La Nation Bénin...
L’Exécutif
béninois a réagi aux 41 pétitions enregistrées par le Parlement au lendemain du
vote de la loi sur la chefferie traditionnelle, expliquant aux contestataires
les raisons pour lesquelles leurs organisations n’ont pas été prises en compte.
De
Savi à Banikoara, passant par Athiémé, Sahouè, Djougou et bien d’autres encore,
41 organisations traditionnelles ont saisi l’Assemblée nationale au lendemain
du vote de la loi sur la chefferie traditionnelle, afin que leurs structures
traditionnelles soient intégrées dans le texte de loi. En réaction à leurs
pétitions, le gouvernement a expliqué pourquoi elles n’ont pas été prises en
compte. La réaction de l’Exécutif, selon la Commission des Lois, repose sur les
réponses apportées par le Comité technique ayant travaillé sur le texte de loi.
Sur
les diverses préoccupations relatives au royaume du Danxomè dans le projet de
loi sur la chefferie traditionnelle, le gouvernement a indiqué qu’il est resté
conforme à la réalité historique, rappelant qu’il n’a pas vocation à remettre
en cause ou modifier les modes de dévolution du pouvoir en vigueur et admis
dans la communauté. A Savi, des voix estiment que la localité devrait être un
royaume. «L’historicité du royaume de Sahé et non de Savi n’est pas à démontrer
», reconnait le gouvernement. Toutefois, sur le plan politico-militaire, entre
autres, poursuit-il, « le royaume de Sahé dut livrer des guerres contre Allada.
Sahé tomba également dans la convoitise de Danhomè qui, par des ruses et des
stratégies de guerres, vint à bout du royaume. Sahé disparut sous les flammes
le 7 février 1727». Le royaume a alors disparu et la loi actuelle en a tenu
compte.
Dékamè,
Dèdomè, Sahouè, Illikimou, Bantè et plusieurs autres réclament aussi un statut
de royaume. Pour chaque cas, l’exécutif a démontré comment et pourquoi les
pétitionnaires n’ont pas raison, se basant chaque fois sur le travail du Comité
technique. «Bantè a été pris en compte au titre de chefferie supérieure. C’est
une organisation sociale moyennement centralisée», explique-t-on par exemple.
La
demande de reconnaissance officielle de la royauté de Kandi ne passe pas non
plus. « La demande de la reconnaissance de la royauté de Kandi est irrecevable.
Tout récemment, le chef de Kandi a été sommé de quitter Niki parce qu’il s’est
présenté à la cour avec un turban blanc comme un roi. Il n’en a pas le statut :
il est un guerrier wasangari installé là ; il rendait des comptes au roi de
Niki. Par conséquent, le monde baatonnu verrait d’un mauvais œil cette
violation flagrante du droit traditionnel et susciterait des revendications en
chaîne moins fantaisistes », a indiqué le gouvernement après un court rappel
historique édifiant.
A
Toviklin, le gouvernement a estimé que la localité n’a jamais été un royaume,
contrairement à ce que soutient sa pétition. « Au cours des travaux de terrain
réalisés en 2022 et 2023, il est appris que Toviklin est une chefferie dirigée
par une reine du nom de Adjignon Guinlitodji Natabou. Elle aurait ses
représentants dans tous les villages de Toviklin et dans la plupart des
communes du Couffo. Elle succède à son père qui fut un agent de santé
reconverti en guérisseur traditionnel. Cependant, l’antériorité historique de
cette ‘‘chefferie’’ n’a pu être établie », a indiqué le gouvernement sur la
base des informations fournies par le Comité.
La
prise en compte du pouvoir traditionnel Dendi à Karimama comme royauté n’est
pas validée, mais Karimama est considéré comme une chefferie supérieure. « Dans
la nomenclature des chefs, il n’y a pas d’émirat. L’émirat est religieux et non
politique. Ce sont les princes de Gaya qui sont venus s’installer à Karimama.
