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Résidence de l’artiste Tankila: Le design congolais en dialogue avec les esprits Vodoun

Culture

L’artiste congolais Tankwey Mulut Jean-Jacques, invité de Laboratorio Arts Contemporains dans le cadre de son programme de résidences en immersion vogue entre mémoire, spiritualité et innovation. Il s’inspire des traditions pour voler au cœur de la modernité avec une touche architecturale dont les supports sont empruntés au quotidien et au rituel. 

Par   Josué F. MEHOUENOU, le 11 juil. 2025 à 14h53 Durée 2 min.
#Résidence de l’artiste Tankila #Art et culture

Ouidah, avec son histoire et son énergie unique a été le terreau idéal pour ce que l’on pourrait, sans exagérer, qualifier d’une renaissance africaine. La résidence au Bénin de Tankwey Mulut Jean-Jacques, Tankila de son nom d’artiste, bien plus qu’un simple séjour de création, marque l’émergence d’une nouvelle génération de créateurs africains qui pensent leur art comme outil de transformation, de connexion et de transmission. Un art qui assume pleinement ses racines, tout en s’ouvrant au reste du monde. « Nous sommes là pour collaborer, pour échanger entre Africains, mais aussi pour dire au monde que l’Afrique pense, crée, invente. L’art, chez nous, est lié à la mémoire, à la spiritualité, à la communauté. Il est vivant », soutient le Congolais.

Ce dont accouche cet artiste-designer et manager au terme de son séjour, c’est une immersion entre objets, symboles et rites. Tankila est reconnu pour son approche hybride du design, où se croisent art, technologie, artisanat et mémoire. À travers son Tankila Studio et la Kinshasa Design Week (Kindeswe), il milite pour un design ancré dans les réalités africaines, détournant les objets du quotidien pour leur offrir une nouvelle vie chargée de sens. Au Bénin, cette démarche s’est incarnée dans une installation poignante, où se mêlent offrandes aux divinités, senteurs rituelles et matériaux traditionnels bien évidemment avec une once de modernité. L’œuvre qui ne manque pas de curiosité s’identifie à un dialogue avec le monde invisible. Elle s’inspire du « Agbassa », l’autel symbolique chez les dignitaires vaudous et convoque les esprits à travers des objets chargés : bouteilles de sodabi, récipients d’eau, et autres éléments d’invocation. «On a travaillé les senteurs, les odeurs… », explique Tankila pour en rajouter à sa démarche artistique. Son œuvre constitue un clin d’œil à l’histoire et aux savoirs ancestraux.

 

Connecter des scènes africaines

Au-delà de la création, Tankila incarne une vision entrepreneuriale audacieuse. À Kinshasa, où les artistes sont souvent en freelance et peu structurés, il a voulu penser une autre voie, celle d’une entreprise culturelle qui s’identifie et fonctionne comme telle. « Je suis designer avant tout. Mais je voulais créer une structure, développer une économie autour du design, un métier encore méconnu chez nous », confie-t-il. Cette dynamique l’a conduit à lancer, dès 2019, la Kinshasa Design Week. Après une première édition prometteuse, la deuxième en 2024 avait pour objectif d’ouvrir la création au plus grand nombre. À l’issue de sa résidence, et après une belle baignade dans l’écosystème culturel béninois, Tankila annonce l'envie d’étendre des studios et pavillons à Ouidah pour la prochaine édition de la biennale. Une manière pour l’artiste de renforcer les ponts tissés entre Kinshasa et Ouidah, entre pratiques artisanales congolaises et spiritualités béninoises. Le dialogue engagé à travers cette résidence semble appelé à se prolonger dans le temps, dans l’espace… et dans les esprits. Sous l’égide de Laboratorio Arts Contemporains et grâce au soutien du fonds Aide aux opérateurs culturels africains (Aoca) de l’Institut français, Tankila a, du 1er au 6 juillet, mené à bien une création conçue comme un espace de résonance entre les traditions du Bénin et les dynamiques créatives du Congo.