La Nation Bénin...
Le
secrétaire exécutif de la Commission économique pour l’Afrique, Claver Gatete,
a appelé à un changement de paradigme dans le financement du développement en
Afrique. À Kampala en Ouganda, il a estimé que l’aide traditionnelle ne répond
plus aux ambitions du continent et proposé des solutions plus audacieuses et
inclusives pour relancer la croissance.
L’heure
des illusions est révolue. L’Afrique ne peut plus compter sur l’aide internationale
pour se développer. Claver Gatete, secrétaire exécutif de la Commission
économique pour l’Afrique, a fait savoir sans détour qu’il est temps pour le
continent de prendre son destin financier en main. Il n’a pas mâché ses mots à
l’occasion de la onzième session du Forum régional africain pour le
développement durable tenue du 9 au 11 avril à Kampala en Ouganda.
« L’aide ne peut plus être considérée comme une solution fiable ni durable », a-t-il affirmé devant un parterre de décideurs africains. Dans un monde en mutation, marqué par des crises multiformes et un système financier international déphasé, l’Afrique se retrouve à la croisée des chemins. Selon lui, les modèles classiques de financement, longtemps appuyés sur les aides extérieures, sont désormais en décalage avec les ambitions du continent. L’Afrique aspire à des transformations structurelles profondes, mais reste entravée par un fardeau de dette représentant 64,3 % de son Pib, une croissance économique atone d’environ 3 % par an et des vulnérabilités chroniques accentuées par la pandémie, le changement climatique et les tensions géopolitiques. Claver Gatete dresse un tableau inquiétant en estimant que seules, 10 des 144 cibles mesurables des Objectifs de développement durable (Odd) sont en bonne voie d’être atteintes. Pour 106 d’entre elles, les progrès sont trop lents. Pis encore, 28 reculent. Ce constat à cinq ans de l’échéance de 2030 sonne comme une alerte. Le secrétaire exécutif de la Commission économique pour l’Afrique cite l’Odd 5, sur l’égalité des sexes, qui ne sera pas atteint avant des décennies si rien ne change. De fait, les femmes restent économiquement marginalisées, n’occupant que 26 % des sièges parlementaires en Afrique et accusant un retard de 12 % sur l’accès à l’argent mobile. De même, l’Odd 3, relatif à la santé, révèle une Afrique qui dépense en moyenne 49 772,64 F Cfa par habitant pour ce secteur, très loin du seuil de 144 109 15 F Cfa recommandé par l’Organisation mondiale de la santé (Oms).
Les leviers de développement
Pour
sortir de l’impasse, Claver Gatete propose un changement de paradigme. Le salut
viendra, selon lui, de la mobilisation accrue des ressources nationales. Cela
passe par un élargissement de l’assiette fiscale, la digitalisation de l’économie
pour lutter contre les flux financiers illicites estimés à 89 milliards de
dollars par an et une meilleure utilisation des fonds souverains et de pension.
Il plaide également pour un accès facilité au financement pour les femmes et
les jeunes, souvent exclus des circuits financiers traditionnels. Le
développement de la microfinance, de la finance numérique et de
l’investissement d’impact est présenté comme une voie prometteuse pour
encourager l’entrepreneuriat local et créer de la richesse de manière inclusive.
Le secrétaire exécutif de la Cea des Nations Unies insiste sur la nécessité de
développer les marchés des capitaux africains, aujourd’hui sous-utilisés. En
attirant les investissements privés à travers des garanties de crédit, des
financements mixtes et des environnements réglementaires incitatifs, l’Afrique
pourrait orienter davantage de ressources vers des secteurs stratégiques tels
que l’agriculture, les infrastructures et les énergies renouvelables.
Actuellement, seulement 2 % des investissements mondiaux dans les énergies
propres vont à l’Afrique. Un déséquilibre qu’il convient de corriger de toute
urgence, notamment par l’industrialisation verte et l’innovation locale. Parmi
les leviers de transformation évoqués, la Zone de libre-échange continentale
africaine (Zlecaf) figure en bonne place. Claver Gatete voit en elle une chance
historique d’accroître de 45 % le commerce intra-africain d’ici 2045. Elle
devrait également favoriser la création d’emplois massifs, l’industrialisation
et l’inclusion numérique, en particulier si elle s’appuie sur les nouvelles
technologies comme l’intelligence artificielle, la blockchain et la data. La
mise en œuvre rapide d’un protocole continental sur les échanges numériques
pourrait, selon lui, révolutionner le commerce électronique et stimuler la
croissance des Pme africaines.
Pour réussir, Claver Gatete appelle à un leadership politique audacieux, à des réformes courageuses et à des partenariats élargis. La coopération régionale et internationale doit être renforcée, tout comme les partenariats entre gouvernements, secteur privé, société civile et partenaires au développement. « Le temps presse. Nous devons agir maintenant, avec vous, nos chefs d’État, qui menez des réformes, créez un environnement favorable et mobilisez les ressources nationales. Ensemble, nous pouvons réaliser la promesse de l’Agenda 2063 et des Odd », conclut-il.