Ils sont partie prenante de l’organisation nigérienne. On a plusieurs cas ; par
exemple : Senru Kpéru, Okuta du Nigéria,… Les populations autour de Karimama ne
reconnaissent pas l’autorité de l’Emir parce qu’il est étranger à leur
tradition », souligne le gouvernement, avant de poursuivre. « Il y a dans le
territoire des Dendi, des Fulbe, des Gulmaceba, des Tchenga… Cette diversité
pose le problème d’une cohésion garante d’une éventuelle unité politique.
Chaque groupuscule a son leader auquel il est soumis ». Pour cette raison,
Karimama ne rentre pas dans la catégorie des royaumes, mais plutôt de chefferie
supérieure.
Autres pétitions rejetées…
Il
est rapporté dans une pétition que Banikoara serait un royaume et son 14e roi
aurait même signé un traité avec les Français. Mais pour le Comité et le
gouvernement, Banikoara ne saurait être évoqué dans le concert des chefferies
traditionnelles. « Banikoara a un statut confus parce que c’est le point de
rencontre de plusieurs groupes : Baatombu (stricto sensu), Waaba, Gulmaceba,…
Seule la localité de Ounet est nettement marquée Wassangari parce que le roi de
Niki y a pris femme et a eu des enfants. La branche dynastique Tosu qui fonda
le royaume de Bouè y est fortement implantée», explique-t-on. De plus, « il y a
d’autres raisons qu’on tait par décence : chaque discipline a aussi une
déontologie qu’on respecte. Dans le territoire de Banikoara, il y a Ounet qui
est visible. Ounet est rattaché à Bouè et le chef de Ounet participe aux
réunions des Tosu de Bouè. Au total, Banikoara est hybride pour les raisons
évoquées ci-dessus et ne saurait être évoqué dans le concert des chefferies
traditionnelles du Borgou », a répondu l’Exécutif béninois.
La
demande d’intégration de la chefferie traditionnelle Sanga de Toucountouna bute
aussi. Ici, il a été signalé que les chefferies de l'Atacora ouest et de la
Donga ont été prises en compte à travers un regroupement suivant des
organisations sociolinguistiques en présence. Celles-ci sont pour la plupart
dominées par une organisation sociopolitique religieuse (le chef détenant
également et surtout le pouvoir religieux). « La chefferie traditionnelle Sanga
de Toucountouna est bel et bien prise en compte lorsqu'on évoque la chefferie
coutumière des Natemba. Le cas de Toucountouna n’est pas pensable isolément ;
on est dans une société acéphale », estime le pouvoir central.
La
chefferie de Odougba fait partie des pétitionnaires. La réponse donnée est que
cette localité n’a jamais été référencée dans une quelconque littérature
scientifique et que même les traditions orales à ce jour, ne retracent pas un
statut de chefferie à cette localité qui reste un village parmi tant d’autres.
A Vossa, après le règne du premier roi, aucune chefferie n’a pu prospérer à
l’installation du colon français. C’est la réponse du gouvernement à la
pétition des autochtones de Vossa pour invalider leur requête. Le Cas de la
chefferie traditionnelle de Gbanlin est le même que celui de Vossa et bien
d’autres encore. « La date du supposé règne du roi Sossa Katisso 1895-1944
prouve qu’il s’agit d’un récit qui ne peut prospérer. Aucune chefferie n’a pu
prospérer à l’installation du colon français. Cette seule référence invalide la
requête », a argué le gouvernement.
Djègbé
souhaite le titre de chefferie traditionnelle. Or, Ouessè est considéré comme
la chefferie des Mahi qui reconnait l’autorité royale de Savalou à qui est
faite allégeance, rappelle-t-on. A Porto-Novo, Houézénou serait une dynastie
royale. Là encore, recours est fait à l’histoire. « Migan est désigné premier
ministre par Tofa à Hogbonou. Le groupe issu des Migan ne saurait réclamer une
autorité royale. Il est au service du roi », insiste le gouvernement.
Pobè réclame aussi son statut de royaume. En réponse, l’Exécutif affirme que la ville a valeur d’entité religieuse et non politique. Et qu’en raison de leur fonction spécifique, les entités religieuses ne sont pas prises en compte dans ce projet de loi.