La Nation Bénin...
Les
œuvres de Julien Vignikin en exposition à la Maison rouge en collaboration avec Béatrice Dossou Yovo, commissaire de l'exposition, du 7 novembre au 1er décembre 2024, donnent une image des masques
africains à partir de douelles de tonneaux de vin usagés. « L’Essence pure
sans bruit », titre de cette exposition, fait découvrir au public,
sculptures et tableaux, avec le masque comme dénominateur commun, lesquels dialoguent
sur des sujets sociétaux, qu’ils soient du passé, du présent ou même du futur.
La
vingtaine de sculptures et de tableaux présentés par Julien Vignikin pour sa
première grande exposition, explore plusieurs thématiques. Essentiellement, les
sculptures, en forme de masques africains fabriqués à base de douelles de
tonneaux de vin, évoquent la culture et l’importance du masque traditionnel
africain. Ces sculptures permettent surtout aux occidentaux qui n’ont pas la
chance de découvrir un masque africain ou qui sont encore frileux à l’idée de
voir un masque africain en raison des préjugés, de voir à quoi cela pourrait
ressembler.
« Mon
travail a été de réinventer le masque avec de douelles de tonneaux de vin que
je récupère dans les vignobles en région de Bourgogne. Donc, c'est un travail
où je suis amené à donner une nouvelle lecture à l'art traditionnel africain,
en gardant le vocabulaire de l'art traditionnel africain associé à des
matériaux qui sont recyclés, puisque les vieux tonneaux ne servent plus à
rien », explique l’artiste. « Ce masque se veut, ajoute-t-il, épuré
et très minimaliste ».
Julien
Vignikin voudrait ainsi donner une lecture plus facile du masque africain aux
personnes qui ont toujours tendance, quand on leur parle du masque africain, à
se sentir mal à l'aise. « Moi, j'ai remonté le masque avec des douilles de
tonneaux de vin, avec un graphisme qui peut être abstrait, mais je garde en
présence quand même cette trame de l'art traditionnel africain», précise
l’artiste.
A
côté des sculptures, il y a aussi des peintures. Ces toiles ont un dénominateur
commun : ‘‘le squelette’’ du masque. « On peut voir apparaître dans
les étoiles ce qu'on appelle le squelette du masque qui s'associe avec des
personnages qui sont soit couchés ou debout. Cela fait allusion aux flux
migratoires qui ne cessent jamais. Hier, on a parlé de l'esclavagisme et
aujourd’hui on parle des migrants. Je l'associe aussi avec des animaux qui sont
en transhumance. Cela me fait dire que finalement, que ce soit l'homme ou
l'animal, on est lié. », pense Julien Vignikin. Les tableaux font
également voir les scarifications qui laissent penser aux signes du Fâ. A tout
ceci s’ajoute le code binaire qui signifie « ouvert, fermé ».
C’est
l’une des rares fois que Julien Vignikin fait une exposition d’art de cette
envergure au Bénin. Celle-ci marque un nouveau virage dans la carrière de
l’artiste, explique Béatrice Dossou-Yovo, commissaire de l’exposition. « Julien
est beaucoup plus dans l'analyse d'absolument tout. C'est une personne très
sensible et qui, en même temps, observe notre société, garde un œil critique
sur la société, notamment on pourrait dire, les incohérences entre ce qui se
passerait dans le Nord, ce qui se passerait dans le Sud de
l'hémisphère… », ajoute-t-elle. La commissaire est aussi heureuse que
Julien Vignikin aborde et mette en avant certaines valeurs, telles que les
inégalités, l'injustice, le racisme, le gaspillage, la surconsommation, la
malbouffe. « L'avantage de l'abstraction, c'est que chacun peut laisser
les recours à son interprétation, à son imagination. Et du coup, le ressenti
est très différent d'une personne à l'autre. C'est vraiment ce qui ressort de
cette exposition », fait savoir Béatrice Dossou-Yovo.
Le vernissage de « L’Essence pure sans bruit » s’est déroulé le 7 novembre 2024. L’exposition prend fin le 1er décembre prochain. La suite, d’après l’artiste, c’est que les pièces qui vont rester au Bénin vont se retrouver à l'Institut français du Bénin à Cotonou. Et Julien Vignikin dit avoir hâte que cela se fasse. « Du coup, ça me fait une grande visibilité, très importante pour moi », se réjouit-il à l’avance. Cette exposition permet aussi à l’artiste de renouer avec ses origines, lui qui est parti du Bénin pour la France à 10 ans et qui aujourd’hui en a 57.
Julien Vignikin est un artiste franco-béninois né à Ouidah. Il vit et travaille entre Auxerre et Ouidah. Parti en France pour étudier la médecine, il a finalement trouvé sa voie dans l’art. Diplômé de l'École nationale des Beaux-Arts de Dijon, Julien Vignikin développe un art engagé, abordant des questions sociales. Il puise son inspiration dans les traditions africaines tout en établissant des ponts entre les cultures française et béninoise. L’artiste est connu pour ses masques contemporains, réalisés à partir de douelles de tonneaux de vin récupérées en Bourgogne, qui symbolisent la dualité culturelle. Ses œuvres oscillent entre figuration et abstraction, influencées par l'expressionnisme abstrait et l'Arte povera, intégrant des matériaux recyclés. Il utilise l'huile mais aussi l'acrylique dans ses peintures.