voix du ministre de l’Information a
annoncé l’indisponibilité de fréquences. Le dossier est resté en l’état jusqu’à
la fin de la mandature aussi.
L’action
de la quatrième mandature (2009-2014) a été marquée par l’instauration des auditions
publiques des promoteurs et des responsables des rédactions des
organes dont les prestations ont
été épinglées pour violation de la déontologie journalistique .Par cette approche , la Haac
entendait mettre en application la
disposition de l’article 6 de la Loi organique
qui l’invite à « prendre toute initiative et organiser toute action de nature à
accroitre le respect de la déontologie et de l’éthique , la conscience
professionnelle .» Cet exercice, présenté comme « une approche pédagogique », a
conduit plusieurs responsables de médias à défiler devant les neuf membres de
la Haac, assistés des directeurs techniques, pour s’expliquer sur certaines de
leurs productions jugées comme non
respectueuses, aussi bien du Code de déontologie de la presse béninoise, que
des dispositions de la Loi organique et du Code pénal dans sa partie concernant
les délits en matière de presse. Le cas
le plus significatif a été celui du quotidien « Le Béninois libéré », à qui il
sera reproché le contenu d’un article qualifié de délit d’offense non seulement
au chef de l’Etat béninois, mais aussi à ses pairs du Conseil de l’Entente
arrivés à Cotonou pour un Sommet. A l’issue d’une audition houleuse, la
décision de mettre fin à la parution du journal est prise, ainsi que
l’interdiction de toute activité dans un organe de presse du Bénin à son
directeur général et au directeur de publication. Mise en application, sans
délai, la décision est déférée par l’avocat du journal devant la chambre
administrative de la Cour suprême qui l’invalidera au terme de deux années de
procédure judiciaire. Le journal a pu
reprendre ses parutions, avec son équipe de responsables.
Des
décisions controversées
Installée en juillet 2014, la cinquième mandature (2014-2019) va rester dans l’histoire de la régulation des médias comme celle dont le président a suspendu la parution d’un quotidien dans un premier temps, avant que l’institution ne prononce son interdiction de parution. Il s’agit de « La Nouvelle Tribune » dont les démêlés avec la Haac ont focalisé l’attention de l’opinion, au Bénin comme à l’étranger, pratiquement pendant toute la dernière année de la mandature. En effet, c’est le 23 mai 2018 que, le président de la Haac signe la décision suite à une série d’articles indexés comme « donnant dans le registre injurieux, attentatoire à la vie privée du chef de l’Etat, et ignorant la responsabilité sociale du journaliste ». L’audition du directeur de publication ne permettra pas de trouver une solution à une situation qui se transforme plutôt en un dialogue de sourds ; dans ce cas aussi, la controverse a duré jusqu’à la fin de la mandature. Il faut attendre juillet 2021 pour que la Cour d’appel saisie, se prononce pour la levée de l’interdiction.
C’est
aussi au cours de cette cinquième mandature qu’une station de radiodiffusion va
connaitre une situation qui tient tout à la fois d'un imbroglio technique,
juridique et politique. Après avoir satisfait aux exigences légales et
administratives, la radio « Soleil Fm » est autorisée à émettre, principalement
sur les villes de Cotonou, Porto-Novo et ses agglomérations. Mais des problèmes
de brouillage de ses émissions sont constatés par le promoteur, et signalés à
la Haac. Les investigations sur le phénomène n’aboutissent à aucune solution
concrète. Par ailleurs, le promoteur – un homme d’affaires bien en vue – qui
avait installé les studios de production à Cotonou, alors que le siège,
l’administration et les infrastructures de diffusion sont dans la Commune de
Sèmè-Kpodji est sommé de déménager les studios dans cette localité, présentée
comme le siège de l’entreprise au moment de la signature de la convention
d’installation. Sur un autre plan, le promoteur aurait fait savoir à la Haac
que son entreprise avait été constituée comme une société de diffusion de droit
français. Situation qui va être considérée comme une manœuvre pour ne pas
répondre, le cas échéant, à certaines interpellations de l’institution de
régulation des médias béninois.
Candidat
à l’élection présidentielle de 2016, le promoteur, arrivé troisième au premier
tour et qui a décidé de faire partie de l’alliance des partis qui vont soutenir
le candidat arrivé deuxième au premier tour, se retrouve impliqué dans une
affaire de trafic de drogue, dès l’avènement du candidat à qui il avait apporté
son soutien. C’est pour lui le début de difficultés avec la justice, et qui
vont l’amener à quitter le Bénin alors que la procédure pour faire la lumière
sur l’affaire suivait son cours. Sa condamnation par contumace est prononcée,
mais ses avocats ont vu dans le verdict un règlement de compte politique entre
lui et le président élu. Même s’il faut se garder de toute considération politicienne,
les tribulations politico- judiciaires du promoteur ne sont pas totalement
étrangères à la disparition de «Soleil Fm » du paysage médiatique béninois,
suite à la situation de précarité dans laquelle les travailleurs se sont
retrouvés.
