La Nation Bénin...

Loi sur la chefferie traditionnelle: La réponse du gouvernement aux 41 pétitions reçues

Actualités
Face aux pétitions relatives à la loi sur la chefferie traditionnelle,  le gouvernement apporte des réponses Face aux pétitions relatives à la loi sur la chefferie traditionnelle, le gouvernement apporte des réponses

L’Exécutif béninois a réagi aux 41 pétitions enregistrées par le Parlement au lendemain du vote de la loi sur la chefferie traditionnelle, expliquant aux contestataires les raisons pour lesquelles leurs organisations n’ont pas été prises en compte.

 

Par   Ariel GBAGUIDI, le 28 mars 2025 à 06h52 Durée 3 min.
#Loi sur la chefferie traditionnelle

De Savi à Banikoara, passant par Athiémé, Sahouè, Djougou et bien d’autres encore, 41 organisations traditionnelles ont saisi l’Assemblée nationale au lendemain du vote de la loi sur la chefferie traditionnelle, afin que leurs structures traditionnelles soient intégrées dans le texte de loi. En réaction à leurs pétitions, le gouvernement a expliqué pourquoi elles n’ont pas été prises en compte. La réaction de l’Exécutif, selon la Commission des Lois, repose sur les réponses apportées par le Comité technique ayant travaillé sur le texte de loi.

Sur les diverses préoccupations relatives au royaume du Danxomè dans le projet de loi sur la chefferie traditionnelle, le gouvernement a indiqué qu’il est resté conforme à la réalité historique, rappelant qu’il n’a pas vocation à remettre en cause ou modifier les modes de dévolution du pouvoir en vigueur et admis dans la communauté. A Savi, des voix estiment que la localité devrait être un royaume. «L’historicité du royaume de Sahé et non de Savi n’est pas à démontrer », reconnait le gouvernement. Toutefois, sur le plan politico-militaire, entre autres, poursuit-il, « le royaume de Sahé dut livrer des guerres contre Allada. Sahé tomba également dans la convoitise de Danhomè qui, par des ruses et des stratégies de guerres, vint à bout du royaume. Sahé disparut sous les flammes le 7 février 1727». Le royaume a alors disparu et la loi actuelle en a tenu compte.

Dékamè, Dèdomè, Sahouè, Illikimou, Bantè et plusieurs autres réclament aussi un statut de royaume. Pour chaque cas, l’exécutif a démontré comment et pourquoi les pétitionnaires n’ont pas raison, se basant chaque fois sur le travail du Comité technique. «Bantè a été pris en compte au titre de chefferie supérieure. C’est une organisation sociale moyennement centralisée», explique-t-on par exemple.

La demande de reconnaissance officielle de la royauté de Kandi ne passe pas non plus. « La demande de la reconnaissance de la royauté de Kandi est irrecevable. Tout récemment, le chef de Kandi a été sommé de quitter Niki parce qu’il s’est présenté à la cour avec un turban blanc comme un roi. Il n’en a pas le statut : il est un guerrier wasangari installé là ; il rendait des comptes au roi de Niki. Par conséquent, le monde baatonnu verrait d’un mauvais œil cette violation flagrante du droit traditionnel et susciterait des revendications en chaîne moins fantaisistes », a indiqué le gouvernement après un court rappel historique édifiant.

A Toviklin, le gouvernement a estimé que la localité n’a jamais été un royaume, contrairement à ce que soutient sa pétition. « Au cours des travaux de terrain réalisés en 2022 et 2023, il est appris que Toviklin est une chefferie dirigée par une reine du nom de Adjignon Guinlitodji Natabou. Elle aurait ses représentants dans tous les villages de Toviklin et dans la plupart des communes du Couffo. Elle succède à son père qui fut un agent de santé reconverti en guérisseur traditionnel. Cependant, l’antériorité historique de cette ‘‘chefferie’’ n’a pu être établie », a indiqué le gouvernement sur la base des informations fournies par le Comité.

