La Nation Bénin...
Alors que les efforts d’électrification rurale
s’intensifient sur l’ensemble du territoire, la réussite du programme dépend
aussi de la sécurité des installations, de la mobilisation des acteurs locaux
et de la cohérence institutionnelle. Des réponses structurantes sont en cours
pour garantir un accès durable, équitable et maîtrisé à l’énergie dans les
zones rurales.
L’extension du réseau électrique au Bénin ne se limite
pas à la pose de poteaux ou à l’installation de transformateurs. Elle suppose
une vigilance constante face à des défis techniques, sociaux et institutionnels
qui, s’ils ne sont pas relevés, peuvent fragiliser les acquis. Sécuriser les
équipements, coordonner les acteurs, libérer les emprises et renforcer la
proximité entre services publics et collectivités locales sont autant d’enjeux
que les autorités s’emploient à maîtriser.
L’un des premiers défis est la sécurité des infrastructures.
Des cas de vandalisme, de vols de câbles ou de batteries de lampadaires
solaires ont été signalés dans les communes de Lokossa, Bohicon, Abomey,
Sèmè-Podji, Porto-Novo et Glazoué.
« Des poteaux ont été sectionnés, des câbles dérobés,
parfois même des installations entières sabotées», rapporte Wilfried Maffon,
directeur régional de la Sbee pour l’Ouémé-Plateau. «Ces pratiques mettent en
danger la population et fragilisent le réseau », explique-t-il.
Pour y faire face, la direction a mis en place des
patrouilles de surveillance nocturne, notamment entre 2 h et 5 h du matin,
période où se concentrent la majorité des délits.
La sécurisation du réseau apparaît donc comme une
condition essentielle à la réussite du programme d’électrification rurale. Elle
nécessite la mobilisation conjointe des autorités nationales, des collectivités
locales et des populations pour garantir un accès durable et sécurisé à
l’électricité sur l’ensemble du territoire.
La lutte contre les branchements frauduleux et les
circuits parallèles est aussi une priorité. A Zè, un réseau de trafic de
compteurs impliquant d’anciens prestataires a été démantelé début juin et le
cerveau de la bande sous les verrous.
Ces pratiques dangereuses s’ajoutent aux problèmes
d’enchevêtrement des câbles, les fameuses « toiles d’araignées» observées dans
plusieurs localités comme Founga (commune de Djougou), où des installations
anarchiques traversent même des ouvrages de franchissement, créant des
situations à haut risque pour les usagers.
Lutter contre les installations anarchiques
Les défis techniques concernent aussi l’occupation des
emprises électriques. Dans certaines localités, les zones réservées aux lignes
ou transformateurs ont été colonisées par des habitations ou commerces informels,
compliquant l’extension du réseau.
« Il est impératif de renforcer la sensibilisation pour
éviter ces occupations illégales », a souligné Malick Mama, directeur des
Etudes et de la planification à la Sbee, lors d’un atelier à Cotonou le 13 mai
dernier. La Sbee collabore étroitement avec les mairies pour libérer les
couloirs techniques nécessaires aux travaux.
A cela s’ajoutent les difficultés liées à une
urbanisation non maîtrisée. A peine 20 % des zones périphériques disposent de
plans de lotissement adaptés, frein majeur à une planification efficace des
extensions, selon les experts réunis lors du même atelier.
Cette situation est aggravée par la croissance
démographique rapide et l’urbanisation non maîtrisée des zones rurales. Retard
dans la libération des sites, pénurie de matériel, expansion incontrôlée des
zones habitées : tous ces facteurs imposent un rythme soutenu aux équipes de la
Sbee pour atteindre les objectifs à l’horizon 2030.
Yves Tohinlo, responsable du contrôle des travaux d’investissement dans la Donga, insiste sur la nécessité d’une collaboration renforcée avec les communautés locales pour protéger durablement les infrastructures. Ces mesures sont d’autant plus cruciales que 35 % des branchements urbains échappent au contrôle et que 60 % des zones restent difficiles d’accès pour la maintenance.
Réduire les pertes et améliorer la maintenance
Un autre défi majeur concerne les pertes techniques sur
le réseau, qui dépassent parfois 10 % dans certaines zones, en raison du vieillissement
des équipements, de la surcharge des lignes ou du mauvais état des
installations.
« Grâce aux projets de modernisation soutenus par les
partenaires techniques et financiers, nous commençons à observer une réduction
de ces pertes », nuance Derrick Houanou, ingénieur de la Sbee dans le Borgou.
Des efforts sont en cours pour renforcer le maillage du
réseau, remplacer les équipements obsolètes et fiabiliser les lignes critiques.
Cependant, les contraintes logistiques restent fortes. L’absence d’outils
modernes comme les Gps ou logiciels de suivi, le manque de véhicules adaptés,
ainsi que les conditions difficiles sur le terrain, compliquent les
interventions. «Nos équipes travaillent parfois dans des conditions précaires,
ce qui retarde les dépannages», témoigne un technicien.
Parallèlement, Maïxent Sottin, directeur régional de la Sbee pour les Collines, dénonce les manquements des prestataires dans le respect des cahiers des charges. Pour y remédier, la Sbee déploie ses propres agents sur le terrain afin d’assurer un suivi rigoureux, depuis la réception du matériel jusqu’à l’installation finale, assure-t-il.
Vers une meilleure gouvernance énergétique locale
La coordination entre acteurs demeure cruciale. La
liquidation de l’Aberme et la réorganisation des missions au sein de la Sbee
ont clarifié les rôles, mais des ajustements restent nécessaires sur le
terrain.
« Il faut renforcer la circulation de l’information entre
directions centrales, services déconcentrés et mairies », insiste Edwige
Adohinzin Hountondji, secrétaire générale de la Sbee.
Les collectivités locales, en première ligne pour
accompagner les projets, manquent souvent de données actualisées et de
visibilité sur les priorités d’électrification. Pour pallier ces limites, la Sbee
propose la création de comités régionaux de concertation associant autorités
locales, techniciens, partenaires au développement et représentants des
populations. L’objectif est d’harmoniser les interventions, anticiper les
besoins et accélérer les prises de décisions.
Le ministère de l’Energie, la Sbee, les collectivités
territoriales et les bailleurs internationaux (Banque africaine de
développement, Union européenne, Afd…) doivent agir en synergie pour atteindre
les objectifs fixés à l’horizon 2026 puis 2030.
« La réussite du programme repose sur une gouvernance
concertée et le renforcement des capacités locales », souligne un conseiller
communal. Former élus et cadres techniques municipaux à la gestion de projets
énergétiques est crucial dans le contexte de décentralisation, estime-t-il.
L’enjeu est de garantir un réseau électrique cohérent, résilient et capable de soutenir le développement économique et démographique des zones rurales.
Electrification rurale