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Face aux mutations technologiques et aux nouveaux défis économiques, les acteurs du marché financier devront opérer une véritable transformation. C’est du moins l’exhortation lancée par le directeur général de la Bourse régionale des valeurs mobilières (Brvm), dans sa conférence inaugurale au premier Salon de l’actionnariat, tenu les 11 et 12 novembre à Cotonou. Dr Edoh Kossi Amènounvè y a esquissé les pistes d’un marché plus ouvert, plus digital et plus inclusif.
Si la Bourse régionale des valeurs mobilières (Brvm) s’est profondément modernisée en trente ans, l’un des enjeux majeurs reste la digitalisation du marché et l’accès simplifié aux plateformes en ligne. En ouverture du premier Salon de l’actionnariat à Cotonou tenu les 11 et 12 novembre, Dr Edoh Kossi Amènounvè, directeur général de l’institution, a insisté sur la nécessité de transformer profondément le marché financier régional pour l’adapter aux mutations technologiques. Sa conférence inaugurale était consacrée au thème « Le marché financier régional de l’Uemoa : entre réformes et défis de développement, quels enjeux face aux innovations technologiques et à la digitalisation ».
Malgré les avancées notables réalisées, les Etats dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) restent confrontés à l’insuffisance des infrastructures énergétiques, la connectivité limitée et l’inclusion numérique encore faible. Plus de 70 % des ordres de bourse sont désormais transmis par voie électronique, mais la digitalisation complète des services reste freinée par des contraintes d’accès à Internet dans plusieurs pays de la sous-région.
« Le choix que nous devons faire aujourd’hui, c’est celui de la survie ou celui de la transformation», a averti le patron de la Brvm dans une intervention lucide et prospective.
Inévitable révolution
Pour Dr Amènounvè, « la survie» repose sur la consolidation des acquis. Il s’agit de démocratiser la bourse par l’actionnariat coté et non coté, diversifier les produits et services : finance structurée, titrisation, Etf (fonds d’investissement dont les parts se négocient en bourse en continu comme des actions), renforcer la gestion d’actifs, promouvoir la bourse en ligne, le développement des marchés dérivés et l’ouverture aux industries extractives et aux commodités, a précisé le conférencier.
Mais « la transformation » exige un changement de paradigme plus profond. Il s’agit de promouvoir une bourse verte et durable, de s’inscrire dans les innovations liées à l’intelligence artificielle, à la blockchain, à la monnaie numérique et d’aller vers un règlement instantané des transactions, sans contrepartie centrale. Le lancement en mai 2024 de la plateforme DigiAPE par le Dépositaire central/Banque de règlement (Dc/Br) illustre cette dynamique. Cet outil digitalise la souscription aux appels publics à l’épargne, automatisant et sécurisant les opérations pour les investisseurs et les émetteurs.
Selon Dr Amènounvè, le futur du marché passera par des plateformes permettant aux investisseurs de souscrire à tout moment à de nouvelles émissions. « Nous devons adopter l’intelligence artificielle dans l’intermédiation et le conseil financier, aller vers un règlement des transactions instantanées sans contrepartie centrale et envisager une bourse ouverte en continu, 24h/24 et 7j/7», a-t-il souligné. « C’est une révolution inévitable », a-t-il insisté.
Ces orientations rejoignent les axes du Plan stratégique Brvm 2023–2027 qui met l’accent sur la transformation digitale, la dématérialisation complète des titres et l’élargissement de la base d’investisseurs à travers l’actionnariat populaire.
Mais un risque demeure : le niveau élevé de la dette publique. L’augmentation du coût du service de la dette « évince » les dépenses de développement, tandis que le recours accru au financement intérieur renforce l’interdépendance entre Etats et système bancaire.
A cela s’ajoute ce que Dr Amènounvè qualifie de « cauchemar » des introductions en bourse (Ipo) qui devraient être progressivement remplacées par des placements privés (Ppo). La tokenisation qui est une représentation d’actif (action, obligation) sous forme de jeton numérique sur une blockchain, constitue, selon lui, la prochaine grande frontière après les Etf.
Des réformes qui ont redonné confiance
Le directeur général de la Brvm est également revenu sur les réformes ayant renforcé la gouvernance et la sécurité du marché, en évoquant la révision de la classification des produits, la réforme des Organismes de placement collectif en valeurs mobilières (Opcvm), la refonte des garanties et l’amélioration de la protection des investisseurs.
« Ces mesures ont permis d’obtenir des résultats durables, avec une remontée continue de tous les indicateurs », s’est-il félicité.
A mi-octobre 2025, la Brvm affiche une capitalisation boursière record de 13 014,67 milliards F Cfa. Par rapport au 31 décembre 2024, la capitalisation du marché des actions progresse de 29,13 %. Sur cinq ans, la performance atteint 197,98 %, portant la capitalisation globale (actions + obligations) à 23 979,92 milliards F Cfa.
Le poids de la place régionale représente désormais 17,78 % du Pib de l’Uemoa. Une dynamique soutenue par la bonne santé économique de l’Union, avec une croissance supérieure à 6 % depuis 2021, selon la Bceao. L’Union, avec un Pib agrégé estimé à plus de 230 milliards de dollars en 2024 par le Fonds monétaire international (Fmi), se positionne désormais comme l’un des pôles économiques les plus dynamiques du continent.
Un retour aux sources et à la vision fondatrice
La Brvm et le Dc/Br sont nés dans un contexte de crise mondiale et d’espoir de réforme structurelle, porté par la volonté des Etats de doter la région d’un outil commun de financement du développement. « Quand on est dans des conditions difficiles, on nourrit beaucoup d’espoir à ce que ce bébé puisse transformer durablement l’environnement dans lequel il est né », a rappelé Dr Amènounvè.
De l’euphorie des débuts à la consolidation actuelle, la Brvm s’est imposée comme un levier de financement des entreprises et un instrument de stabilité régionale.
Pour le directeur général, le succès futur dépendra de la capacité à « anticiper les mutations et oser l’innovation ». « Notre avenir dépendra de notre aptitude à transformer nos marchés plutôt qu’à subir les chocs », a-t-il conclu.
Ses propos rejoignent la vision portée par les organisateurs du Salon de l’actionnariat, United Capital for Africa (Uca Sgi) et Dimensions Group, qui ambitionnent de démocratiser l’investissement et de faire du marché financier un levier de développement inclusif pour l’Afrique de l’Ouest.
Selon Dr Edoh Kossi Amènounvè, directeur général de la Brvm, « Le marché financier africain doit choisir entre la survie et la transformation »