La prise en compte du pouvoir traditionnel Dendi à Karimama comme royauté n’est pas validée, mais Karimama est considéré comme une chefferie supérieure. « Dans la nomenclature des chefs, il n’y a pas d’émirat. L’émirat est religieux et non politique. Ce sont les princes de Gaya qui sont venus s’installer à Karimama. Ils sont partie prenante de l’organisation nigérienne. On a plusieurs cas ; par exemple : Senru Kpéru, Okuta du Nigéria,… Les populations autour de Karimama ne reconnaissent pas l’autorité de l’Emir parce qu’il est étranger à leur tradition », souligne le gouvernement, avant de poursuivre. « Il y a dans le territoire des Dendi, des Fulbe, des Gulmaceba, des Tchenga… Cette diversité pose le problème d’une cohésion garante d’une éventuelle unité politique. Chaque groupuscule a son leader auquel il est soumis ». Pour cette raison, Karimama ne rentre pas dans la catégorie des royaumes, mais plutôt de chefferie supérieure.

Autres pétitions rejetées…

Il est rapporté dans une pétition que Banikoara serait un royaume et son 14e roi aurait même signé un traité avec les Français. Mais pour le Comité et le gouvernement, Banikoara ne saurait être évoqué dans le concert des chefferies traditionnelles. « Banikoara a un statut confus parce que c’est le point de rencontre de plusieurs groupes : Baatombu (stricto sensu), Waaba, Gulmaceba,… Seule la localité de Ounet est nettement marquée Wassangari parce que le roi de Niki y a pris femme et a eu des enfants. La branche dynastique Tosu qui fonda le royaume de Bouè y est fortement implantée», explique-t-on. De plus, « il y a d’autres raisons qu’on tait par décence : chaque discipline a aussi une déontologie qu’on respecte. Dans le territoire de Banikoara, il y a Ounet qui est visible. Ounet est rattaché à Bouè et le chef de Ounet participe aux réunions des Tosu de Bouè. Au total, Banikoara est hybride pour les raisons évoquées ci-dessus et ne saurait être évoqué dans le concert des chefferies traditionnelles du Borgou », a répondu l’Exécutif béninois.

La demande d’intégration de la chefferie traditionnelle Sanga de Toucountouna bute aussi. Ici, il a été signalé que les chefferies de l'Atacora ouest et de la Donga ont été prises en compte à travers un regroupement suivant des organisations sociolinguistiques en présence. Celles-ci sont pour la plupart dominées par une organisation sociopolitique religieuse (le chef détenant également et surtout le pouvoir religieux). « La chefferie traditionnelle Sanga de Toucountouna est bel et bien prise en compte lorsqu'on évoque la chefferie coutumière des Natemba. Le cas de Toucountouna n’est pas pensable isolément ; on est dans une société acéphale », estime le pouvoir central.

La chefferie de Odougba fait partie des pétitionnaires. La réponse donnée est que cette localité n’a jamais été référencée dans une quelconque littérature scientifique et que même les traditions orales à ce jour, ne retracent pas un statut de chefferie à cette localité qui reste un village parmi tant d’autres. A Vossa, après le règne du premier roi, aucune chefferie n’a pu prospérer à l’installation du colon français. C’est la réponse du gouvernement à la pétition des autochtones de Vossa pour invalider leur requête. Le Cas de la chefferie traditionnelle de Gbanlin est le même que celui de Vossa et bien d’autres encore. « La date du supposé règne du roi Sossa Katisso 1895-1944 prouve qu’il s’agit d’un récit qui ne peut prospérer. Aucune chefferie n’a pu prospérer à l’installation du colon français. Cette seule référence invalide la requête », a argué le gouvernement.

Djègbé souhaite le titre de chefferie traditionnelle. Or, Ouessè est considéré comme la chefferie des Mahi qui reconnait l’autorité royale de Savalou à qui est faite allégeance, rappelle-t-on. A Porto-Novo, Houézénou serait une dynastie royale. Là encore, recours est fait à l’histoire. « Migan est désigné premier ministre par Tofa à Hogbonou. Le groupe issu des Migan ne saurait réclamer une autorité royale. Il est au service du roi », insiste le gouvernement.

Pobè réclame aussi son statut de royaume. En réponse, l’Exécutif affirme que la ville a valeur d’entité religieuse et non politique. Et qu’en raison de leur fonction spécifique, les entités religieuses ne sont pas prises en compte dans ce projet de loi.