Les
membres de la sixième mandature ont débuté leur exercice le 14 juillet
2019. La gestion médiatique de
l’élection présidentielle de 2021 a été le premier dossier majeur auquel ils
ont été confrontés. Cette activité, que
chaque équipe est appelée à mener avant la fin de l’unique mandat de cinq ans,
en vigueur jusqu’aux amendements à la Constitution de 1990 votés en novembre
2019, qui autorisent pour l’institution un second mandat pour les membres. Par
ailleurs, le processus de sélection des représentants des médias a connu un
changement significatif en devenant une véritable opération électorale conduite
par la Haac, assistée de la structure nationale chargée des élections en
République du Bénin, à savoir la Commission électorale nationale (Cena).
Mais,
en attendant de passer la main à leurs successeurs, les membres de la sixième
mandature laissent un important dossier de régulation ouvert en août 2023.En
effet, le 8 août, la Haac rendait publique une décision suspendant « jusqu’à
nouvel ordre » toutes les publications du Groupe la Gazette du Golfe « pour
apologie des coups d’Etat ». Quelques jours plus tôt, l’institution avait
diffusé un communiqué invitant les médias béninois à éviter de «faire
l’apologie des coups d’Etat », suite à la prise du pouvoir par les militaires
au Niger, le 26 juillet 2023. Elle a
estimé que le traitement de l’événement par la télévision Golfe Tv n’a pas tenu
compte du communiqué qui pouvait être considéré comme une mise en garde. Dix
mois après, alors que l’institution se prépare à tourner une fois de plus une
page de son histoire, la suspension de parution de toutes les publications du
premier groupe indépendant de presse privée du Bénin constitue un sérieux point
d’interrogation dans la vie et le cheminement de la Haac, trente années après
sa création.
En trois décennies, l’institution de régulation des médias et des activités de communication a connu des péripéties qui montrent la complexité et la délicatesse des questions dont le traitement relève de sa compétence, conformément à la Constitution et aux textes qui fondent son action.
Une
grave insuffisance
Chacune des mandatures a eu à gérer toutes les implications médiatiques des élections législatives et présidentielles organisées pour asseoir l’Etat de droit et la démocratie après la Conférence nationale de février 1990. C’est une tâche principale, voire capitale dont toutes les mandatures se sont acquittées très correctement. En effet, aucune crise, post ou préélectorale, n’est née de la manière dont la Haac gère cette étape essentielle dans la préservation et la consolidation de la démocratie. Ces activités intenses, parfois complexes et difficiles dans le suivi des prestations des médias ont été globalement menées avec la rigueur et l’autorité nécessaires, chaque fois que de besoin.
La
question du respect de la déontologie est apparue comme étant le point
d’achoppement que chaque mandature a traité selon le contexte politique du
moment, et surtout son appréciation de la gravité des prestations indexées.
Certaines décisions, en particulier les interdictions et suspensions de
parutions ont été objet de controverses non seulement au niveau des
journalistes mais aussi de l’opinion. Surtout quand les mesures dites
conservatoires finissent malheureusement par entrainer la fermeture des organes
par les promoteurs, incapables d’assurer leurs responsabilités financières de
tous ordres quand une solution n’est pas trouvée dans un délai raisonnable avec
la Haac. Il est, en effet, regrettable qu’une mandature laisse « en héritage »
la suspension ou la fermeture d’une entreprise de presse qui totalise des
années de fonctionnement appréciables : comme c’est le cas avec le groupe « La
Gazette du Golfe », véritable pionnier de la presse privée au Bénin depuis
1987, année de parution du magazine écrit, avant son développement par la
création de la radio et la télévision en 1997-1998. Certes, les décisions de la Haac sont
susceptibles de recours devant la Cour constitutionnelle et la Cour suprême, selon
la nature du manquement mis en cause, mais chaque mandature devrait se donner
l'impératif de résoudre les problèmes survenant lors de son exercice.
En
trente années d’existence et de fonctionnement, la Haac, paradoxalement, doit
faire face à une insuffisance assez grave: le manque de communication sur ses
activités aussi bien à l’endroit des travailleurs des médias que l’opinion
publique. C’est une lacune à combler, en tirant les enseignements idoines des
différentes réactions enregistrées pendant ce parcours de trois décennies. Une
approche pourrait être la création d’une publication périodique sur les
activités phares de l’institution, et en fin de mandat chaque mandature doit
rendre publique une synthèse des tâches identifiées et exécutées pendant son
exercice. L’expérience a été engagée par la deuxième mandature, mais n’a pas eu
de suite.
(Conseiller à la Haac – 1990-2004)