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Electrification rurale au Bénin: Les enjeux de gouvernance, sécurité et coordination

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Alors que les efforts d’électrification rurale s’intensifient sur l’ensemble du territoire, la réussite du programme dépend aussi de la sécurité des installations, de la mobilisation des acteurs locaux et de la cohérence institutionnelle. Des réponses structurantes sont en cours pour garantir un accès durable, équitable et maîtrisé à l’énergie dans les zones rurales.

Par   Claude Urbain PLAGBETO, le 15 juil. 2025 à 10h53 Durée 3 min.
#électrification rurale au Bénin

L’extension du réseau électrique au Bénin ne se limite pas à la pose de poteaux ou à l’installation de transformateurs. Elle suppose une vigilance constante face à des défis techniques, sociaux et institutionnels qui, s’ils ne sont pas relevés, peuvent fragiliser les acquis. Sécuriser les équipements, coordonner les acteurs, libérer les emprises et renforcer la proximité entre services publics et collectivités locales sont autant d’enjeux que les autorités s’emploient à maîtriser.

L’un des premiers défis est la sécurité des infrastructures. Des cas de vandalisme, de vols de câbles ou de batteries de lampadaires solaires ont été signalés dans les communes de Lokossa, Bohicon, Abomey, Sèmè-Podji, Porto-Novo et Glazoué.

« Des poteaux ont été sectionnés, des câbles dérobés, parfois même des installations entières sabotées», rapporte Wilfried Maffon, directeur régional de la Sbee pour l’Ouémé-Plateau. «Ces pratiques mettent en danger la population et fragilisent le réseau », explique-t-il.

Pour y faire face, la direction a mis en place des patrouilles de surveillance nocturne, notamment entre 2 h et 5 h du matin, période où se concentrent la majorité des délits.

La sécurisation du réseau apparaît donc comme une condition essentielle à la réussite du programme d’électrification rurale. Elle nécessite la mobilisation conjointe des autorités nationales, des collectivités locales et des populations pour garantir un accès durable et sécurisé à l’électricité sur l’ensemble du territoire.

La lutte contre les branchements frauduleux et les circuits parallèles est aussi une priorité. A Zè, un réseau de trafic de compteurs impliquant d’anciens prestataires a été démantelé début juin et le cerveau de la bande sous les verrous.

Ces pratiques dangereuses s’ajoutent aux problèmes d’enchevêtrement des câbles, les fameuses « toiles d’araignées» observées dans plusieurs localités comme Founga (commune de Djougou), où des installations anarchiques traversent même des ouvrages de franchissement, créant des situations à haut risque pour les usagers.

Lutter contre les installations anarchiques

Les défis techniques concernent aussi l’occupation des emprises électriques. Dans certaines localités, les zones réservées aux lignes ou transformateurs ont été colonisées par des habitations ou commerces informels, compliquant l’extension du réseau.

« Il est impératif de renforcer la sensibilisation pour éviter ces occupations illégales », a souligné Malick Mama, directeur des Etudes et de la planification à la Sbee, lors d’un atelier à Cotonou le 13 mai dernier. La Sbee collabore étroitement avec les mairies pour libérer les couloirs techniques nécessaires aux travaux.

A cela s’ajoutent les difficultés liées à une urbanisation non maîtrisée. A peine 20 % des zones périphériques disposent de plans de lotissement adaptés, frein majeur à une planification efficace des extensions, selon les experts réunis lors du même atelier.

Cette situation est aggravée par la croissance démographique rapide et l’urbanisation non maîtrisée des zones rurales. Retard dans la libération des sites, pénurie de matériel, expansion incontrôlée des zones habitées : tous ces facteurs imposent un rythme soutenu aux équipes de la Sbee pour atteindre les objectifs à l’horizon 2030.

Yves Tohinlo, responsable du contrôle des travaux d’investissement dans la Donga, insiste sur la nécessité d’une collaboration renforcée avec les communautés locales pour protéger durablement les infrastructures. Ces mesures sont d’autant plus cruciales que 35 % des branchements urbains échappent au contrôle et que 60 % des zones restent difficiles d’accès pour la maintenance.

Réduire les pertes et améliorer la maintenance

Un autre défi majeur concerne les pertes techniques sur le réseau, qui dépassent parfois 10 % dans certaines zones, en raison du vieillissement des équipements, de la surcharge des lignes ou du mauvais état des installations.

« Grâce aux projets de modernisation soutenus par les partenaires techniques et financiers, nous commençons à observer une réduction de ces pertes », nuance Derrick Houanou, ingénieur de la Sbee dans le Borgou.

Des efforts sont en cours pour renforcer le maillage du réseau, remplacer les équipements obsolètes et fiabiliser les lignes critiques. Cependant, les contraintes logistiques restent fortes. L’absence d’outils modernes comme les Gps ou logiciels de suivi, le manque de véhicules adaptés, ainsi que les conditions difficiles sur le terrain, compliquent les interventions. «Nos équipes travaillent parfois dans des conditions précaires, ce qui retarde les dépannages», témoigne un technicien.

Parallèlement, Maïxent Sottin, directeur régional de la Sbee pour les Collines, dénonce les manquements des prestataires dans le respect des cahiers des charges. Pour y remédier, la Sbee déploie ses propres agents sur le terrain afin d’assurer un suivi rigoureux, depuis la réception du matériel jusqu’à l’installation finale, assure-t-il.

Vers une meilleure gouvernance énergétique locale

La coordination entre acteurs demeure cruciale. La liquidation de l’Aberme et la réorganisation des missions au sein de la Sbee ont clarifié les rôles, mais des ajustements restent nécessaires sur le terrain.

« Il faut renforcer la circulation de l’information entre directions centrales, services déconcentrés et mairies », insiste Edwige Adohinzin Hountondji, secrétaire générale de la Sbee.

Les collectivités locales, en première ligne pour accompagner les projets, manquent souvent de données actualisées et de visibilité sur les priorités d’électrification. Pour pallier ces limites, la Sbee propose la création de comités régionaux de concertation associant autorités locales, techniciens, partenaires au développement et représentants des populations. L’objectif est d’harmoniser les interventions, anticiper les besoins et accélérer les prises de décisions.

Le ministère de l’Energie, la Sbee, les collectivités territoriales et les bailleurs internationaux (Banque africaine de développement, Union européenne, Afd…) doivent agir en synergie pour atteindre les objectifs fixés à l’horizon 2026 puis 2030.

« La réussite du programme repose sur une gouvernance concertée et le renforcement des capacités locales », souligne un conseiller communal. Former élus et cadres techniques municipaux à la gestion de projets énergétiques est crucial dans le contexte de décentralisation, estime-t-il.

L’enjeu est de garantir un réseau électrique cohérent, résilient et capable de soutenir le développement économique et démographique des zones rurales.