La Nation Bénin...
Les députés initiateurs de la proposition de loi veulent instituer une deuxième chambre parlementaire pour renforcer la cohésion nationale et la continuité de l’État.
Trente-cinq ans après l’adoption de la Constitution du 11 décembre 1990, le Bénin s’engage dans une nouvelle réforme institutionnelle d’envergure. Une proposition de loi portant modification de la loi fondamentale, introduite à l’Assemblée nationale, relance le débat sur la gouvernance et l’équilibre des pouvoirs. Son objectif majeur est d’instaurer un Sénat afin de compléter l’architecture républicaine et de consolider la stabilité politique du pays. Les députés auteurs de la proposition soulignent, dans l’exposé des motifs, que malgré les avancées issues de la Conférence nationale de 1990 et la révision constitutionnelle de novembre 2019, des dysfonctionnements institutionnels persistent. La réforme de 2019 a permis, entre autres, l’abolition de la peine de mort, la création de la Cour des comptes, la reconnaissance de la chefferie traditionnelle et la promotion de la parité hommes-femmes. Mais ces acquis ne suffisent pas à rendre irréversible la dynamique de développement du Bénin.
Selon les initiateurs, la vie politique nationale demeure souvent tributaire d’une logique d’opposition systématique, où les rivalités partisanes l’emportent sur l’intérêt général. Ils estiment qu’il faut un cadre de dialogue permanent entre les grandes figures de l’État, capable de transcender les clivages politiques pour garantir la continuité républicaine. C’est dans cet esprit qu’ils proposent la création d’un Sénat, institution de sagesse et de concertation, destinée à servir de chambre de stabilisation politique et de mémoire institutionnelle.
Le Sénat aurait pour mission principale de rapprocher et d’arbitrer les options politiques divergentes au profit de la cohésion nationale. Il serait également chargé de veiller à la sauvegarde des acquis de développement, à la stabilité politique, à la sécurité publique et à la consolidation de la démocratie. Le Sénat pourrait aussi examiner les projets de loi ayant un impact majeur sur l’organisation de l’État et proposer des recommandations.
Le rôle et la composition du futur Sénat
Dans le dispositif proposé, le Sénat ne se substituerait pas à l’Assemblée nationale, mais agirait comme une chambre de relecture et de régulation des décisions législatives. Il pourrait demander une seconde lecture de tout texte adopté, à l’exception des lois de finances. En cas de désaccord persistant entre le Président de la République et l’Assemblée nationale, il interviendrait en lecture définitive afin d’assurer un équilibre entre les pouvoirs exécutif et législatif.
La composition du Sénat, telle que prévue dans la proposition, met l’accent sur l’expérience et la compétence. Y siègeraient les anciens présidents de la République, les anciens présidents de l’Assemblée nationale, les anciens présidents de la Cour constitutionnelle, ainsi que les anciens chefs d’état-major des forces armées et de sécurité. Ces personnalités, choisies pour leur parcours institutionnel et leur expérience, représenteraient la sagesse de la Nation et la continuité de l’État.
Le texte prévoit également la possibilité pour le Président de la République et le Président de l’Assemblée nationale de désigner chacun un quota restreint de membres supplémentaires, représentant environ un cinquième de l’effectif total. Ce mécanisme vise à assurer une diversité d’expertises et un équilibre entre légitimité historique et représentativité institutionnelle.
Un projet porteur de stabilité mais objet de débat
Pour les initiateurs, la création du Sénat permettra de renforcer la stabilité politique et de prévenir les crises institutionnelles. Ils y voient un instrument d’apaisement et de continuité, susceptible de garantir la cohésion nationale. Selon eux, cette réforme ne vise pas à complexifier l’organisation de l’État, mais à créer un cadre de concertation permanente entre les hauts responsables de la République et les institutions démocratiques.
Cependant, cette initiative n’échappe pas aux critiques. Certains observateurs estiment qu’un Sénat pourrait alourdir les charges de l’État et créer une bureaucratie supplémentaire. D’autres craignent qu’il ne devienne une institution d’apparat, sans véritable pouvoir d’influence, ou un refuge pour les anciens responsables politiques. Ces préoccupations relancent le débat sur la rationalisation du système institutionnel et la pertinence d’une telle réforme dans le contexte économique actuel.
Malgré ces interrogations, les partisans du projet affirment que le Sénat pourrait devenir un instrument de stabilité et de mémoire collective, garantissant la continuité de la République au-delà des alternances politiques. Pour eux, le Bénin, fort de plus de trois décennies de démocratie pluraliste, doit désormais consolider ses institutions par des mécanismes de régulation et de prévention des crises.
Le texte sera examiné prochainement par les députés à l’Assemblée nationale. Son adoption ouvrirait une nouvelle page de l’histoire constitutionnelle du Bénin, marquée par la volonté de renforcer la gouvernance, la cohésion sociale et la paix politique. Si le projet aboutit, le pays rejoindra la liste des États africains dotés d’un bicamérisme assumé, où le Sénat devient la chambre de la sagesse et du dialogue.
Assemblée nationale